Prenez un média, n’importe lequel...
Une radio associative par exemple, laquelle vit encore sur le mythe de la radio libre. Il se trouve que le président de cette radio est photographe du quotidien local, mais cela n’a rien à voir.
Ah oui, j’oubliais le décor. Un département rural et montagnard, gouverné par un président tout puissant, que tout le monde craint et respecte, même la radio libre. Tout le monde? Pas vraiment, il reste quelques éléments turbulents pour troubler cette belle harmonie. L’un d’eux s’introduit subrepticement dans la bergerie, pardon, la radio, et donne l’antenne à un gréviste de la faim qui réclamait ses droits, à une Manon des Sources du cru, à un militant anticapitaliste, et à un couple de comédiens. Il prévoyait en outre d’inviter un affabuliste, lequel orne la montagne d’objets du désir, activité hautement condamnable qui eut pour effet d’irriter le président, que tout le monde craint et respecte. Cet élément, décidément très turbulent, prévoyait également de tendre le micro au président local de la Libre Pensée et à un professeur émérite d’université, bref que des éléments perturbants.
À l’issue des quatre premières émissions, le président, que tout le monde respecte et craint, téléphone d’une façon très amicale à la radio libre, sans doute pour s’enquérir de la santé du responsable, mais la teneur de l’entretien doit, paraît-il, rester secrète. Il est clair qu’aucune menace n’a été proférée au sujet de la subvention reçue annuellement par la radio, de moins en moins libre, pas plus qu’au sujet des partenariats opérés sur le département par cette même radio, plus vraiment libre.
Curieusement, et depuis que le président, que tout le monde craint et respecte, a demandé des nouvelles par téléphone, il n’y a plus d’élément turbulent à l’antenne, d’ailleurs, il n’y en a jamais eut; essayez donc de trouver des potcasts sur le site, des mauvaises langues disent qu’ils ont été enlevés.
«Si tu publies quelque chose, on est mort», je me demande bien qui a pu me dire cela, ah oui, c’est le directeur de la radio, en liberté surveillée. Mais enfin, pourquoi me demandez-vous quel temps il fait en Ariège, je ne vois pas le rapport…
Philippe Serpault, journaliste depuis 1992, a débuté sa carrière en radio associative après avoir élevé des abeilles dans la Drôme.
Source : Frituremag.info, sur une idée de la Buvette des Alpages.