Il est troublant de constater le nombre de personnes – y compris (surtout ?) parmi les politiques – qui pensent que les chômeurs sont des profiteurs qui abusent de « l’assistanat » et qu’il est donc important de mettre au pas en les obligeant à travailler. Bénévolement qui plus est puisqu’ils reçoivent déjà assez d’argent comme ça ! Quelle lamentable perception des choses ! S’il y a certainement des abus, comme partout, la plupart des personnes qui sont au chômage ne demanderaient pas mieux que d’avoir un emploi correct et rémunéré convenablement. Ce ne sont pas eux qui ont demandé d’être au chômage. C’est « la société » qui est incapable de leur fournir un travail, pour de nombreuses raisons, dont les principales sont sans doute à chercher du côté de la quête effrénée du profit à tout prix, en se souciant peu de l’humain.
Obliger les chômeurs à travailler bénévolement est à la fois irrespectueux des chômeurs et des travailleurs. Les chômeurs parce qu’on les transforme en travailleurs forcés, sans même leur accorder le salaire approprié. Les travailleurs parce qu’on leur fait comprendre qu’eux aussi, finalement, pourraient travailler bénévolement.
Prétendre d’autre part qu’il n’y a place pour aucune discussion et qu’on ne peut envisager aucune activité professionnelle pour les chômeurs en dehors d’un contrat de travail classique et rémunérateur, c’est sans doute aussi être trop extrême dans l’approche de cette dure réalité.
N’y a-t-il pas place pour des solutions intermédiaires, respectueuses de tous et de tout, dans un modèle « win-win » ? Permettre à des chômeurs de réaliser des travaux de service social utiles à la communauté. J’écris bien « permettre » : la notion d’obligation ne me semble avoir aucun sens dans ce débat. Sur une base volontaire, les chômeurs devraient pouvoir exercer des tâches non pas subalternes, mais socialement reconnues et valorisées. Pour la beauté du geste ? Non, il n’y a aucune raison de faire cela « bénévolement ». Un système d’avantages devrait pouvoir être mis en place, de telle sorte que ce travail ne soit pas équivalent à une mise au travail. Justement pour ne pas dévaloriser celle-ci, pour que le demandeur d’emploi soit effectivement incité à trouver un emploi, un vrai, dans le cadre d’un contrat de travail officiel et rémunérateur.
L’objectif de telles mesures ne serait pas du tout que les chômeurs impliqués « méritent » leur allocation de chômage. Ils la méritent parce qu’ils n’ont pas de travail, par solidarité sociale. Point barre. L’objectif serait plutôt de leur offrir une voie concrète de réinsertion socio-professionnelle, tout en étant utile à la communauté. Certains n’ont d’ailleurs pas attendu un quelconque encadrement de cette perspective pour s’y inscrire résolument. Ils sont cependant une minorité. Est-il si naïf de croire que notre société pourrait s’organiser pour développer des pistes actives et concrètes dont tout le monde sortirait vainqueur ?