Rien n'y fait.
Une quasi-victoire du FN sur fond d'abstention massive dans un petit canton du Sud dans la France a suffit à précipiter ce que d'aucuns appellent la classe médiatico-politique dans l'abîme du trouble et du stress.
Depuis ce vote à Brignoles, que n'a-t-on entendu ?
Comme si Marine Le Pen avait soudainement conquis la majorité des esprits de ce pays, les commentaires, sondages et déclarations se succédaient contre le péril fasciste. Pourtant, le problème était ailleurs: l'abstention, massive, si massive qu'elle devrait remettre en cause la légalité même du scrutin. Les électeurs votent avec leurs pieds, c'est-à-dire qu'ils ne votent plus. Encore devrait-on nuancer la chose, le scrutin n'était que très local, isolé et aux enjeux si faibles.Dans ce canton de Brignoles, ni la PS, ni les écologistes, ni le PCF, ni l'UDI, ni l'UMP n'ont convaincu. Avec plus de deux tiers d'abstention, on peut se décider à qualifier l'échec politique de collectif.
Oui, la période est dure et qui voudrait de la place de François Hollande ?
Cet effroi politique frappe donc tout le monde.
A droite, l'UMP se coince entre surenchère et lutte des chefs.
Jean-François Copé ose quand même critiquer le "suicide économique" du programme frontiste. Le président de l'UMP aurait pu réaliser plus tôt la chose. Mais le même ose aussi accuser Hollande d'être responsable de la montée du FN. Venant d'un parti qui a "normalisé" le lien entre immigration et insécurité lors d'un fameux et ignoble discours de Grenoble un jour de juillet 2010, la remarque est cocasse. Copé, jeudi soir sur la télévision publique, rechigne encore à trancher entre FN et PS en cas de second tour sans l'UMP. La messe est dite, elle sera frontiste.
Sortez vos armes.
A gauche, Mélenchon voit aussi dans cet assaut frontiste la preuve d'un échec hollandais. Son entreprise de rapprochement politique avec le PCF, issue de la campagne (réussie) de 2012, semble sombrer. A Paris, et ailleurs, les dirigeants du PCF ne sont pas contre une alliance locale avec le PS tant honni pour les municipales. La chose met en rage quelques blogueurs du coin. D'autres applaudissent à la perspective d'une union de la gauche dès le premier tour. Ce n'est plus une question de vote utile, ni même de Front républicain.
En Suisse, Alain Delon "approuve" la montée du FN.
A Paris, Copé converse "longuement" avec Nicolas Sarkozy ce lundi, pour le féliciter après son non-lieu - qui n'a rien à voir avec une reconnaissance d'innocence - dans l'affaire Bettencourt. Sur France 2, il réclame encore de supprimer un million de fonctionnaires plutôt que d'augmenter les impôts. L'idée fait rire jaune Alain Juppé. Jean-François Copé nous fait passer François Hollande pour Che Guevara, finalement. Quant à Sarkozy, 54% d'un sondage ne veulent plus en entendre parler.
Mercredi, Christiane Taubira présente sa loi contre la récidive en Conseil des ministres. A force d'écouter les accusations péremptoires et autres outrances à l'encontre de ce projet, on avait cru qu'elle était déjà votée, adoptée et mise en place. Depuis l'automne 2012 où la Garde des Sceaux avait lancé sa Conférence de consensus sur le sujet, la droite et son extrême avait fustigé un "climat laxiste" qui, d'après nombre de ses ténors, aurait été à l'origine du moindre fait divers: bébés assassinés, cambriolage de commerçants, viols en famille, ou trafic de drogue, tout était devenu la faute d'une loi... pas même mise en place.
L'hystérie se prolonge à l'Assemblée.
Un député apparenté UMP raille une collègue écologiste, en imitant un caquètement de poule. Il sera sanctionné, mais dans quel pays vivons-nous ?
Jeudi, cela faisait 32 ans que la France avait aboli la peine de mort. Autre gouvernement socialiste, même surenchère à droite. Le Figaro nous promettait les chars russes sur les Champs Elysées. Trente-deux ans plus tard, dans le FigMag est encarté un bulletin d'adhésion à un mouvement anti-mariage gay. L'Express lui emboîte le pas avec une énième couverture sur le communautarisme musulman. Le Monde s'interroge, encore, sur ces électeurs qui "franchissent le pas" et votent FN. Un sondage prédit la tête du scrutin européen à une liste nationale conduite par Marine Le Pen, avec 24% des sondés. On en oublie que la chose est impossible, la fille de Jean-Marie devra choisir une liste régionale. On en oublierait que donc 76% de sondés préfèrent voter "contre" une liste FN.
Même François Hollande est "convoqué" à réagir.
Mercredi, il s'inquiète du "populisme". Il livre une interview pour donner quelques perspectives au scrutin européen: "Il s’agira de choisir entre deux projets européens : l’austérité prolongée ou la croissance durable, la concurrence ou la régulation, le grand marché ou les politiques d’investissement, le court-termisme ou la transition écologique." Il fustige une certaine islamophobie: "Ce qui nourrit le populisme, c’est également le rapport à l’Islam."
Bien sûr, il y avait plus grave, plus sérieux, plus noble. A l'Assemblée, l'examen parlementaire de la loi de finances se poursuit. Les députés socialistes et écologistes allègent peu à peu la facture fiscale. Le projet de loi de retraite est aussi adopté par morceaux. Et vendredi, le Conseil constitutionnel validait l'interdiction de l'extraction du gaz de schiste.
Mais ces instants de sérieux étaient finalement rares. La France médiatico-politique restait tétanisée sur un Front qui n'avait pourtant rien de national.
Marine Le Pen se prend pour de Gaulle. Cela nous changeait de Jeanne d'Arc.
Un jour, il faudra ranger.