L’Homme Qui A tue Dieu
Résumé :Wem Tom, un jeune Indien d'Amazonie, réalise qu'il n'y a plus de gibier dans la forêt et décide de se mettre à la chasse à l'homme blanc...
Réalisateur: Noé
Scénaristes: Noé
Acteurs :Xidot Arowa, Tribu Wari, Noé
Pays :France/Brésil
Année : 2012
Durée: 18 min 23
Production: Autoproduit
Critique :
Démarrant sur une course poursuite entre les arbres de la forêt amazonienne, L’Homme Qui A Tué Dieu est un concentré d’énergie, de violence et un hommages aux bandes gores des années 70 (sans les effusions de sang). Caméra à l’épaule et en noir et blanc, le métrage suit la tribu des indiens wari, menée par Wem Tom, qui a décidé de chasser l’Homme blanc, celui-ci étant accusé d’avoir détruit ses ressources .
Les scènes chocs (un bébé se fait manger tout de même), toujours pudiques, alimentent violemment ce survival aux messages écolo (la déforestation entraine un manque de gibier qui oblige les waris à tuer des hommes) et foncièrement altermondialiste( Wem Tom qualifie Dieu(en fait le mondialisme et l’uniformisation des cultures) de prédateur des prédateurs, son rêve est de le tuer).
Le découpage en flashbacks successifs est bien maitrisé, apportant à l’histoire tout son rythme et sa dramaturgie confrontant la forme fictionnelle (la course poursuite) à la réalité (le docufiction en noir et blanc) du moins jusqu’au final qui va bouleverser ses propres codes.
Réalisé par Noé (tout court)(en fait le gars a tout fait sur place), L’Homme Qui A Tué Dieu offre un dépaysement anxiogène féroce qui vaut le coup d’oeil averti du spectateur.
Bref, L’Homme Qui A Tué Dieu est un court métrage talentueux et bougrement efficace qui reste dans la mémoire longtemps après visionnage. En plus on peut le voir gratuitement ci dessous. Alors allez-y!
Note : 17/20
Le court:
L'Homme qui a tué Dieu (O Homem que matou Deus) from Noé V on Vimeo.
Sites Internet :
Blog du réalisateur
Interview du réalisateur et scénariste:Noé
Fantasticmovies:Pourriez-vous vous présenter en quelques mots aux lecteurs de fantasticmovies?
Noé: On va faire court... Noé, 29ans, réalisateur/scénariste.
Fantasticmovies: Quel est le dernier film que vous avez vu qui vous a le plus marqué?
N.: Springbreakers : le film en soit, je ne suis pas entré dedans a 100% mais la fin, elle, m’est restée gravée dans l’esprit pendant des semaines.
Fantasticmovies: Quelles sont vos influences en tant que cinéaste?
N.: Il y en a tellement : Jim Jarmusch, David Fincher, Jean Pierre Jeunet, Gattaca, Terminator 2, The killer, la Cité de Dieu, La Haine, Fucking Amal…
Fantasticmovies: Que pensez-vous du cinéma de genre actuel en général et dans votre pays?
N.: En France je trouve le cinéma de genre de cette dernière décennie très pauvre, sans grande originalité. Mais ce n’est pas une fatalité, des mecs comme Jeunet, Kounen, Kassovitz, Boukhrief… ont prouvé qu’on pouvait faire des films de genre de qualité en France. Je pense que le souci vient plus des financiers et de ce qu’ils choisissent de financer désormais… mais c’est un long débat.
Quant au cinéma de genre hollywoodien : de plus en plus pauvre (reboot du remake de la suite du prequel avec conversion en 3D…). Mais je pense que ça va changer en France comme aux US…il faut juste que ça pète. Et c’est aussi à nous en tant que réalisateurs de faire en sorte que ça pète.
Fantasticmovies:Comment est né le projet?
N.: En réalité j’ai tenter de tourner un long-métrage (de fiction) dans cette même tribu en 2008 puis a nouveau en 2011, à chaque fois ça s’est soldé par un échec.Le projet à du être abandonné par manque d’argent, et ça a été très dur. Mais entretemps, les indiens s’étaient attachés au projet. Ce n’était pas seulement un film sur eux . Ils en étaientt à la fois les acteurs, les techniciens, les héros, etc. C’était devenu « le film des waris » (c’est le nom de ce peuple) et quand le projet est tombé à l’eau ça a été perçu comme un échec de la tribu, par les Waris qui sont déjà pas mal complexés face aux blancs. Donc un an plus tard je suis revenu pour aller jusqu’au bout d’un projet avec eux. Et c’est comme ça que ce court-métrage est né.
Fantasticmovies: L’Homme Qui A Tué Dieu est vraiment très beau à regarder et le travail du son est vraiment bien, était-ce beaucoup de travail en post-production?
N.: Oui, et non.
Oui c’était beaucoup de travail car j’ai tout fait tout seul en dehors de la musique (composée par Hadrien Federiconi).
