Le Sushi travaille, il le faut bien. S’il n’y avait que lui, il ne se lèverait pas le matin, car c’est épuisant. De plus, il se demande encore si le ratio heures travaillées / paye versée vaut vraiment le coup. Mais dans une société où l’inactivité est relativement mal perçue, et où le fait de travailler est une chance, le Sushi ne se plaint pas. A haute voix.
Le Sushi a un côté contestataire atrophié au fond de lui. Même si en apparence il est taillable et corvéable à merci, en son for intérieur, il bouillonne. Il a du mal à suivre les ordres d’une hiérarchie pas toujours compétente. Il a du mal à expliquer durant des heures des technicités que ses supérieurs devraient eux-même maîtriser. Il n’éprouve aucun respect pour son N + 2 qui allie connaissances techniques aléatoires et techniques de management catastrophique. Le tout saupoudré d’arrivisme primaire et d’une incapacité chronique à prendre la défense de ses inférieurs. Cela fait beaucoup pour une seule personne.
Ainsi, l’idée de l’entretien annuel le faisait doucement rire. Mais pas trop cependant. Car de cet entretien dépendait son augmentation ainsi qu’un petit bonus (dont le montant - ridicule - est laissé à l’appréciation des supérieurs) Ce qui permettrait peut-être enfin de se dire que le Sushi se lève pour quelque chose le matin.
En entrant dans le bureau de N + 2, le Sushi était quelque peu tremblant, ne sachant pas à quelle sauce il serait mangé. Car tout taillable et corvéable qu’il soit, le Sushi n’hésite pas à dire quand quelque chose ne va pas, et ça ne plaît pas forcément.
Le Sushi resta anesthésié durant 30 minutes. Car contrairement à ses craintes, l’entretien se passa merveilleusement. Sa hiérarchie vanta ses qualités tant professionnelles que relationnelles. Sa hiérarchie vanta son implication. Sa hiérarchie vanta la forme de perfectionnisme dont il faisait parfois preuve. Pour le remercier, sa hiérarchie assena le coup fatal: elle lui accorda une augmentation de 80€ (nets) par mois.