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Faut-il craindre le choc de la civilisation occidentale et de la civilisation arabe ? Que vaut l’idée d’un choc des civilisations ? L’expression a en tout cas heurté les consciences ; elle est reprise et répétée. Mais le succès d’une formule n’est pas la preuve de sa consistance : peut-être ne fait-elle que nourrir les peurs sans éclairer les esprits.
La physique enseigne les lois du choc et, pour décrire ces collisions, tient compte notamment des masses des corps en mouvement. Le choc intervient entre des objets définis, identifiables. Si donc deux civilisations peuvent se heurter, il faut également poser que chacune se définit par une identité déterminée, qui la caractérise et interdit de la confondre avec sa voisine.
Or c’est un préjugé de penser toute identité sur le mode de la stabilité, de la permanence du même. C’est confondre l’identité d’une chose, identité statique d’une feuille de papier à laquelle on n’ôterait ni n’ajouterait rien, et l’identité d’une personne, mouvante parce qu’elle s’enrichit des épisodes de l’existence.
C’est ce que Paul Ricoeur nommait une identité narrative. Pensez à un personnage de roman. Il est ce que l’intrigue en dévoile peu à peu. Cette identité est inséparable du récit. Ainsi en va-t-il de ces grandes personnes que sont les civilisations. Leur identité, c’est avant tout leur histoire. Et cette histoire continue de s’écrire.
Mais les histoires ne s’entrechoquent pas, elles mêlent leurs écritures. Chacune emprunte à l’autre pour rédiger son récit, toujours unique et toujours plus étendu.