Le futur des retraites, tome 3
Publié Par Johan Rivalland, le 14 octobre 2013 dans LectureAujourd’hui, troisième et dernier volet de la présentation de l’ouvrage en trois tomes de Jacques Garello et Georges Lane sur le futur des retraites.
Par Johann Rivalland.
Aujourd’hui, troisième et dernier volet de la présentation de l’ouvrage en trois tomes de Jacques Garello et Georges Lane sur le futur des retraites. Avec la question concrète de la mise en pratique, ou comment passer à la transition. Une approche toujours très pédagogique et fondamentalement salutaire.
Parties un et deux de cette présentation à lire sur Contrepoints.
En commençant la lecture de ce troisième volet de réflexion sur notre système de retraites, on ne peut s’empêcher d’avoir en tête l’idée, qu’à ce jour, ce sont 51 pays à travers le monde qui se sont lancés dans la transition vers la capitalisation.
Pourquoi pas nous ? Qu’est-ce qui fait que la seule évocation du mot « capitalisation » n’a pas même lieu, ne vient absolument jamais à l’esprit des intervenants dans les débats publics ou dans la bouche des spécialistes censés réfléchir à des pistes pour tenter de nous sortir du marasme dans lequel se trouve notre système actuel ?
Refus d’ouvrir les yeux et fuite en avant
Tout se passe comme si seules des solutions paramétriques (durée de cotisation, âge légal de départ à la retraite, montant des cotisations, calcul des pensions) existaient, et non des solutions systémiques.
Engoncée dans ses intérêts catégoriels, ses régimes spéciaux et surtout le souci des politiques de se faire réélire, véritable tare de la démocratie (voir école du « public choice ») les conduisant à craindre les pressions syndicales et des lobbies, la société est victime de la dictature du court terme plutôt que des grandes décisions engageant la longue période.
Là encore, ainsi que sur de nombreux autres sujets, l’ignorance joue un grand rôle.
Et c’est le mérite de nos deux auteurs de montrer en quoi on a tort de fermer ce débat et de ne pas chercher à écouter les arguments qui plaident en la faveur de la capitalisation.
Il faut dire, qu’ici comme ailleurs, les fausses idées, les mensonges et les manipulations pullulent. A l’instar de cette caricature systématique qui est faite de la capitalisation à travers les fausses expériences d’Enron et Maxwell, déjà évoquées et développées dans le tome 1 et qui ne portent d’autre nom qu’escroquerie ; ce qui existe dans tout système (surtout d’ailleurs étatique, l’expérience ne le montrant que trop).
Dans le prolongement de l’ignorance se trouvent les peurs. Et c’est là que ce troisième tome prend tout son sens. Montrer que la transition n’est pas, ainsi que les auteurs l’affirment en connaissance de cause, « un saut dans le vide » ; et qu’il y a donc de bonnes raisons de se pencher sans plus tarder sur le sujet, en abandonnant l’idéologie, les vues à court terme et la démagogie, pour s’intéresser à ce que font les autres et étudier de quelle manière l’adaptation serait largement réalisable chez nous, et sans prises de risques insensées, bien au contraire.
Le problème perpétuel étant, à la manière d’un Frédéric Bastiat dans son pamphlet « Maudit Argent ! », de ne pouvoir sortir facilement de la léthargie dans laquelle nous a plongé le système actuel, la lecture forcément trop confidentielle de ces trois solides ouvrages, malgré toutes leurs qualités pédagogiques, rendant « incapable de lutter contre l’erreur à laquelle il a donné naissance autrement que par une longue et fastidieuse dissertation que personne n’écoutera ».
Or, à l’instar de ce « Maudit Argent », « (…) de cette confusion sortent des erreurs et des calamités sans nombre ».
D’où l’importance de ne jamais renoncer. Et d’où le caractère fortement louable de l’entreprise de Jacques Garello et Georges Lane, que nous nous devons de contribuer à diffuser et faire connaître.
Ce n’est qu’ainsi, en effet, que l’on peut espérer un jour faire avancer les choses.
Les garanties du système
Les auteurs commencent donc, une fois de plus, par rappeler en quoi la transition n’est en aucun cas un « saut dans le vide ».
Dans ce système par capitalisation, en effet :
- Les retraités actuels ne perdraient rien, ce que la Sécurité Sociale leur donnant actuellement étant au moins garanti en fonction du scénario de transition retenu (les auteurs en proposent trois), étant entendu que le système par répartition actuel ne garantit rien et les pensions ayant plutôt tendance à y diminuer.
- Les plus démunis bénéficieraient toujours d’un « filet social ».
- Les futurs retraités auraient, quant à eux, des pensions nettement supérieures à celles que la Sécurité Sociale serait en mesure éventuelle de leur verser (ceci étant d’autant plus vrai que la faillite du système par répartition est inéluctable (voir tome 1).
En seulement 13 ans, il est ainsi possible de capitaliser autant qu’en 40 ans à la Sécurité Sociale, nous montrent les auteurs.
Affirmation validée par les expériences à l’étranger, et non un quelconque fantasme.
