Ce deuxième volet qui reprend les épisodes #7à #12 de Saga permet de découvrir la suite de cette excellente série imaginée par Brian K. Vaughan (Y, le dernier homme, Pride of Baghdad ou "Ex Machina"). Après un petit détour par la série télé « Lost », ce dernier revient sur le devant de la scène avec un space opéra particulièrement jubilatoire.
Le tome précédent marquait l’apparition des parents de Marko, notre Roméo cornu originaire de la planète Couronne, qui vit d’amour et d’eau fraîche en compagnie d’Alana, sa Juliette ailée issue de Continent. Au centre des débats (et à la narration), le lecteur retrouve bien évidemment la petite Hazel, fruit de leur amour interdit. Cette progéniture, issue de deux espèces qui sont en guerre depuis la nuit des temps, n’est cependant pas vue d’un bon œil par les peuples respectifs et se retrouve du coup pourchassée dès sa première bouffée d’air. La vie de couple n’est déjà pas un long fleuve tranquille, mais quand on est pourchassé par les pires tueurs professionnels de la galaxie, que les beaux-parents surgissent à l’improviste, que la baby-sitter se retrouve projetée sur une planète hostile et qu’une ex montre le bout du nez… il faut être sacrément balèze pour que l’amour survive !
Si l’intrigue à bord de leur fusée en bois se poursuit en enchaînant les rebondissements, l’auteur multiplie également les flash-backs consacrés au passé des personnages. Ces retours en arrière permettent non seulement d’en apprendre plus sur l’origine de cette romance improbable, mais donne aussi beaucoup de profondeur aux différents protagonistes. Ajouter à cela les tensions générées par la cohabitation forcée avec les beaux-parents et par l’arrivée de l’ancienne petite amie de Marko, et vous obtenez une petite pépite au niveau de la caractérisation.
En multipliant les planètes et les espèces, l’auteur offre une lecture très diversifiée et une galerie de personnages extrêmement riche et parfaitement exploitée. Il y a tout d’abord nos trois héros qui permettent d’installer une histoire d’amour digne de Roméo et Juliette, mais qui insufflent également une touche familiale très attendrissante au récit. Il y a ensuite une panoplie de créatures étranges à l’aspect surprenant, mais aux sentiments souvent très humains. Ce décalage entre la nature des personnages et leur physique constitue également l’un des grands attraits de la série. Ceux qui avaient été charmés par l’inventivité des espèces extra-terrestres et par la richesse de l’univers imaginé par Brian K. Vaughan, ne ressortiront pas déçus de cet album. Du Prince-Robot à la tête en forme de télé aux deux surprenants mercenaires (La Traque et Le Testament) lancés à la poursuite du couple, en passant par l’excellente trouvaille du chat-mensonge ou les Horreurs, représentées par la très attachante Izabel, l’auteur faisait déjà très fort lors du tome précédent et il rajoute encore une bonne couche de bizarreries dans celui-ci. Du cyclope écrivain de l’ouvrage qui influença la vie d’Alana à cette planète-fœtus, en passant par un géant qui a les boules quand on le dérange, les excellentes trouvailles se multiplient et donnent lieu à quelques scènes vraiment énormes !!!
Si cet ovni mélange avec brio space opéra, romance, géo-politique, comédie, aventure, sexe, horreur, violence, chasse à l’homme, drame, science-fiction et magie, l’autre grande force du récit sont les dialogues. Ceux-ci sont une nouvelle fois d’un naturel extraordinaire et débordent d’humour. Le choix de Hazel en tant que narratrice du récit fonctionne à merveille, surtout que cette dernière revient les événements avec un certain recul et beaucoup de cynisme. Ajoutez à cela le langage espéranto utilisé par les luniens et la capacité de Vaughan à aborder énormément de thèmes sensibles en toute décontraction, sans alourdir le récit, et vous obtenez un véritable tuerie qui gère de surcroît l’art du cliffhanger avec énormément de maestria.
Seul le graphisme pourrait éventuellement rebuter certains lecteurs, mais ceux-ci auraient tort car Fiona Staples donne vie à des créatures loufoques au look très réussi et parvient à mettre les délires du scénariste en images avec beaucoup de savoir-faire et d’esthétisme. À l’aide d’une colorisation qui accompagne toujours parfaitement le ton du récit, elle contribue aussi à installer une ambiance toujours adéquate. La dessinatrice canadienne (et oui, elle aussi) offre également un découpage efficace qui rend la lecture très fluide et qui incite à tourner les pages à grande vitesse.
Absolument incontournable !
Retrouvez d’ailleurs cet album dans mon Top du mois, ainsi que dans mon Top de l’année !