Ce poème fait partie du recueil Sagesse de Paul Verlaine, un recueil écrit juste après sa conversion au catholicisme alors qu’il séjournait en prison pour avoir tiré un coup de pistolet sur Rimbaud. Mais ce poème a plutôt la légèreté et la musicalité des Romances sans paroles, écrites un an plus tôt.
Ecoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d’eau sur la mousse !
La voix vous fut connue (et chère !),
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle est encore fière,
Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d’automne,
Cache et montre au cœur qui s’étonne
La vérité comme une étoile.
Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c’est notre vie,
Que de la haine et de l’envie
Rien ne reste, la mort venue.
Elle parle aussi de la gloire
D’être simple sans plus attendre,
Et de noces d’or et du tendre
Bonheur d’une paix sans victoire.
Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.
Allez, rien n’est meilleur à l’âme
Que de faire une âme moins triste !
Elle est en peine et de passage,
L’âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !…
Ecoutez la chanson bien sage.