"Il y a des gens pour lesquels le patriotisme de parti sera toujours plus grand que l'amour de la patrie, alors que pour moi rien n'est plus grand que l'amour de la France"
Cette phrase de N. Sarkozy prononcée hier dans son discours de Saint-Quentin visait avant tout monsieur Hollande, mais sans doute également madame Buffet. Je ne suis pas surpris que les références que N. Sarkozy a faites à Jaurès, Blum, Guy Mocquet aient quelque peu agacé les ténors de la gauche : ils ont eu le sentiment que N. Sarkozy chassait sur leurs terres et enrobait un discours de droite de références de gauche. F. Hollande a estimé que Jean Jaurès devait se retourner dans sa tombe, et M.G. Buffet a tenu des propos très virulents contre le président de l'ump, affirmant dans un récent meeting qu'elle interdisait à N. Sarkozy de faire référence à Guy Mocquet, ce jeune communiste résistant de 17 ans mis à mort par les allemands.
Même si on pouvait s'attendre à de telles réactions de la part de monsieur Hollande et de madame Buffet, aux yeux desquels N. Sarkozy ne saurait être sincère, je les trouve très maladroites et finalement assez révélatrices d’un certain sectarisme des idées. L'attitude de ces deux chefs de parti me paraît regrettable, dans la mesure où en s'estimant les dépositaires, pour ne pas dire les propriétaires, de la mémoire de Léon Blum ou de Guy Mocquet, ils réduisent ces personnages à une appartenance, ils les enferment dans une image fixe qui empêche tout dialogue fécond avec les grands hommes du passé en même temps qu’elle crée un communautarisme des idées. Léon Blum était socialiste ? Pour le citer, il faut être soi-même socialiste. Mais dans une telle perspective, à quoi bon, dès lors qu’on est socialiste, citer Léon Blum ? Il était socialiste, il était de notre bord, la chose est entendue, on peut passer à autre chose. On ne s’étonnera donc pas de ne quasiment jamais entendre ces grands noms dans la bouche de nos responsables socialistes.
A F. Hollande et à M. G. Buffet, je voudrais dire deux choses. Tout d’abord les grands hommes de l’histoire ne se résument jamais à une appartenance, quelle qu’elle soit. Bien au contraire, c’est parce qu’ils ont su transcender toutes les catégories qu’ils ont pu faire avancer les idées. Il est des valeurs universelles qui dépassent ou devraient dépasser les clivages entre la droite et la gauche. Si N. Sarkozy a cité Jean Jaurès, c’est moins parce qu’il était un homme de gauche que parce qu’il connaissait la valeur du travail et de l’effort. Si N.Sarkozy a cité Guy Mocquet, c’est moins parce qu’il était communiste que pour la force et la maturité extraordinaire de son engagement de résistant.
Finalement, j’invite donc F. Hollande et M. G. Buffet à dialoguer avec les grands hommes qui ont fait l’histoire et à les écouter davantage : qu’il s’agisse des hommes de gauche, bien sûr, pour commencer, mais aussi des hommes de droite. Loin de crier au loup, je me réjouirais plutôt de les voir donner en exemple – pourquoi pas ? – le général de Gaulle. En renouvelant en profondeur leur rapport à l’histoire, F. Hollande et M. G. Buffet échapperaient sans aucun doute aux immobilismes et y puiseraient un esprit de tolérance dont nous avons plus que jamais besoin aujourd’hui.