J'étais prévenu, ce serait du All Inclusive, je n'ai pas été déçu, la formule comprenait presque absolument tout, le buffet à volonté à tous les repas.
Pour nos vacances ensemble avec ma grand-mère Madeleine, bientôt quatre-vingt dix ans et, hormis sa cécité grandissante, une énergie encore étonnante et toutes ses dents d'origine, le sens
pratique m'avait convaincu de la suivre dans son rituel balnéaire annuel, en Tunisie.
A présent que j'envisage les choses, la vie, les gens au travers du prisme On a Good Day, je tentais de faire part à Madeleine de mes impressions au jour le jour. Tiens, cette cour bleu
ciel ombragée avec au-dessus du portant de cette porte ces vitraux aux coloris primaires et uniformes, jaune, vert, bleu, rouge, délimitant deux espaces, celui dans la pénombre couverte et
azurée, l'autre dans la lumière blanche saturée de soleil, et bien ça fait très On a Good Day.
Et ce couple, prévenant, nous adressant la parole spontanément afin de nous indiquer la marche à suivre pour obtenir nous aussi des transats, c'est assez On a Good Day aussi, tu ne
trouves pas ?
Et elle de me demander plus loin, c'est qui celui là ?
Moi : C'est le monsieur qui nous fait la chambre.
Elle : Il est beau, on dirait qu'il est en dimanche. C'est terrible de ne pas reconnaître les gens.
Autour de la piscine, les gens lisent les best-sellers du moment : L'élégance du hérisson, La valse des tortues, tandis que j'impose à Madeleine Mon cœur à
l'étroit.
La route de la Goulette qui nous mène à
Carthage traverse
un lac artificiel, fend la chaleur brumeuse qui créé au loin des halos rendant l'horizon imperméable. La barbarie commence à la
maison chantait
Morrissey sur le second album des Smiths Meat is Murder. Et nous poursuit encore un peu jusqu'ici.
Aux abords du palais présidentiel, la radio du taxi-louage diffuse des nouvelles toutes fraîches du contrat de vente de dix-neuf avions Airbus passé par le suprême VRP Sarkozy, justement en
visite dans le pays, avec le président tunisien
Ben Ali.
À nous promener seuls Madeleine et moi dans l'ancienne capitale punique, sans groupe ni guide parmi les ruines, on se serait cru dans un film récent du cinéaste centenaire Manoel de Oliveira,
l'érudition en moins. Mais ce silence, tranquille, éternel et ventilé, aurait pu scier parfaitement à l'une de ses scènes, entre les vestiges de ces thermes phéniciens, surplombant la
Méditerranée.
Finalement peu d'allusions pop lors de ce séjour, le baladeur est d'ailleurs resté confiné dans le tiroir de la chambre 533. Mais des rencontres font le monde petit.
Hervé, la cinquantaine, Paris 13ème, avec sa femme et ses deux filles Manon et Clara, s'avère être promoteur de concerts folk à la Pomme d'Eve, une cave voûtée du XIIème
siècle, située proche du Panthéon. Après des préliminaires à s'échanger des noms d'artistes et de labels tour à tour plus obscurs (il maîtrise tout un pan de la musique folk
nord-américaine que l'on pourrait qualifier d'old school pour emprunter au jargon hip-hop), il est parvenu à me donner le goût de découvrir quand même Bill Morrissey, oui ça s'écrit
comme Morrissey, du New Hampshire, et aussi le new-yorkais Eric Andersen, comme les contes d'Andersen, qui refuse l'étiquette de folk singer pour préférer celle de songwriter
(ami proche de Lou Reed, Andersen dit de ce dernier qu'il est un véritable folk singer pour le coup, car c'est lui qui parle le mieux des new-yorkais, j'entends là du peuple new-yorkais,
des new-york's folks). Pour le dernier concert de son association Acoustic In Paris, Hervé accueille
Eric Andersen et
Iain Matthews début juillet.
Et puis, aussi incroyable cela puisse paraître, j'ai fait une partie de ping-pong que j'ai eu le tact de perdre avec Laurence, ancienne championne d'île de France. Laurence Cohen pour être exact.
Petite nièce de Leonard.
Un album quand même accompagne idéalement ces derniers jours, Devotion de Beach House. Il contrecarre le buffet, le All Inclusive, il est un peu amorphe. Et cette reprise de
Daniel Johnston, et ces mots qui m'entêtent.
Your picture is still
On my wall
On my wall
The colours are bright
Bright
As ever
Red is strong
Blue is pure
Some things last a long time