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Immigration ; quand PS et UMP se rejoignent ou Si Frontex m’était conté

Publié le 14 octobre 2013 par Juval @valerieCG

Monsieur Philippe Marini,
maire de Compiègne,
sénateur de l'Oise,
président de la communauté d'agglomération de Compiègne,
président de la commission des finances du Sénat
Secrétaire général de la Section française de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie
Membre du groupe français de l'Union interparlementaire
Membre de la Conférence économique annuelle (ancienne Commission des comptes et budgets économiques de la nation)
Membre du Conseil d'Administration de l'Université de Technologie de Compiègne
Président de l'association Seine Nord Europe
Président de l'association des Lauréats du Concours Général
Président du Syndicat mixte de la Vallée de l'Oise
qu'on imagine fort occupé à cause de toutes ces nombreuses et méritées fonctions, nous a gratifié du twit suivant :

Sans-titre-1

Il a ensuite tenté de s'en expliquer.

(pour rappel j'avais parlé  de Frontex ici : Les amours de Berlusconi , là : Kadhafi, meilleur ami de l’homme européen et enfin là).

Essayons donc de comprendre ce twit et surtout la dégueulasserie qu'il contient.

Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions  politiques.
Article 33 de la Convention de Genève sur les réfugiés

Rappelons que la Libye n’est pas signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.

Depuis 2000, l'Italie a signé de nombreux accords avec la Libye afin qu'elle lui  serve de garde-chiourme grassement payé pour lutter contre l'immigration clandestine. Human rights watch épinglait dés 2006 la Libye pour les mauvais traitements réservés aux migrants. Je rappelle qu'il y a obligation, au titre des différentes conventions signées, de vérifier qu'une personne ne peut bénéficier du statut de réfugié ou de demandeur d'asile avant d'être renvoyée.
C'est surtout le traité du 30 août 2008, traité d'amitié, de partenariat et de coopération que se scelle l'accord italo-libyen en matière de lutte contre l'immigration ; 5 milliards d'euros furent promis à Kadhafi.

Joyandet,  secrétaire d'État chargé de la Coopération et de la Francophonie déclarait en 2009 "On ne peut plus se comporter avec la Libye comme avant 2003. Ce pays va dans la bonne direction, et on a besoin de lui sur différents dossiers : la lutte contre Al-Qaida, l'immigration clandestine et le règlement des conflits régionaux en Afrique.

On va le dire simplement : Kadhafi s'est racheté une place sur la scène internationale en acceptant de jouer le gendarme de l'Europe contre beaucoup d'argent.

Il serait facile et tentant de conspuer Sarkozy et Berlusconi, si l'Europe toute entière n'avait pas signé en 2004 la création de Frontex: l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne. Frontex gère les frontières extérieures de l'Union Européenne, aide les états-membres das la lutte contre l'immigration et gère avec des états tiers comme cela a été le cas avec la Tunisie ou la Libye la gestion de l'immigration clandestine. Dés 2004, l'Europe déclare qu'il est urgent de démarrer une coopération avec la Libye en matière d'immigration, la Libye étant en effet traditionnellement une terre d'immigration et de passage.

La nouveauté journalistique de ces jours derniers est de nous présenter Frontex comme une sorte de mère Thérésa  "qui a permis de sauver des milliers de vies ces dernières années". (vous ne vous êtes pas étouffés en écrivant cet article BFM sérieusement ?).

Un premier protocole d'accord est signé entre l'Europe et la Libye en 2007 et Frontex se réjouit de la baisse immédiate du nombre de migrants arrivant en Europe et déclara avec un cynisme qui lui fait honneur "mais notre agence n'a pas la capacité de confirmer si le dtoit d'asule et d'autres droits humains sont respectés en Lybie".

En 2008 Amnesty International déclarait être  "extrêmement préoccupée par la politique sécuritaire de l’UE et de ses États membres, notamment l’Espagne, qui sont dans un processus d’externalisation de leur politique de gestion des flux migratoires." Encore une fois Frontex ne respectait pas les droits des réfugiés. Des personnes ont ainsi été empêchées de quitter la Mauritanie en 2009 alors que la DUDH déclare dans son article 13 la liberté pour chaque humain le droit de quitter un pays. L'opération HERA de 2008 vantée comme un succès par Frontex est dénoncée par plusieurs ONG comme un moment où les réfugiés ont été battus, rackettés, volés, soumis à l'arbitraire des forces mauritaniennes.

En clair nous avons signé pour la création d'une agence qui aide chaque état dans la lutte contre l'immigration clandestine et qui surtout signe des accords et fournit de l'argent, des armes diverses et variées à de pays non-membres pour faire les flics à notre place. Selon migreurop, en 2009, Frontex disposait de 25 hélicoptères, 21 avions, 113 bateaux et 475 unités d’équipement (radars, sondes, senseurs, caméras, etc.).

