Antoinette Kampf a quatorze ans. Ses parents sont ce que l’on appelle des nouveaux riches: leur fortune s’est faite très vite, mais la bonne société les méprise, ne les considérant pas encore comme des leurs. Pour améliorer son image de marque, la mère d’Antoinette décide alors d’organiser un bal, une grande réception où toutes les personnes en vues de la ville seront conviées, princes et comtesse comprise. Robes, coiffures, buffet, boisson, tout est préparé pour organiser la soirée. Antoinette en rêve déjà… Mais brièvement. Très vite, sa mère lui annonce qu’elle refuse de la voir au bal. Elle ira se coucher, comme une enfant. Mais pas dans sa chambre, non, on en a besoin pour le vestiaire. Pour une fois, elle couchera dans la lingerie, avec sa gouvernante. Antoinette bouillonne d’une rage froide. Et lorsque sa mère l’envoie à son cours de piano, armée d’une invitation pour Isabelle, son professeur, elle médite déjà sa vengeance.
J’ai beaucoup aimé ce livre très court et très intense. J’y ai retrouvé chez Antoinette un portrait d’adolescente particulièrement réussi, qui parvient à mêler avec efficacité le caprice et la révolte enfantine et la rivalité et la frustration toute féminine. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: Antoinette se sent femme et ne sait plus comment le montrer à sa mère qui la cantonne à la nursery. C’est d’ailleurs lorsqu’elle aperçoit sa gouvernante en compagnie d’un garçon, flirtant sans retenue, qu’elle entérine sa décision de saboter le bal de sa mère. Voir autant de féminité s’épanouir autour d’elle sans qu’il lui soit permis d’exprimer la sienne lui est insupportable. C’est à la fois très compréhensible et très agaçant.
Ce qui le rend très compréhensible, c’est justement l’attitude de sa mère. Rosine Kampf ne jouit que de la fortune gagnée en bourse de son mari et souhaite être une femme du monde. A ce titre, sa fille n’est qu’un obstacle qu’elle ne peut souffrir. La rivalité mère-fille dans cette course à la popularité est évidente, et si le sujet n’est pas nouveau, il nous invite à nous mettre une minute à la place de cette femme-enfant qui ne trouve pas sa place dans le monde des nouveaux riches convoités par sa mère. Et le père dans tout ça, me direz-vous? Il reste très en retrait, mais c'est pour mieux exploser lorsque la crise éclatera.
La note de Mélu:
Malgré le côté un peu superficiel de ce roman très court, une bonne lecture entre légèreté et amertume.
Un mot sur l’auteure: Irène Némirovsky (1903-1942) est une auteure russe de langue française, morte en déportation. D’autres de ses oeuvres sur Ma Bouquinerie: