Maraude alimentaire, pour sans abris – Samedi 12 Octobre, avec L’association Entraides
Citoyennes.
Merci de lire jusqu’au bout, ou de ne pas lire du tout...
Dimanche 13 octobre 2013 – 11h24- Réfugiée sous les couvertures, encore un peu groggy,
rentrée à 5h ce matin, un bon thé chaud dans mon estomac, dans le calme de mon paradis, ceux qui le connaissent attesteront que c’en est effectivement un.
Je n’ai que la prétention du témoin.
Hier soir - 21h - Gare de l’est - il faut démarrer, mines taciturnes, nous viderons presque une marmite de soupe, une petite trentaine de sandwich déjà, cafés et thés à la chaine, "Il fait
froid", qui a dit ça ? B. je crois, la dernière fois nous avions discuté un peu, il pleuvait, il y avait moins de monde, la pluie c’est mieux peut-être, ou alors c’est pas son jour. Bousculade
vers le coffre pour les vêtements, on en profite pour vider la première thermos, surtout du café, 2 sucres pour tout le monde à quelques rares exceptions prés.
23h – Division des équipes, l’une vers République, l’autre Rivoli et Louvre, je suis Oliv qui me fait griller tous les feux, je mets la musique, le chauffage à fond, premier arrêt rue de Rivoli,
Madeleine a repéré un homme la tête dans une poubelle, un bon moyen pour s’abriter et se protéger. Du trottoir en face, avec Pierre ils me font des grands signes, je ne comprends pas le code, pas
mal de circulation rue de Rivoli un samedi soir, je n’entends rien, il veut quelque chose ? La totale, le grand geste veut dire la totale, je prépare, Pierre et Madeleine courent dans tous les
sens, encore une personne pas loin de la Samaritaine, l’ironie des noms et des sens n’est qu’un hasard, tout le monde s’en fout ici.
23h30 – Palais Royal – Certains ne se réveillent pas, le sommeil est dur à trouver, on posera un paquet de victuailles sur un coin du carton, tant pis pour le chaud. Un homme en slip sous ses
couvertures, nous n’avons plus aucun vêtements, tout est parti à République, il y a des familles là-bas. Un sac de chaussures, mais ça lui servira pas à grand-chose, une chaussure de rugby sale,
Oliv compte les crampons, peut-être des gens qui voulaient faire de la place dans leur placard à chaussures. Il nous reste un bonnet.
Minuit, ou pas loin – sur l’aile du Louvre la plus proche de la seine, 6 hommes enveloppés dans des sacs sales, couvertures, cartons, odeur d’urine, H. sort de son duvet, toujours souriant,
élégant, cravaté, la soupe est encore chaude, quelques personnes s’approchent de nous, trois femmes, un homme accompagné d’un chien, ils cherchent un frère disparu dans le rue depuis plusieurs
années, nous nous renseignons auprès des dormeurs, sans succès.
1h, environ – Bd Sébastopol – Une famille, papa, maman, encadrent 3 enfants qui dorment à poings fermés, cheveux sales, petits gabarits, il ne nous reste presque plus rien, je racle le fond de
gamelle, trois derniers sandwichs, une briquette de lait, et compotes, Madeleine a trouvé un savon, la mère est jeune, moins de 25 ans peut-être, Elle découvre les couvertures pour me montrer son
dernier qu’elle garde contre elle, je ne l’avais pas vu, lui tapote les fesses pour me montrer qu’elle a besoin de couches. Nous n'en avons plus. Je demande l’âge des enfants. Dans le regard de
ce père, ce qu’on ne devrait pas voir.
Hier soir nous étions 8 maraudeurs, 4 voitures, une marmites de soupe, une marmite de riz au lait, une marmite de salade, 4 thermos d’eau chaude (11L), environ 90 sandwichs, 30 brick de lait,
autant de compote de pomme, 30 sachets de gâteaux, café lyophilisé, thé, deux coffres de vêtements, si j’ai bien compté.
Dehors peut-être 10 degrés, ou un peu moins. Il m’est arrivé de dormir dans une maison froide pendant quelques jours à cause d’un chauffage que nous n’arrivions pas à mettre en route, il faisait
6 degrés, le poids des couvertures quand elles font un paquet au-dessus de vous, en plus de réchauffer, a quelque chose de rassurant.
Mes deux garçons sont au chaud, ils n’ont jamais dormi dans la rue. Je souhaite que tout le long de leur vie ils aient les ressources, matérielles, affectives, fraternelles et solidaires pour ne
pas vivre dans le dénuement, ne pas connaitre le froid, et que personne ne leur serve de soupe tiède.
Si j’étais écrivain, j’aurais trouvé les mots...