Persona

Publié le 11 octobre 2013 par Olivier Walmacq

Genre: drame, inclassable
Durée: 1h25
Année: 1966


l'histoire: Les relations d'une actrice soudain frappée de mutisme et de son infirmière bavarde. Un processus d'osmose des personnalités va contribuer à la guérison de la comédienne, mais renforcera peut-être la solitude de l'infirmière.

La critique d'Alice In Oliver:

Attention, film choc ! J'ai nommé Persona, réalisé par Ingmar Bergman en 1966. Ingman Bergman est un cinéaste et un scénariste suédois à qui l'on doit de nombreux chefs d'oeuvre. Au hasard, nous citerons Le Septième Sceau, Sonate d'Automne, Scènes de la vie conjugale, La Source ou encore Le Rite. A cette filmographie dense et exemplaire, vient également s'ajouter Persona.
Persona fait figure d'oeuvre testament pour son auteur. Paradaxolement, ce film signera la renaissance de ce réalisateur de génie.

Alors que Ingmar Bergman est atteint d'une double pneumonie et cloué dans son lit d'hôpital, le cinéaste est sujet à de nombreux délires et à des hallucinations terrifiantes. Ingmar Bergman se retrouve seul face à lui-même et refuse tout contact avec l'extérieur.
C'est ainsi que naît le scénario de Persona. Attention, SPOILERS !
Elizabeth Vogler, célèbre actrice au théâtre, s'interrompt brusquement au milieu d'une tirade de la pièce Electre. Elle ne parlera plus jamais. 

D'abord soignée dans une clinique, son médecin l'envoie se reposer au bord de la mer en compagnie d'Alma, une jeune infirmière. Les deux femmes se lient d’amitié. Le silence permanent d'Elizabeth conduit Alma à parler et à se confier. La découverte d’une lettre dans laquelle Elizabeth divulgue cette confession à son médecin provoque alors une crise relationnelle profonde entre les deux femmes.
Autant le dire tout de suite: Persona est un film difficile d'accès et une oeuvre quasi expérimentale.

La mise en scène à la fois froide, distante et lumineuse éclate à l'écran et ce, dès les premières minutes du film. Il s'agit d'une authentique expérience physique et mentale dans laquelle le spectateur est convié. Via ce procédé, Ingmar Bergman confronte la folie à la réalité.
Ainsi, la caméra du cinéaste se concentre parfois sur les insectes environnants et sur des objets chargés de symboles. C'est par exemple le cas lorsque Bergman filme une mygale et les filaments d'une ampoule électrique. 

Le cinéaste oppose également les deux personnages principaux, donc Elizabeth et Alma. Alors qu'Elizabeth s'est réfugiée dans le silence et dans un profond mutisme (à la limite de la catatonie), Alma se démarque par ses nombreux bavardages. Pour Alma, Elizabeth devient sa plus grande confidente.
Pourtant, la frontière entre le normal et le pathologique est étroite, semble nous dire Ingmar Bergman. De ce fait, la jeune infirmière va elle aussi sombrer dans la folie. Pour Ingmar Bergman, c'est l'occasion ou jamais de créer un univers fantasmatique et onirique.

La réalité d'Alma va être bouleversée jusqu'à ses derniers retranchements. Encore une fois, l'unité physique est sans cesse menacée. De ce fait, le spectateur est littéralement oppressé par les mouvements de caméra. Ces effets sont accentués par les gros plans sur les visages, voire même sur les pupilles des deux actrices.
Avec Persona, Ingmar Bergman nous convie à un voyage au coeur des ténèbres.
Sur la forme, Persona ressemble également à un huis-clos même si le film se déroule sur l'île de Farö. L'air de rien, le réalisateur aborde des thématiques passionnantes.



J'ai déjà évoqué la frontière entre la folie et la réalité, mais Ingmar Bergman nous parle aussi d'amitié, de trahison, de jalousie, d'amour, de désir et même d'homosexualité. Certes, sur ce dernier point, la relation amoureuse qui se noue entre les deux femmes n'est jamais montrée, mais plutôt suggérée. Bref, Persona est aussi une oeuvre intimiste, avec une vraie portée psychanalytique.
Nul doute que ce drame, quasi inclassable et unique dans son genre, mériterait un meilleur niveau d'analyse. Mais ne l'oubliez pas, vous êtes sur Naveton Cinéma !

Note: 17/20