Les bousculer. Jouer des coudes. Se frayer un chemin pour arriver au Saint Graal – la bouffe. Tu ne
Dans une pièce attenante, blindée de spectateurs respectueux, l’homme important fait son discours, mais eux, les rapaces, n’en ont que faire : ils sont déjà là, dévorant des yeux ce qu’ils ne vont pas tarder à engloutir. Le discours se termine en remerciements de rigueur, applaudissements bruyants, c’est parti !
Buffet pris d’assaut. C’est l’hallali. Charognards gourmands, mouches à merde affamées, les plus rodés, déjà armés, lancent l’assaut et sont bien décidés à ne pas bouger de là tant qu’ils n’auront pas au moins goûté à tout. Cohue d’insectes humains élégamment vêtus qui, visiblement, n’ont pas vu de nourriture depuis plusieurs jours. Grouillement, bousculades. On se marche sur les pieds, on tache le costume du voisin avec un peu de fromage dégoulinant – pas d’excuses : on a la bouche pleine. Les guerriers maintiennent le siège. Assiette pleine, sauce qui coule de la commissure des lèvres, mastication effrénée.
Tu fais une pauvre tentative pour accéder à un bout de quelque chose : impossible – tu n’es pas un guerrier. On se gave. C’est gratuit, on en profite. On n’est pas miséreux pourtant, non, mais on estime qu’on mérite, la bouffe, le champagne : ils nous doivent bien ça !
Au bout d’une heure, on est bien gavé, on délaisse à regret le buffet – tout de même on sait se tenir – pour aller flâner, voir si les sponsors n’auraient pas quelque cadeau à nous faire – on mérite. De toute façon, si le cadeau n’est pas donné, on le prendra par nous-mêmes, histoire qu’on ne soit pas venu pour rien.
Vraiment, une bonne soirée. Le buffet aurait pu être mieux, le champagne plus généreux. Mais bon, on ne va pas se plaindre, on est des gens civilisés, on fait partie de la bonne société nous – on a du savoir-vivre. Si tu veux les restes, on te les concède. Nous savons être magnanimes, même si les garden-partys ne sont plus ce qu’elles étaient.