Mais quid, alors du « double fardeau » consistant à abonder son fonds de pension, tout en se préoccupant de payer pour continuer d’honorer les « droits acquis » des retraités actuels et futurs ?
Là aussi, Jacques Garello et Georges Lane nous montrent que la retraite demeurera bien plus élevée qu’elle aurait pu l’être dans le système actuel, même s’il faudra environ 30 ans (deux générations) avant que ne s‘éteignent les derniers retraités entièrement régis par la répartition.
Même les « privilégiés » des régimes spéciaux seraient gagnants.
Quelle transition choisir ?
Il existe différentes transitions possibles, selon les choix que l’on retiendra, nous disent les deux auteurs.
Les solutions « douces » peuvent aboutir à une transition qui s’étalerait sur 70 ans, comme elle peut se limiter à 25 ans si l’on y consacre plus d’efforts tout de suite.
Mais tout dépend bien évidemment aussi du rythme de croissance économique, du poids de l’endettement public, ou encore des ressources financières disponibles.
Le Chili, lui, a réalisé sa transition en seulement 14 ans, bénéficiant de conditions très favorables (l’argent des privatisations, notamment, n’y a pas été dilapidé en financement des dépenses courantes, comme ici).
Les auteurs passent donc en revue les différentes options possibles, montrant chaque fois en quoi elles sont réalistes ou irréalistes, adaptées ou inadaptées à la situation française, qui n’est pas celle qu’ont pu connaître certains pays voisins qui s’y sont lancés : transition obligatoire ou volontaire, opting out total ou partiel, capitalisation en fonction de l’âge des assurés, etc.
Cette dernière hypothèse est d’ailleurs celle qui fut retenue au Chili, où les personnes proches de la retraite restaient dans le système par répartition, n’ayant pas le temps de reconstituer un capital suffisant en capitalisation, tandis qu’à l’autre extrême ce dernier système s’imposait aux plus jeunes, contribuant en parallèle au paiement des pensions des retraités actuels, les assurés d’âge intermédiaire étant libres quant à eux de choisir entre répartition et capitalisation, sachant que leurs droits acquis en répartition étaient conservés, grâce à des « bons de validation ».
Reste, ensuite, la question de la gestion des fonds de pension. Qui et comment ?
Le meilleur système, comme en d’autres domaines, nous disent les auteurs, est la concurrence.
L’exemple du Chili sert, là encore, de référence, avec une concurrence à deux degrés, les assurés choisissant leur gestionnaire et, celui-ci, son fonds, étant entendu qu’assurés comme gestionnaire peuvent remettre en cause leur choix à tout moment, et même en avoir plusieurs (matérialisés par des « carnets de retraite »), obligeant chaque acteur à agir au mieux des intérêts des retraités dont ils ont la charge, concurrence oblige.
A l’inverse, Jacques Garello et Georges Lane déconseillent très fortement le système américain qui a conduit au désastre Enron, l’entreprise choisissant son fonds de pension (ce qui n’offre aucune garantie solide) ou, pis, allant jusqu’à créer son propre fonds dont elle contrôle le capital (et y puisant de manière illicite, comme dans les cas Maxwell et Enron, pour tenter de se sortir d’une mauvaise situation financière, pratique interdite dans presque tous les pays depuis).
Dans la plupart des expériences connues, la réglementation est intervenue, dans l’intention de protéger les assurés. Avec, là encore, des situations diverses analysées par les auteurs, le poids de cette réglementation (contrôle de l’accès au marché, qualité des informations délivrées aux assurés, placements des fonds de pension) et l’origine de ses instances de contrôle n’étant pas anodin si l’on entend laisser la libre-concurrence jouer pleinement ses effets.
Une enquête de la Banque Mondiale révèle que là où la libre-concurrence était la plus élevée, les rendements étaient nettement meilleurs et la situation personnelle des assurés mieux prise en compte.
Enfin, on pourrait tout à fait imaginer, selon nos auteurs, que la transition prenne la forme d’une assurance retraite privée, laissée à la préférence des individus, se substituant aux choix des gouvernants. Cette solution aurait le mérite de respecter l’idée selon laquelle la retraite est une question personnelle et pourrait, en toute logique, s’inscrire dans un cycle de vie, variable selon chaque individu (tenant compte de l’âge et des besoins et dépenses différents selon les moments de la vie, les éventuelles périodes de cessation totale ou partielle d’activité, le patrimoine dont on dispose, ou encore la situation familiale, entre autres). Des contrats d’assurance d’une grande souplesse permettraient ainsi de tenir compte de cette diversité de situations personnelles, offrant de vrais droits individuels, plutôt que de privilégier une vision systémique et de finances publiques, avec des « droits sociaux », comme c’est trop souvent le cas, y compris dans beaucoup de modèles de transition.
Comment concevoir la mise en œuvre politique ?
Le courage politique étant ce qui manque le plus pour agir, face au risque électoral et aux groupes de pression, ainsi qu’au poids de l’idéologie dans le pays, qui véhicule tant de fausses idées, Jacques Garello et Georges Lane proposent d’aider les politiques à trouver le courage des réformes.
