One man show écrit et interprété par Fabrice Eboué
Le contenu : Après Faites entrer Fabrice Eboué, voici la suite des hostilités… Toujours accusé du même crime, l’agitateur fait, à travers le procès de son existence, celui de notre société… sans pudeur ni démagogie.Adepte de la formule une phrase/une vanne, il tire plus vite que son ombre sur les communautés, l’actualité, le politiquement correct et, tant qu’à faire, sur lui-même ! Cynique mais attachant, Fabrice Eboué adore dépasser les bornes…
Mon avis :Fabrice Eboué ? Assurément, Fabrice est doué ! Depuis qu’il s’est arrogé, il y a plus de dix ans, le droit d’être « Envers et contre tout », il a aboli les limites, toutes les limites. Son nouveau spectacle, Fabrice Eboué, levez-vous !en est la preuve manifeste. Levez-vous !, en anglais cela ne se traduirait-il pas par « Stand-up » ?... il est en effet aujourd’hui un de nos grands maîtres de cette discipline. Il y est remarquable en tout point : au niveau du jeu, au niveau de l’écriture, au niveau de l’audace.
J’ai vu à la Comédie Caumartin un artiste serein, dans la pleine maîtrise de son art, assumant totalement son registre. Il peut proférer la pire énormité (et ça arrive souvent) sans que cela nous heurte car il l’accompagne d’un sourire de sale gosse à qui l’on pardonne tout. Bégueules ou pisse-froids de tout bord, abstenez-vous ! Fabrice Eboué n’épargne rien ni personne. Y compris lui-même. Il se rit des races, rend commun le communautarisme, il est impoli avec les politiques, les différences l’indiffèrent, il rend les clichés négatifs… Rien n’échappe à son œil de prédateur. Il ne connaît pas la pitié. Bref, il balance à tout-va. Et plus il va loin, plus il est content. Et nous aussi…
Comme dans son spectacle précédent, Fabrice Eboué rappelle qu’il est le vilain petit canard d’une famille d’intellectuels dont la majorité fait partie du corps médical. A sa manière, il n’a pas voulu trop se désolidariser. Lui aussi, il pratique une forme de médecine, la médecine légale… En effet, il dissèque avec un scalpel trempé dans l’acide tous les travers, tous les dysfonctionnements, toutes les hérésies, toutes les bassesses et turpitudes de notre société. Ça, pour tailler, il taille ! Et dans le vif. Le geste et le mot sont sûrs. Et, s’il le faut, il racle jusqu’à l’os. Ça crisse, ça nous fait délicieusement grincer des dents. Son humour, lui, n’est pas métis. Il est franchement noir.
Pour moi, Fabrice Eboué fait partie d’un trio qui ose tout avec un formidable talent. Pendant quelques années, la plupart de nos humoristes se sont cantonnés dans une espèce de politiquement correct craintif et consensuel. On se demandait si on reverrait apparaître des iconoclastes tous risques façon Coluche et Desproges. Et bien oui. Il y a trois lascars qui, chacun à sa façon, a fait exploser le plafond de ver-tu : Fabrice Eboué, Jérémy Ferrari et Gaspard Proust (par ordre alphabétique car je n’ai pas de préférence).
Il faut aller voir Fabrice Eboué. C’est salvateur. Pendant une heure et quart, il envoie une vanne toutes les vingt secondes. Il faut le faire. Surtout qu’il n’y a aucun déchet, aucune facilité, aucune complaisance. Son écriture est constamment sur le fil du rasoir, aiguisée à souhait. En fait, je n’ai qu’un regret : il y a tant et tant de bonnes vannes qu’on ne peut pas tout retenir. Il faudrait presque, ainsi qu’on le fait pour certaines pièces, mettre son texte en vente… Mais comme cet ouvrage n’existe pas, je me dis qu’il faudra que je retourne à la Comédie Caumartin un de ces soirs…
Gilbert "Critikator" Jouin