Un mystère entourait les conditions climatiques ayant permis la présence d'eau liquide et donc l'apparition de la vie sur Terre il y a près de 4 milliards d'années. Le voile est aujourd'hui en partie levé grâce à une équipe de chercheurs français
Atlantico : Le paradoxe du soleil implique que la chaleur du soleil n'aurait pas été suffisante pour obtenir de l'eau liquide sur Terre lors de l'apparition de la vie sur Terre. Or pour la communauté scientifique, sans lumière pas de vie possible... Qu'est-ce que le "paradoxe du Soleil" et comment ce phénomène a-t-il été mis en évidence pour notre Soleil ?
François Forget : Ce paradoxe n’est pas nouveau, il date en fait des années 60. Grâce aux observations des autres étoiles et à la modélisation numérique, on sait depuis longtemps que le soleil était moins lumineux au moment de l’apparition de la vie sur Terre. En effet comme toute étoile, le Soleil est de plus en plus gros. Il y a 4 milliards d’années, il était ainsi 25% moins lumineux qu’aujourd’hui. Ceci constitue un paradoxe puisque si l’on prend la planète Terre telle qu’on la connait aujourd’hui, elle aurait dû être complètement glacée à l’époque en raison de ce rayonnement solaire plus faible, et donc dénuée de mer liquide et non propice à l’apparition de la vie.
Comment cette théorie remet-elle en cause la façon dont nous pensons que la vie s'est créée sur Terre ?
En fait, il s’agissait d’un problème purement climatique à résoudre. Ce paradoxe ne remettait pas en cause l’apparition de la vie sur Terre en présence d’eau liquide car, en dépit d’un soleil moins lumineux, nous avions la preuve qu’il y avait de l’eau liquide à l’époque. Et les indices géologiques montraient qu’il y avait bien de la vie. D’autres éléments devaient donc avoir aidé cette apparition.
L’une des théories pour résoudre ce nouveau paradoxe était l’existence d’une atmosphère plus épaisse autour de la Terre. En particulier une épaisse atmosphère d’azote aurait pu contribuer à augmenter l’effet de serre de gaz comme le CO2. Mais les travaux français de l’équipe de Bernard Marty ont récemment contredit cette hypothèse en analysant des roches vieilles de 3 milliards d’années.
Si ce n'est pas le soleil, quels autres facteurs auraient pu permettre une chaleur suffisante pour l'apparition de la vie il y a entre 2,4 et 3,8 milliards d'années ?
Pour la première fois, nous avons pu modéliser et calculer le climat possible de l’époque, compatible avec l’étude des minéraux et les conditions d’apparition de la vie.Le facteur important reste la quantité de dioxyde de carbone nécessaire. Mais nous avons découvert qu’il n’y en avait pas besoin de tant que ça, notamment parce les nuages ont contribué à bloquer la glaciation.
Si on prend la Terre actuelle telle qu’on la connait aujourd’hui et qu’on revient 4 milliards d’années en arrière, la première modélisation (à gauche ci-dessus), la montre entièrement glacée, avec des températures de -40 degrés en permanence jusque sous les tropiques.
A cette époque, c’est-à-dire avant la formation des continents, la Terre était une planète océanique (au milieu ci-dessus). Or en doublant seulement la quantité de dioxide de carbone par rapport à celle que l’on connait aujourd’hui et malgré le rayonnement limité du Soleil jeune de l’époque, les modèles permettent d’empêcher la glaciation totale de notre planète : il n’y a plus de banquise sous les tropiques et nous obtenons une planète propice à la vie, avec une bande d’eau liquide non gelée à l’équateur.
Un dernier modèle (à droite ci-dessus), permet même d’envisager, avec des proportions maximum de CO2 et de méthane, une planète assez chaude, aux températures comparables à celles d’aujourd’hui. Dans ces deux dernières projections, l’apparition de la vie dans les océans est possible donc il n’existe plus de paradoxe.
Le mystère de la création s’épaissit-il ? Quelles sont les autres pistes ?
Non, nous ne pouvons pas dire que l’énigme de la création de la vie s’est épaissi. Au contraire, en termes climatiques, le paradoxe du soleil faible est pour nous en partie résolu grâce à ce modèle 3D : il prouve qu’il n’est pas si compliqué d’éviter une glaciation complète et globale de la Terre dans les conditions de l’époque. Mais il n’apporte pas d’éléments sur l’apparition de la vie elle-même et le passage du non-vivant au vivant. Il permet simplement de comprendre l’existence d’eau liquide à cette époque.
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