Premier conseil : Face à l’ignorance, informer et dire la vérité.
C’est le seul moyen d’éveiller la prise de conscience de l’importance de la transition et d’obtenir ainsi le soutien du plus grand nombre. Cela devant se faire non en citant de grands chiffres agrégés, mais en partant du vécu personnel et du montant dépensé par chacun (cf. notion de salaire complet).
Ceci devrait être complété, selon les auteurs, par de véritables formations pour les adultes, plus efficaces que l’information, par nature ne permettant pas d’aller au fond des choses.
Deuxième conseil : Ramener de la transparence au système actuel, mettre fin à l’arbitraire (privilèges) et respecter droit de propriété et droit à l’initiative.
La transparence consisterait, pour commencer, à permettre à chaque Français de savoir exactement ce à quoi il a droit.
Or, le montant des pensions n’est en réalité pas une somme fixe, ni même assurée, des ajustements fréquents ayant lieu de la part des pouvoirs publics et de la caisse gestionnaire. Sans compter les changements de règle du jeu en cours de route (modifications du mode de calcul, allongement de la durée de cotisation, diminution des taux de pension en cas de retraite anticipée, mais aussi très probablement pour tous et de manière substantielle dans les années qui viennent, en raison des risques d’explosion du système, etc.) et la forte probabilité de faillite totale du système. D’où le succès des contrats d’assurance-vie et autres PER, hélas pas à la portée de tous.
Manque de transparence aussi lorsque les taux de remplacement annoncés par les statisticiens officiels le sont en rapport du dernier salaire net, au lieu du salaire brut à l’étranger (alors que ces taux sont inférieurs à 50% si l’on se réfère au salaire complet).
Tout en ne perdant pas de vue que beaucoup de gens oublient, ou ignorent, que les sommes qu’ils auront versées pendant 40 ans ne sont pas placées, mais immédiatement redistribuées.
Troisième conseil : Revenir à la réalité en détruisant l’idéologie et instaurant la liberté de choix.
Les conséquences économiques de la transition…
Pour finir, et dans une dernière partie, les auteurs montrent par quels mécanismes cette transition vers la capitalisation occasionnera en outre une fantastique relance économique, bien éloignée de celles d’essence keynésienne, artificielles et destructrices.
L’expérience des pays qui l’ont mise en œuvre parle, là encore (voir notre deuxième volet).
Accélératrice de croissance, pourvoyeuse massive d’épargne et facteur important de rétablissement des finances, notamment, elle peut s’avérer très bénéfique si la liberté économique est, par ailleurs, correctement assurée dans le pays qui l’initie.
Et la transition, comme au Chili, en sera d’autant accélérée.
Elle permettra également, grâce à l’allègement en charges sociales qui s’ensuit, de favoriser la compétitivité des entreprises, de même que le pouvoir d’achat des assurés et des retraités, ainsi bien sûr que l’emploi.
… avec quelques mises en garde
Mais tout cela suppose, les auteurs y insistent, un véritable changement des mentalités, la fin de la bureaucratie, de la centralisation et de l’arbitraire, pour laisser place à d’autres valeurs, telles que « l’initiative, la curiosité, l’effort, le mérite, la performance, la rigueur, le souci des autres, le désir de servir, et peut-être même la générosité et l’honnêteté », en lieu et place de la passivité, le découragement, l’envie, ou le comportement de profiteur.
La gestion de son patrimoine, la prévoyance, voire le désir de transmettre constituent, de la sorte, « un moyen de rendre aux gens leur liberté et le sens de leur dignité ».
On n’y arrivera, de surcroît, qu’en cessant de changer les réglementations en cours de route, d’alourdir la fiscalité sur l’épargne ou même en général à des niveaux insupportables dès que l’Etat a besoin de faire face à ses problèmes d’endettement insurmontable, ou encore de manipuler les taux d’intérêt ou compliquer sans cesse les réglementations des marchés du travail ou financiers dès lors que les politiques ont eux-mêmes contribué à fortement perturber ces marchés.
De même, les politiques purement conjoncturelles, ne s’attaquant pas aux causes des problèmes, ne sont pas adaptées pour favoriser la transition. Et, pire encore, la tentation protectionniste constitue un danger certain.
Bref, comme le disent nos deux auteurs, « derrière la transition, il y a un vrai choix de société ». Et, plutôt que de se perdre en conjecture dans des choix ou considérations idéologiques, rien de tel que « d’en revenir au gros bon sens ».
L’enjeu n’est pas anecdotique, puisque pour les jeunes générations en particulier, « c’est la promesse de la liberté ».
Telle est la conclusion de ce magnifique travail, salutaire, que nous offrent Jacques Garello et Georges Lane, qu’il est par conséquent tout indiqué de se procurer et de lire, ce que je vous encourage fortement à faire.
— Jacques Garello et Georges Lane, Futur des retraites & retraites du futur – III- La transition, IREF Contribuables Associés Editeurs, mai 2009, 150 pages.
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