Y a-t-il un droit à la syndicalisation ?
Publié Par Institut Coppet, le 14 octobre 2013 dans Lecture, SyndicalismeJour 26 de l’anthologie des 30 textes de Robert Wenzel qui vous amènera à devenir un libertarien bien informé : cet article a été publié sur LewRockwell.com le 1er janvier 2004.
L’Institut Coppet vous propose depuis cet été, en partenariat avec Contrepoints, l’anthologie des trente textes libertariens de Robert Wenzel traduite en français. Robert Wenzel est un économiste américain éditeur du site Economic Policy Journal et connu pour son adhésion aux thèses autrichiennes en économie. Cette anthologie regroupe une trentaine de textes qui s’inscrivent quasi-exclusivement dans le courant autrichien et plus généralement dans la pensée libertarienne. Le but principal de cet ensemble bibliographique de très grande qualité est de former au raisonnement libertarien, notamment économique, toute personne qui souhaiterait en découvrir plus sur cette pensée.
Lire aussi les premiers textes de l’anthologie.
Résumé : Il n’existe pas de droit à être syndiqué parce que la syndicalisation implique toujours l’usage de la violence, soit la violence physique, soit la menace de la violence physique, soit la violence légale, qui contraint les patrons à se soumettre. Le syndicalisme c’est l’affirmation d’un droit du plus fort, c’est-à-dire un faux droit.
Par Walter Block. Traduit par Emmanuel Laurent, Institut Coppet
Je réfute catégoriquement l’idée qu’il existerait quelque chose comme un « droit de se syndiquer », ou que la syndicalisation impliquerait un droit de s’associer librement. Oui, théoriquement, une organisation du travail pourrait décider d’un arrêt de travail en masse pour obtenir un résultat. Ce serait en effet une implication de la loi de la libre association.
Mais chaque syndicat avec lequel je suis familier, se réserve le droit d’employer la violence contre les travailleurs en concurrence, par exemple les briseurs de grèves, que ce soit à la manière « col bleu » en se battant physiquement contre eux, ou à la manière « col blanc », en obtenant l’adoption de lois obligeant les employeurs à traiter avec eux, et non avec les briseurs de grèves. (Quelqu’un connaît-il un exemple contraire ? Si vous connaissez un, je serais heureux d’en entendre parler. J’ai cru à un moment en trouver un, l’Association du travail chrétien au Canada, mais après un entretien avec eux, je peux dire que, même s’ils évitent l’agression des « cols bleus », ils soutiennent la version « col blanc »).
Pourtant il y a des syndicats qui ne sont pas réellement engagés dans l’initiation de la violence. En outre, il y a même des gens associés depuis de nombreuses années avec les syndicats qui n’ont jamais été témoins d’une réelle flambée de violences.
Permettez-moi de préciser ma position. Je ne parle pas ici de la violence brute seulement, mais plutôt de « la violence, ou la menace de violence ». Je soutiens que, souvent, aucune violence réelle n’est nécessaire, du moins dans le syndicalisme tel qu’il est pratiqué aux États-Unis et au Canada.
Le fisc ne s’est probablement jamais engagé dans l’utilisation réelle de la violence physique de toute son histoire. (Il est principalement composé de geeks, et non de gens physiquement agressifs). C’est parce qu’il s’appuie sur les tribunaux et la police de l’État fédéral qu’il dispose du pouvoir suffisant. Mais il serait superficiel d’affirmer que le fisc ne s’engage pas dans « la violence ou la menace de violence ». Cela est également vrai pour le policier d’État qui vous arrête et vous donne un P.V. Ils sont entraînés à être extrêmement polis. Pourtant, « la violence ou la menace de violence » imprègne l’ensemble de leur relation avec vous.
Je ne nie pas, d’ailleurs, que parfois la direction s’engage également à « la violence ou la menace de violence ». Mon seul argument est qu’il est possible de signaler de nombreux cas où ils ne le font pas, alors que la même chose est impossible pour le mouvement syndical, au moins dans les pays dont je parle.
À mon avis, la menace émanant des syndicats est objective et non subjective. C’est la menace, à l’époque des cols bleus, qu’un travailleur en concurrence, un « briseur de grève », soit roué de coups s’il essaye de franchir un piquet de grève, et, de nos jours avec les « cols blancs », qu’un employeur qui renvoie un membre du syndicat en grève, en lui substituant un travailleur remplaçant de manière permanente, se retrouve en violation de plusieurs lois du travail. (Pourquoi, d’ailleurs, n’est-il pas « discriminatoire » et « odieux » de décrire les travailleurs prêts à accepter un salaire moindre, et à concurrencer la main-d’œuvre syndiquée, comme des « briseurs de grèves » ? Ne faudrait-il pas mettre cela sur un pied d’égalité avec l’emploi du mot « nègre » pour les Noirs, ou du mot « youpin » pour les juifs ?)
Supposons qu’un petit homme maigrichon dévalise un grand costaud joueur de football, et lui réclame son argent en le menaçant que s’il ne se soustrait pas à sa demande, il lui bottera le derrière. C’est ce que j’appelle une menace objective, et je ne me soucie pas de la réaction du footballeur face à cette situation humoristique. Deuxième scénario. Le même que le premier, mais cette fois, le petit homme maigrichon sort un pistolet et menace de tirer sur le grand costaud à moins qu’il ne lui remette son argent.
Maintenant, il y a deux sortes de grands costauds. Le premier va se sentir menacé et va remettre son argent. Le second va attaquer le petit gars (en légitime défense, je pense). Peut-être qu’il se sent omnipotent. Peut-être qu’il est vêtu d’un gilet pare-balles. Cela n’a pas d’importance. La menace est une menace, quelle que soit la réaction du grand gars, indépendamment de sa réponse psychologique intérieure.
Revenons maintenant aux relations patrons-syndicats. Le syndicat menace objectivement les briseurs de grève, et les employeurs qui les embauchent. Cela, de nos jours, est purement une question de droit, et non de sentiments psychologiques de la part de quiconque. En revanche, si on ne peut pas nier que parfois les employeurs initient la violence contre les travailleurs, ils ne le font pas nécessairement en tant qu’employeurs. (Toutefois, souvent, ce type de violence est de la légitime défense.)
Cela est similaire à ce que j’ai dit sur le proxénète dans mon livre Défendre les indéfendables. À cet effet, je ne me soucie pas de savoir si chaque proxénète a en effet initié la violence. Il importe peu qu’ils le fassent ou non. Ce n’est pas une caractéristique nécessaire pour être proxénète. Même s’il n’y a eu aucun proxénète non-violent dans l’histoire, nous pouvons malgré tout en imaginer un. Même si tous les employeurs ont toujours initié la violence contre les employés, encore une fois, on peut imaginer des employeurs qui ne le font pas. Toutefois, de manière très contrastée, à cause de la législation du travail qu’ils défendent, nous ne pouvons pas imaginer des travailleurs syndiqués qui ne menacent pas du recours à la violence.
Murray N. Rothbard a été vigoureusement combattu par les syndicats. Cela pour deux raisons. Tout d’abord, en tant que théoricien libertarien, parce que le mouvement syndical menaçait nécessairement d’utiliser la violence (voir L’Homme, l’économie et l’État, pp. 620-632). Deuxièmement, à cause des dommages corporels dont sa famille a personnellement souffert (voir Raimondo, Justin. 2000. An Enemy of the State: The Life of Murray N. Rothbard. Amherst N.Y. : Prometheus Books, pp 59-61).
Nous ne devons jamais succomber au chant des sirènes de la brutalité des syndicats.
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