Les lagunes constituent des écosystèmes côtiers particulièrement instables dont la durée de vie, à l’échelle géologique, est brève : quelques milliers d’années.
Leur évolution naturelle les condamne à disparaître, soit qu’elles soient envahies par la mer, soit qu’elles soient comblées par les alluvions fluviales. Elles peuvent également se retrouver isolées de la mer et transformées en étangs. Dans l’Antiquité les lagunes se succédaient de façon presque continue de Ravenne au sud, à Aquileia au nord.
Ce sont les interventions de l’homme, soit en terre ferme, soit dans le bassin lagunaire, qui lui ont conservé son caractère marin.
Mais ces interventions s’inscrivent dans un combat jamais gagné, où, à chaque transformation apportée par l’homme, l’environnement répond par une variation du système et de l’évolution générale de la lagune.
Dans le sonnet célèbre qu’il a placé en introduction à ses Discours sur la lagune de Venise (1545-1553), Cristoforo Sabbadino déclare que le destin de la lagune dépend de ses trois "ennemis" : les fleuves, la mer et les hommes, ennemis s’ils sont mal réglés, mais forces utiles s’ils sont soumis à une juste discipline.
La lagune de Venise s’est formée il y a quelque 6 000 ans. À l’origine elle était vraisemblablement plus petite et ce n’est que vers le IVème siècle qu’elle a commencé à s’étendre pour prendre sa configuration actuelle : les 57 100 hectares délimitées en 1791 par les 157 km de la conterminazione, ligne de séparation précise entre la lagune et la terre ferme.
Ce qu’on appelle la lagune de Venise est en fait la juxtaposition de plusieurs lagunes qui, autrefois, s’ouvraient sur neuf passes (porti) : Jesolo, Lio Mazor, Tre Porti, S. Erasmo, S. Nicolò, Malamocco, Porto Secco (Albiola), Chioggia et Brondolo. Seules subsistent aujourd’hui les passes de S. Nicolò, de Malamocco et de Chioggia. C’est sans doute vers l’an mille que les échanges entre la mer et la lagune, assurés par ces neuf passes, ont le mieux fonctionné.
Federico Gualdi, Projet d’aménagement de la lagune. La lagune de Venise est unie à celle de Malamocco et à une partie de celle de Chioggia, grâce à deux palissades marquées A et B. Dessin et aquarelle sur papier. 10 janvier 1663.
Source :
L’équilibre de la lagune de Venise au XVIIème siècle : naissance de l’approche moderne, par Susanna Grillo