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L’inflation n’est en rien une solution à la dette publique massive qui menace les pays européens. Voici pourquoi.
Par Jean Dupont.
Dette publique de la France (source Insee depuis 1978).
Quand on évoque les solutions à la dette abyssale des États de la zone euro, les économistes énumèrent la plupart du temps trois solutions :
- le défaut, partiel ou total,
- la taxation des épargnants (remis au goût du jour par le papier récent du FMI),
- l’inflation.
Beaucoup de ces économistes préconisent la dernière solution, qui permettrait selon eux de sortir « par le haut » de la crise. Ils répètent ce mantra à longueur de journée mais sans jamais donner la moindre justification. Or c’est sans doute la pire des solutions, et voici pourquoi.
On peut modéliser le taux d’une obligation de la manière suivante: T(aux) = L(oyer) + I(nflation) + (prime de) R(isque):
- Le loyer est la rémunération attendue par l’investisseur. Pour simplifier, on peut poser L=0 dans la suite.
- L’inflation doit être incluse car il faut au minimum que le pouvoir d’achat à la sortie soit équivalent à celui à l’entrée. On considère donc la moyenne sur la durée du contrat.
- La prime de risque correspond à la possibilité d’un défaut avant la fin du contrat.
Dans une même zone économique, I ne change pas: ce qui va différencier les contrats est le risque lié au souscripteur. Ce risque est estimé relativement aux autres acteurs, ce qui explique qu’on a pu avoir R<0 récemment pour les États du « nord » de l’Europe.
Notez au passage que l’annonce du FMI n’a rien d’étonnant, elle est parfaitement cohérente. Dans un contexte où les taux obligataires souverains remontent, c’est une tentative transparente pour rassurer les investisseurs en les confortant dans l’idée que les États se retourneront vers leurs épargnants avant de faire défaut; le tout dans le but de faire diminuer R et donc les taux obligataires.
En simplifiant, on peut considérer que l’inflation (officielle) est d’environ 2%, plus ou moins constante : les taux du portefeuille d’OAT sont calculés sur cette base. Supposons maintenant qu’on décide de relever temporairement l’inflation à 5%, le temps de « régler la crise ». Toujours pour simplifier je prends l’hypothèse contestable que la BCE soit capable de maîtriser ce taux. Dans un premier temps, les États sont gagnants: ils paient beaucoup moins cher que l’inflation (notez que certaines OAT incorporent l’inflation dans leur contrat, pour celles-là il n’y a aucun bénéfice à attendre). Mais comme ils doivent au moins rembourser les contrats qui arrivent à échéance (roll-over), ils doivent faire de nouvelles souscriptions, sur base du taux d’inflation actualisé. Au fur et à mesure du renouvellement du portefeuille, le gain diminue puis disparaît lorsque toutes les obligations sont renouvelées.
Si en fin de compte on décide de revenir à une inflation à 2%, on aboutit à la situation inverse: le portefeuille coûte trop cher, le temps là encore de le renouveler. Au final on est revenu au point de départ, mais avec une situation économique dégradée. On introduit donc un effet de « cliquet »: il est facile d’augmenter l’inflation, beaucoup plus difficile et coûteux de la faire diminuer.
Mais ça ne s’arrête hélas pas là. Jusqu’ici on a considéré un I stable dans le calcul du taux. Si on commence à le faire varier, on introduit une incertitude supplémentaire sur les OAT à long terme: rien ne garantit que I va rester à 5% sur toute la durée du contrat – jusqu’à 50 ans! Il faut donc ajouter RI dans l’équation: une prime de Risque sur l’Inflation, d’autant plus élevée que le terme est long. Ce n’est pas pour rien que la mission principale de la BCE est le contrôle de l’inflation, cela permet jusqu’à maintenant d’avoir RI=0. Au final, le taux des OAT va augmenter plus vite que l’inflation, avec un effet inverse à celui tant espéré: un renchérissement du crédit. On aggrave le problème au lieu de le résoudre! La suite logique est une nouvelle hausse de l’inflation pour tenter de compenser cet effet, ce qui augmente d’une part l’estimation par les investisseurs du I moyen sur la durée du contrat, d’autre part RI puisque la variabilité de I est confirmée, et au final accélère encore le renchérissement du crédit.
La seule possibilité théorique de s’en sortir avec cette méthode est l’interdiction stricte de souscrire à de nouvelles obligations dès le moment où l’inflation augmente. Mais les États sont déjà incapables d’équilibrer leur budget avec un roll-over, le faire en plus en remboursant leur dette colossale est totalement hors de portée. N’y pensez pas une seconde.
Le résultat est sans appel: c’est le chemin mécanique vers la stagflation puis l’hyperinflation et l’effondrement de l’économie, en un cercle vicieux. En sortir coûterait très cher, en générant une crise beaucoup plus profonde que celle que nous connaissons actuellement.
Il y a pourtant une quatrième solution dont presque personne ne parle, prônée ici et sur quelques sites hélas trop confidentiels. C’est la vraie rigueur, à ne pas confondre avec la faustérité: baisse générale de la fiscalité, réduction drastique de la réglementation et de la bureaucratie, recentrage de l’État sur les domaines régaliens en privatisant ce qui n’en fait pas partie, etc. Les États qui ont suivi cette voie, même partiellement, ont amélioré leur situation et réduit leur exposition à l’endettement via une vraie relance économique. Ne comptez pas sur nos pipoconomistes et nos politocards apprenti-sorciers pour l’envisager…
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Tags: Crise de la dette, inflation