Écoute-moi bien, et ouvre grand les portugaises:
depuis qu’un obsédé viennois, parce qu’il s’est un peu trop poli le chinois sur Sophocle, a décidé que tout le monde voulait se taper l’un de ses parents et buter l’autre; et depuis que le même, un jour qu’il était en manque de cocaïne a décidé que les femmes étaient grosso modo une bande de putes hystériques,
depuis qu’un nabot du même patelin et vraiment hystérique, lui, a décidé que l’humanité se partageait en plusieurs groupes qui s’énoncent comme suit: les parasites, les aryens, et leurs bonniches estampillées Kinder Kirche Küche pour le plus grand bonheur de leurs guerriers de maris,
et je ne te parle que de l’époque moderne; depuis que je suis au monde et depuis qu’on m’a inculqué (parce que j’ai eu le temps de remarquer que ce n’est pas si évident que ça) que le groupe humain se décomposait en mâles et en femelles; depuis tout ce temps, je ne peux pas t’encadrer, sombre connard, ni toi ni tes copains parce que vous n’êtes rien individuellement sinon de minuscules résidus d’une capote qu’on aurait aimé étanche. Même un spermatozoïde sait trouver son chemin tout seul dans la vie, mais toi tu as besoin d’une meute, et plus elle est débile plus tu t’y sens bien. Brassens pensait que dès qu’on est plus de quatre on est une bande de cons, mais j’incline à penser que dès qu’il y a plus de deux chromosomes Y dans une assemblée, c’est déjà la merde.
Je trouve éminemment regrettable que quand on évoque Reich, tu penses instantanément au troisième au lieu de penser à Wilhelm. Le contraire eut-il pu advenir, tu serais peut-être moins mal à l’aise avec cet appendice entre tes jambes qui te fait si peur. Si ça peut te rassurer, tu n’es pas le seul à qui je réserve ces amabilités. En ces temps où l’on parle souvent de tes potes du Front National, bien ragaillardi par le racisme ordinaire et la lâcheté du pékin moyen, j’ai aussi une pensée pour toutes les victimes du sexisme ordinaire. Ce mal-là a moins l’honneur des gazettes, il est même plus qu’à son tour érigé en mode de vie par l’appareil qui sert de cerveau à deux tiers de la population, la télévision. Entre le blaireau bourré qui se jette sur la première donzelle venue avec l’avidité d’un ministre de l’Intérieur populiste(y en a t-il d’autres?) reniflant le fait divers, entre le relou qui siffle une fille dans la rue avec la finesse d’un catcheur dans une mêlée, entre le chanteur « populaire » qui voudrait « mettre des cartouches » sous couvert d’humour et de l’esprit gaulois qui est censé être une richesse nationale, entre le conjoint qui a la main lourde, entre le député qui glousse comme une poule parce qu’il n’a rien de plus intelligent à opposer à une ministre, j’ai longtemps eu du mal à déterminer qui était le plus con. Bien sûr, aucun ressortissant masculin de l’espèce n’est à l’abri d’une maladresse, d’un comportement ou d’un geste déplacé. On n’évacue pas des millénaires de civilisation juste avec de la bonne volonté.
Mais toi, tu as remporté la palme, et j’ai une idée d’où tu pourrais te la mettre pour tempérer tes ardeurs. Toi, tu es l’un et tous les membres d’un groupuscule d’extrême-droite qui depuis quelques temps menace Julie Del Papa de toute une gamme d’outrages parce qu’elle a eu le tort de militer contre tes « idées » à gerber. Julie est une militante de gauche, et depuis que tu as croisé son joli minois dans une manifestation, tu as trouvé du meilleur goût de la menacer de viol collectif, de lancer des attaques sur Internet sous forme de montages pornographiques ou d’usurpation d’identité sur les réseaux sociaux. Julie raconte toutes ces horreurs sur son blog.
Demande à ta maman, mais il y existe d’autres moyens de s’extérioriser quand on est amoureux, mon petit.
Alors, comme je me l’étais demandé à l’époque des défilés contre le mariage pour tous où tes congénères couinaient comme des saintes-nitouches, je te le demande: pourquoi as-tu peur du sexe et des femmes à ce point-là? Est-ce pour ça que tu te coiffes comme une bite d’acteur porno? Et est-ce que tu te rends seulement bien compte que tu as un problème? Est-ce que tu ne trouves pas un peu louche que les deux femmes que tu admires le plus soient Jeanne d’Arc et Marine Le Pen, qui sont sans doute plus viriles que toi?
Je me doute bien que tu ne liras pas cette diatribe. Mais sait-on jamais, il doit bien y avoir parmi tes copains un intello qui a poussé jusqu’au CM2. Alors écoute-moi petit bite.
Tu ne cesses de prôner la suprématie de l’un sur l’autre, et tu claques du fessier parce qu’une minette de 22 ans ne veut pas de ton monde où tout n’est que haine et refoulement. Tu veux remettre au goût du jour les idéaux racistes et rétrogrades d’un maniaque impuissant parce que tu souffres d’un complexe d’infériorité. Rends-toi à l’évidence. Si le monde que tu appelles de tes vœux venait à advenir, tu ne seras pas plus beau, plus intelligent, plus riche, la France sera toujours un trou parmi tant d’autres dans le monde. Tu te laisseras peut-être griser un temps par l’impression d’être supérieur et d’avoir un pouvoir quelconque, sur ta femme, sur tes mioches, sur ton chien, que sais-je. La forme de camaraderie que tu as développé avec tes semblables s’évanouira aussitôt que vous aurez rendu le monde « propre » selon vos standards imbéciles, et tu te rendras bien vite compte que tu es cerné par des cons. Les autres penseront sans doute la même chose de toi. Tu seras toujours fier d’être français, hétérosexuel, et irréprochable selon un critère de pureté aussi objectif qu’un journal de 13 heures sur TF1, mais tu n’y seras pour rien, puisque tu te seras contenté de suivre celui d’entre vous qui a la plus grande gueule. Et tu pourras raconter à tes descendants que pour bâtir ce monde à la con, tu as commencé par menacer une jeune fille. Bon courage pour te faire passer pour un mec courageux, petite merde.
Mais au bout du compte, tu finiras quand même par crever. Maintenant que tu es au courant, ne te sens pas obligé d’attendre.