Et non car si on oublie le fait que j’étais tout seul, ça représentait peu de travail au final.
Fantasticmovies: Parlez-nous des effets spéciaux.
N.: On me demande souvent si le crocodile dans la scène de bataille était un vrai. Donc oui c’était un vrai, et il était vivant, on lui a seulement amarré la bouche pour qu’il ne mange pas des bouts d’acteur principal durant la scène de combat entre ces deux-ci. Puis pour ce qui est du bébé qui est dévoré : c’était un singe cuit. Sinon il n’y a aucun effet de post-prod.
Fantasticmovies: La forme du film et son sujet (une tribu indienne anthropophage) rappellent les films gores, sans le côté sanglant des années 70 (Deodato et consort). Etes-vous un fan de ce genre?
N.: Non, ce ne sont pas du tout des sources d’inspirations. J’ai détesté Cannibal Holocaust par exemple, l’image des Indiens y était pire que désastreuse et ce n’était pas le pire défaut du film, qui était en lui-même exactement ce qu’il cherchait à dénoncer.
Fantasticmovies: Avez-vous tout tourné dans la jungle amazonienne?
N.: Oui.
Fantasticmovies: Dieu est-il le prédateur des prédateurs ?
N.: Je suis agnostique…mais le film contrairement a son apparence n’est pas une attaque envers la religion, mais plus envers le comportement de l’homme blanc en général. Quand je fais allusion au « Dieu blanc » le dieu blanc serait plus le « mondialisme », l’uniformisation des cultures (et des religions) vers la seule culture occidentale, et tel serait le « prédateur de tous les prédateurs », en tout cas pour ce héros indien...
Fantasticmovies:Fut-il facile de trouver des acteurs et une équipe motivés pour le film?
N.: Non. Premièrement il faut savoir qu’il n’y avait pas réellement d’équipe. J’étais seul et j’ai formé quelques jeunes Indiens sur place pour m’aider…enfin j’en ai surtout formé un : Wao Xinto qui est devenu l’assistant-réalisateur/régisseur et sans qui je n’aurais pu faire le film. Puis pour les acteurs : on a créé un groupe de théâtre Wari et après quelques semaines les jeunes de ce groupe sont devenus les acteurs du film. En réalité l’histoire est un peu plus complexe, mais je résume. Depuis deux jeunes que j’ai formés ont continué a tourner seuls des documentaires dans plusieurs villages avec du matos que je leur avais donné. Et le groupe de théâtre a fait plusieurs représentations en ville, dont une, devant plusieurs milliers de personnes.
Fantasticmovies: Avez-vous une anecdote à raconter à propos du tournage?
N.: Quand j’ai dit aux jeunes acteurs indiens qu’on allait faire un film dans lequel ils seront des tueurs qui massacres des blancs au fusil à pompe ; ils étaient À FOND. Un peu trop d’ailleurs car durant la scène du massacre, l’un d’eux un peu trop dans son personnage, a commencé à s’enflammer et à crier dans sa langue « Bon maintenant enlevez moi tous leurs vêtements, on va tous les violer !!! ». Mais pourquoi il sort un truc pareil ?!? Parce qu’il y a 60 ans c’est exactement ce que faisaient les blancs en entrant dans les villages des Indiens qu’ils venaient massacrer. Il ne faut pas oublier que les parents et grands-parents de ces jeunes acteurs sont tous des survivants du génocide.
Fantasticmovies:Parlez-nous du budget de L’Homme Qui A Tué Dieu.
N.: Si on ne compte que le tournage on arrive à un budget de 500€. Après il faut ajouter le prix du billet d’avion, le cout du matériel vidéo offert aux indiens, le cout de la post-prod et des musiques, puis le cout de l’envoi du film en festival.On arrive dans les 4500€. Mais c’est des chiffres approximatifs, le film a été autoproduit (avec un appel a dons dans le cercle famille/amis) et j’ai eu du mal a tenir des comptes précis.
Fantasticmovies: Des projets futurs ?
N.: Des tonnes de projets…mais la question c’est toujours : «Comment trouver une boite de prod qui s’intéresse a ce que je fais ?» «Comment trouver les moyens de financer ne serait-ce qu’un seul de ces projets ?»
Parmi différents projets, j’essaye d’en développer un, sur un Super héros qui vient des favélas de Rio Janeiro ; Une sorte de Robin Hood Brésilien qui ne s’attaque qu’aux riches et aux puissants…
Fantasticmovies: Un mot pour la fin?
N.: Oui, une petite clarification :
Au Brésil où le film a été vraiment très bien accueilli, plusieurs personnes et critiques de cinéma on fait des comparaisons entre mon court-métrage et le « Django Unchained » de Tarantino. J’apprécie le compliment cependant je tiens juste à préciser que ce n’était pas une de mes sources d’inspiration et que d’ailleurs, la toute première projection de mon film s’est faite six mois avant la sortie de Django.