« Faites passer, » dit le Dodo. Tous se groupèrent de nouveau autour d’Alice, tandis que le Dodo lui présentait solennellement le dé en disant : « Nous vous prions d’accepter ce superbe dé. » Lorsqu’il eut fini ce petit discours, tout le monde cria « Hourra ! »
Le Dodo : de Tenniel à Disney
Alice trouvait tout cela bien ridicule, mais les autres avaient l’air si grave, qu’elle n’osait pas rire ; aucune réponse ne lui venant à l’esprit, elle se contenta de faire la révérence, et prit le dé de son air le plus sérieux.
Il n’y avait plus maintenant qu’à manger les dragées ; ce qui ne se fit pas sans un peu de bruit et de désordre, car les gros oiseaux se plaignirent de n’y trouver aucun goût, et il fallut taper dans le dos des petits qui étranglaient. Enfin tout rentra dans le calme. On s’assit en rond autour de la Souris, et on la pria de raconter encore quelque chose.
« Vous m’avez promis de me raconter votre histoire, » dit Alice, « et de m’expliquer pourquoi vous détestez — les chats et les chiens, » ajouta-t-elle tout bas, craignant encore de déplaire.
La Souris, se tournant vers Alice, soupira et lui dit : « Mon histoire sera longue et traînante. »
« Tiens ! tout comme votre queue, » dit Alice, frappée de la ressemblance, et regardant avec étonnement la queue de la Souris tandis que celle-ci parlait. Les idées d’histoire et de queue longue et traînante se brouillaient dans l’esprit d’Alice à peu près de cette façon :
— « Canichon dit à
la Souris, Qu’il
rencontra
dans le
logis :
« Je crois
le moment
fort propice
De te faire
aller en justice.
Je ne
doute pas
du succès
Que doit
avoir
notre procès.
Vite, allons,
commençons
l’affaire.
Ce matin
je n’ai rien
à faire. »
La Souris
dit à
Canichon :
« Sans juge
et sans
jurés,
mon bon ! »
Mais
Canichon
plein de
malice
Dit :
« C’est moi
qui suis
la justice,
Et, que
tu aies
raison
ou tort,
Je vais te
condamner
à mort. »
« Vous ne m’écoutez pas, » dit la Souris à Alice d’un air sévère. « À quoi pensez-vous donc ? »
« Pardon, » dit Alice humblement. « Vous en étiez au cinquième détour. »
« Détour ! » dit la Souris d’un ton sec. « Croyez-vous donc que je manque de véracité ? »
« Des vers à citer ? oh ! je puis vous en fournir quelques-uns ! » dit Alice, toujours prête à rendre service.
« On n’a pas besoin de vous, » dit la Souris. « C’est m’insulter que de dire de pareilles sottises. » Puis elle se leva pour s’en aller.
« Je n’avais pas l’intention de vous offenser, » dit Alice d’une voix conciliante. « Mais franchement vous êtes bien susceptible. »
La Souris grommela quelque chose entre ses dents et s’éloigna.
« Revenez, je vous en prie, finissez votre histoire, » lui cria Alice ; et tous les autres dirent en chœur : « Oui, nous vous en supplions. » Mais la Souris secouant la tête ne s’en alla que plus vite.
« Quel dommage qu’elle ne soit pas restée ! » dit en soupirant le Lory, sitôt que la Souris eut disparu.
Un vieux crabe, profitant de l’occasion, dit à son fils : « Mon enfant, que cela vous serve de leçon, et vous apprenne à ne vous emporter jamais ! »
« Taisez-vous donc, papa, » dit le jeune crabe d’un ton aigre. « Vous feriez perdre patience à une huître. »
« Ah ! si Dinah était ici, » dit Alice tout haut sans s’adresser à personne. « C’est elle qui l’aurait bientôt ramenée. »
« Et qui est Dinah, s’il n’y a pas d’indiscrétion à le demander ? » dit le Lory.
Alice répondit avec empressement, car elle était toujours prête à parler de sa favorite : « Dinah, c’est notre chatte. Si vous saviez comme elle attrape bien les souris ! Et si vous la voyiez courir après les oiseaux ; aussitôt vus, aussitôt croqués. »
Alice et sa chatte Dinah
Ces paroles produisirent un effet singulier sur l’assemblée. Quelques oiseaux s’enfuirent aussitôt ; une vieille pie s’enveloppant avec soin murmura : « Il faut vraiment que je rentre chez moi, l’air du soir ne vaut rien pour ma gorge ! » Et un canari cria à ses petits d’une voix tremblante : « Venez, mes enfants ; il est grand temps que vous vous mettiez au lit ! »
Enfin, sous un prétexte ou sous un autre, chacun s’esquiva, et Alice se trouva bientôt seule.
« Je voudrais bien n’avoir pas parlé de Dinah, » se dit-elle tristement. « Personne ne l’aime ici, et pourtant c’est la meilleure chatte du monde ! Oh ! chère Dinah, te reverrai-je jamais ? » Ici la pauvre Alice se reprit à pleurer ; elle se sentait seule, triste, et abattue.
Au bout de quelque temps elle entendit au loin un petit bruit de pas ; elle s’empressa de regarder, espérant que la Souris avait changé d’idée et revenait finir son histoire.
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