En 1930, les nationaux-socialistes étaient devenus un parti de masse ; en 1932, le plus grand parti du Reich, et cela pour trois raisons. [...]
La deuxième raison est à chercher dans un soudain réveil du nationalisme. Elle est plus abstraite que la misère économique de l'époque, et pas toujours facile à expliquer. Il semble même curieux que la misère, le désespoir économique, puisse aller de pair avec un renouveau patriotique. Mais il en fut ainsi ; tous ceux qui ont vécu ces années de 1930 à 1933 peuvent en témoigner.
Le complexe national, les ressentiments d'après 1918 qu'exprimaient les légendes du "poignard dans le dos" ou de ces "criminels de novembre" étaient restés vivaces dans les consciences allemandes. Dans les années 1919 à 1924, ils avaient surtout été le fait de la droite ancienne, des électeurs du parti national allemand, et, en 1925, lorsque ce parti participa au gouvernement, ils s'étaient atténués quelque peu. Et voilà que maintenant tous les partis s'en inspiraient ; et même les communistes se mirent à tenir un langage patriotique ; quand aux monarchistes plus ou moins avoués qui se tenaient derrière le cabinet Brüning, cela allait de soi.
Mais en agissant ainsi, ils se risquaient sur un terrain où les nationaux-socialistes étaient imbattables. Nul ne pouvait faire appel au nationalisme, à la gloire nationale, aux ressentiments nationaux comme eux, avec cette conviction et, de ce fait, avec cette force persuasive. Nul n'osait prétendre comme eux que l'Allemagne aurait dû gagner ou avait gagné de fait la guerre et que cette victoire lui avait été volée par la ruse et la trahison ; nul n'osait ouvertement comme eux insinuer que cette guerre perdue pourrait être révisée.
Sebastian Haffner, de Bismarck à Hitler
Pas de parallèle hâtif : je ne cherche pas à assimiler un ministre quelconque à un communiste allemand des années 30 se déclarant patriote, ni un parti que les sondages placent en tête des européennes au NSDAP.
C'est plus une homologie structurale que ce texte extrait d'un livre excellent m'inspire.
Dans un pays qui subit crise sur crise depuis une trentaine d'années, avec un peuple fatigué, beaucoup de choses nuisibles sont possibles.
Pour être encore plus précis, je ne cherche pas à sonner le tocsin contre l'hydre FN. Je suis plus pessimiste que cela. J'essaie d'imaginer, dans dix années, dans quinze années, une France qui resterait à plat, ayant accumulé une dette que l'Union européenne se ferait un point d'honneur de nous obliger à payer, avec un FN où la branche Gollnisch aurait repris du poil de la bête. Là nous serions dans une situation qui pourrait ressembler à celle que décrit Haffner. Non pas une situation qui mène nécessairement aux camps de concentration, mais une situation où tout est possible.
Le lecteur aura compris que je me méfie des analogies simplistes. Mais quand même. Valls pourrait lire quelques livres d'histoire.