Le rapport Pushed Back, Pushed Around Italy’s Forced Return of Boat Migrants and Asylum Seekers, Libya’s Mistreatment of Migrants and Asylum Seekers de Human right watch nous éclaire sur la situation des migrants interceptés par l'armée de Kadhafi, celui là même regretté par Marini. Le rapport fait état de conditions sanitaires abominables, de coups, de viols, de déportations en plein désert, de non respect des droits de l'enfant.  Les migrants se voient également volés.

En 2010 le Haut comité aux réfugiés s'inquiétait des conditions d'accueil des migrants en Europe. Encore une fois l'Europe est accusée de ne pas tout faire pour vérifier qu'un migrant n'est pas un réfugié ou un demandeur d'asile avant de le renvoyer. "Le HCR a fait part sans relâche de ses préoccupations sur la situation humanitaire pour les nouveaux arrivants en Grèce, et du besoin pour l'UE d'appuyer la Grèce pour la mise en place d'une procédure d'octroi d'asile qui soit conforme aux normes internationales. Un demandeur d'asile arrivant en Grèce actuellement a très peu de chance que sa demande pour obtenir le statut de réfugié soit examinée de façon appropriée."

En novembre 2010, le groupe Les verts signait le rapport suivant "Agence FRONTEX : quelles garanties pour les droits de l’Homme ? Étude sur l’Agence européenne aux frontières extérieures  en vue de la refonte de son mandat".
Il met en avant les méthodes curieuses de Frontex qui se vante du nombre de migrants refoulés, du nombre sans cesse croissant de "faux demandeurs d'asile" sans qu'on sache rien sur la méthode employée pour débusquer les vrais des faux, ni qu'on sache  ce qu'il advient des demandeurs. En 2009, une patrouille italienne a remis à l'armée libyenne des migrants sans avoir auparavant cherché à savoir s'il y avait parmi eux des demandeurs d'asile ce qui est contraire à la convention de Genève.
Sont également mises en avant les technique dégradantes et inhumaines mises en avant lors de l'expulsion de groupes de migrants.
Frontex est la seule à pouvoir évaluer les opérations qu'elle coordonne et donc à estimer les éventuelles violations des droits.

En 2011 HRW souligne avec le rapport The EU’s Dirty Hands Frontex Involvement in Ill-Treatment of Migrant Detainees in Greece que Frontex fait envoyer des migrants dans des camps de rétention grecs où les conditions de vie ne respectent pas les droits humains. HRW déclarait "C'est une contradiction troublante qu’au moment même où la Cour européenne des Droits de l'homme a jugé catégoriquement que l'envoi de migrants en détention en Grèce violait leurs droits fondamentaux, Frontex, une agence exécutive de l'UE, et les garde-frontières d’États de l'UE les y ont sciemment envoyés."

En février 2012, l'Italie est condamnée par la cour européenne des droits de l'homme pour  interception et refoulement de migrants vers des pays où ils peuvent subir de mauvais traitements. L'Italie a aussi violé l'interdiction d'expulsions collectives et le droit à un recours effectif.

Le 06 mars 2012, le médiateur européen ouvrait une enquête sur Frontex sur la question du respect des droits fondamentaux.

Un rapport de la FIDH de 2012 Libye, en finir avec la traque des migrants , fait un état des lieux sur la situation pré et post Kadhafi. Le rapport souligne qu'alors qu'étaient présents des patrouilles de surveillance de Frontex, des gardes-côtes, des bâtiments militaires, plus de 1500 migrants ont péri en Méditerranée. Le rapport souligne que la situation est encore pire pour les migrants depuis la fin de la guerre. Les migrants sont désormais soumis à l'arbitraire de milices armées, sont emprisonnés, subissent des menaces, du racisme. Il convient de rappeler que ces migrants viennent souvent du Darfour ou d’Érythrée, pays qui nous ont beaucoup émus un temps quand ils étaient à la mode, pays qui nous émeuvent beaucoup moins quand leurs habitants arrivent en Europe pour nous demander asile. LI'talie en 2011 s'est rapproché du CNT pour signer de nouveaux accords. En 2012 a été signé l'accord définitif ; sont prévus la formation des policiers libyens, le renforcement des camps d’enfermement, l'engagement par l'Italie de fournir des moyens techniques à la Libye pour renforcer les contrôles.
Des accords ont également été faits entre l'Europe et la Libye sous le nom d'Euro-med-migration III. Aucune solution n'a en revanche été cherchée et proposé pour les migrants réfugiés éthiopiens, soudanais et érythréens.
Le rapport souligne qu'aucun état de l'UE n'est venu contrôler les camps libyens dans lesquels sont enfermés les mmigrants qui sont enfermés en permanence, ne sortent que pour être nourris. Ils sont souvent battus, subissent des remarques racistes. Des enfants sont également emprisonnées. La Libye a pourtant ratifié la convention relative aux droits de l'enfant en 1993.

