Résumé : Enfermé entre quatre murs, qu’on soit prisonnier ou maton, la vie est presque la même. Pour tenir, il faut pouvoir s’évader, s’échapper de cet ennui poisseux. Certains abusent des humiliations, d’autres perdent pied, d’autres encore s’inventent des histoires d’amour. Dans cette maison d’arrêt, un petit monde se crée avec ses règles et ses rituels, en attendant le jour de la libération ou de la retraite. Des histoires de dingues, des histoires tendres, des histoires vraies.
Avis : Et voilà un nouveau Jean Teulé, et je pense qu’il s’agit d’un de mes préférés (avec Je, François Villon). Il parle d’un sujet vraiment intéressant et très dur. On est face à la vie en prison, à une micro société avec ses propres lois, ses propres règles, un monde différent et fou, rejeté par le monde lui-même. La vie des détenues est raconté, on voit les mauvais traitements, les mauvaises conditions de vie, on nous parles des pointeurs (les pédophiles et les violeurs) qui souffrent en prison plus que les autres, qu’on torture et qu’on viole sous les douches. Est narré également la vie des surveillants, qui finalement sont autant enfermés que les prisonniers dans cette prison, où le soleil passe à peine. Il y a Cyril, le surveillant trop doux pour travailler dans ce lieu, il ya Bailhache le surveillant un peu sadique, et il y a le directeur Van der Beek dont la femme est folle et qui vit dans une maison collé à la prison. Il y a les détenus, Coutenance amoureux d’Elsa (alias Corinne Lemonnier) avec qui ils discutent au travers ses barreaux, sans pour autant l’avoir jamais vu. Il y a Kaczmarek amoureux de Anne, celle qui lui envoie des jolies lettres. Et il y a Popineau, le pointeur. Chez les femmes on retrouve Corinne Lemonnier détesté par sa surveillante parce qu’elle est plus méchante que les autres femmes détenues, il y a Nadège complètement folle qui pense qu’un des barreaux de sa cellule est son mari. Rose qui va le devenir si elle reste plus longtemps en prison, et pleins d’autres.
Soyons clairs, ils ne sont pas des anges, ils sont là parce qu’ils sont des criminels, mais quand on fouille certaines histoires on se rend compte de la folie derrière, on se demande pourquoi la prison plutôt qu’autre chose pour les soigner? Et pour les autres, même s’ils sont là pour ce qu’ils ont fait, les traitements n’en restent pas moins inhumains.
J’ai beaucoup aimé la remarque sur la télé, puisqu’il est vrai que c’est ce qu’on entend, cela permet également de voir les choses différemment, oui ils ont la télé et cela empêche les nombreux suicides. Sur lesquels souvent on ferme les yeux, dont on ne parle pas. Les surveillants ont également leur dose de misères, sombrant dans l’alcoolisme ou les médicaments.
Le fait qu’on retrouve en italique des extraits de témoignages de deux gardiens rend l’univers encore plus vrai.
L’écriture de Jean Teulé nous transporte, nous emmène, tout est en poésie et pourtant nous gifle le visage, nous montre la vérité. Et je dois dire que la fin m’a complètement achevé, j’ai fondu en larmes. C’est très très dur.
Mon ressenti :
Phrases post-itées :
« […]il s’était pris longue peine. A l’annonce du verdict, il s’était étonné du terme et demandé pourquoi on ne condamnait pas plutôt à une longue punition. Longue peine… Cela faisait comme si on était condamné à une grande tristesse. » Et c’est sûrement vrai.
« les êtres qu’on nous amènes ici, on pourrait directement les conduire à la bibliothèque, ce sont tous des romans. Et s’ils ne le sont pas encore, ils le deviendront ici. »
Ce que je peux rajouter (attention spoils) :
J’ai eu une mini intervention sur les prisons à l’IRTS, et ce que j’ai lu dans ce livre, je l’ai retrouvé dans le discours de notre intervenante. Comme les 80% de récidive, le manque d’accompagnement à la sortie de la prison, les détenus qui reviennent sont à la prison un peu comme chez eux. On sait que le système ne fonctionne pas, mais pour rien au monde on le changerait. Parce que les gens à l’extérieur de la prison s’en plaindrait, parce qu’on pense qu’ils le méritent, parce que souvent on se croit à l’abris. Les suicides en prison, tout le monde s’en fout, mais le fait qu’ils aient la télé ça gêne. (Rien que quand j’écoute mes parents causer, je m’en rends compte). Finalement, on n’a pas tellement évolué à ce niveau là.
Imaginez-vous être enfermé pendant quatre ans, puis lâché dans la nature sans rien, sans aide, sans argent, sans personne. Vous êtes libres mais que faire de cette liberté?
L’intervenante nous racontais qu’une fois elle avait accompagné un détenu à sa sortie (pour le peu qui bénéficie d’un accompagnement) et qu’ils étaient allé dans une grande surface. L’homme n’avait tellement plus l’habitude du monde à l’extérieur, qu’il a eut peur et prit la fuite. Montrant à quel point la prison « déshumanisait ».
Bref, j’ai adoré ce livre aussi pour ça, parce qu’il montre comment c’est, il le dit, il le décrit sans dénoncer, mais on peut voir un bout de la réalité des prisons, et ça retourne vraiment. J’en ai encore des frissons.
Challenge :