Des faits assez semblables se déroulent en Tunisie. Des associations tunisiennes rappelaient que leur pays ne respecte pas les chartes que l'Europe a signé sur les droits de l'homme ; comment peut-on alors, demandaient les associations, signer quoi que ce soit avec la Tunisie en sachant qu'elle ne respectera pas les droits des migrants ? En Tunisie, on rappelle également que les familles de celles et ceux qui ont voulu migrer n'arrivent pas à savoir ce qu'ils sont devenus. Sont-ils morts en mer ? Sont-ils détenus dans un centre ? Devant l'opacité des procédures européennes, il est bien difficile de savoir à qui s'adresser.

Comme le souligne la cimade, il y a des bateaux de Frontex aux alentours de Lampedusa lors du drame du début de ce mois ? Où étaient-ils ? La Méditerranée est surveillée non stop afin de lutter contre l'immigration, alors pourquoi ces gens, comme tant d'autres n'ont ils pu être sauvés ? Pourquoi des bateaux qui tenteraient de venir en aide à des migrants en danger de mort risquent des amendes ?

Il est faux et mensonger de prétendre que Frontex sauve des vies. Frontex a pour but de lutter contre l'immigration clandestine.
Les pays membres de l'UE ou Frontex remettent des migrants à des pays où les droits élémentaires ne sont pas respectés. Nous chargeons des états qui n'ont signé aucun traité sur le respect des droits humains, de faire notre police. les responsabilités de Frontex ne sont pas bien claires et on ne sait pas de qui l'agence dépend exactement. Ainsi Stefano Manservisi, directeur général de la Direction des Affaires intérieures de la Commission européenne, déclarait : "Des agences comme Frontex sont autonomes, sans aucun lien formel de dépendance avec le Conseil ni la Commission. Ce sont des entités se situant dans une « zone grise ». Elles jouissent d'une indépendance assez importante. On nous rend responsable d'un certain nombre de leurs agissements alors que nous n'y sommes que pour très peu. et "Le nouveau règlement Frontex, adopté en 2011, a institué des mécanismes de contrôle du respect des droits fondamentaux. Un responsable « Droits de l'homme » en interne est chargé de faire rapport aux instances. Le directeur exécutif de Frontex peut décider de retirer l'agence d'une opération conjointe si les droits fondamentaux ne sont pas respectés." (vous vous voyez vous, déclarer vous même que vous êtes en train de violer les droits de l'homme et que vous allez vite arrêter puisque vous venez le constater que vous le faites ?). Le fait est que j'ai lu de multiples rapports, de multiples études et que je ne sais toujours pas à qui Frontex rend des comptes et qui contrôle Frontex.

Alors que regrettez-vous exactement Monsieur Marini ? Qu'avec Kadhafi moins de gens arrivaient à passer la Méditerrané ? Ou au moins avaient le bon goût de ne pas mourir sous notre nez ? Qu'avec Kadhafi au moins les libyens restaient chez eux ?
Vous devriez, même si cela va vous faire un peu mal, remercier Fabius qui demande l'augmentation des moyen accordés à Frontex. Ainsi nous pourrons, tranquillement, continuer à négocier avec le gouvernement libyen afin qu'il continue à contenir l'immigration soudanaise ou érythréenne, ces gens qui n'ont pas la décence de vivre dans de riches pays en paix. Peut-être pourrions nous même voir avec la Syrie comment empêcher tous ces gens de venir se noyer devant nos portes ?

"Quand nous avons atterri… nous avons été placés en détention dans l’aéroport pendant plusieurs jours, puis on nous a bandé les yeux, mis dans une camionnette et emmenés dans un autre lieu… Nous sommes restés dans cet endroit sept jours. Ces jours ont été les pires de toute ma vie. J’ai été longuement interrogé et torturé, frappé sur les tibias et électrocuté. Ils ont attaché mes jambes et placé un morceau de bois derrière mes genoux, puis ils m’ont suspendu tête en bas. Ensuite, ils m’ont frappé sur la plante des pieds. Parfois j’étais battu si durement que j’urinais du sang."
Propos d'un migrant somalien renvoyé dans un pays dans lequel il avait transité et où il a été torturé. Il a été condamné à 9 mois d'emprisonnement. A la fin de sa peine, on l'a conduit en plein désert et abandonné là. Propos recueillis par la docteure Katrine Camilleri.


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