Après l'annonce de la sélection de Paris pour accueillir les "Gay Games" 2018, les réseaux sociaux, où tout le monde a un avis sur tout, se remplissent de commentaires variés et souvent révélateurs d'une sourde hostilité. Pour couper court à tout débat (c'est long et ennuyeux un débat) sur l'égalité, l'homophobie dans le sport, l'esprit d'ouverture ou de non-compétition, on qualifie ces jeux ouverts à tous d'événement communautariste. Comme Christine Boutin lors d'une saillie récente qui clamait sa lassitude de voir des homosexuels partout à la télévision ou au cinéma, toute affirmation homosexuelle est simplement taxée de communautariste et ce gros mot suffit à tirer le rideau. Voire !
Les homosexuels, comme toute partie singulière du tout de l'humanité, sont confrontés au dilemme dialectique de la différence et de l'indifférence. Se fondre c'est se nier, se distinguer c'est s'extraire. Parler de communauté homosexuelle est une facilité de langage, un abus sans doute, mais un abus lié aux linéaments d'une expression et d'une organisation collective que les homophobes de tout pelage aiment appeler le (puissant) lobby LGBT pour faire peur aux Veilleurs qui se figent sur nos pavés. Toute expression, toute initiative, tout commerce, toute pensée qui se parerait trop des couleurs de l'arc-en-ciel se trouve désormais taxée de communautariste, et on est aussitôt saisi d'effroi face à une telle accusation infâmante. Vous voulez être comme tout le monde, vous avez voulu singer le (vrai) mariage, vous l'avez eu alors maintenant fermez-là.
Dans les années 70-80 nous réclamions le droit à la différence, au silence des années noires succédait le cri. Il n'y a pas de communauté gay me disait un militant de renom, mais il y a une exigence communautaire. Puis une fois que nous avions bien crié et assommé Ménie Grégoire à coup de saucissons lors d'une fameuse émission de radio, nous avons réclamé le droit à l'indifférence : ne vous occupez pas de nous, on s'en charge. L'eau a coulé sous les ponts. Pas assez vite, pas assez fort. On sait bien qu'il n'est pas temps de s'asseoir au bord du chemin pour se dire qu'on est arrivés. Lorsque des gamins sont jetés de chez eux et atterrissent brisés au Refuge, lorsqu'un esprit humain peut encore proposer une loi en Russie pour retirer les droits parentaux aux homosexuels, lorsque... Toujours l'on sait que pour avancer aussi vite que la foule il faudra marcher plus fort.
Alors oui, partout où je vais dans le monde je recherche la compagnie des miens et des proches, j'ai toujours l'envie d'unir pour affirmer, du nerf pour affermir. Et le fleurdelysage de communautariste me chaut bien peu.
PS : le titre de ce billet est celui d'un livre coécrit en 1977 par Jean-Louis Bory et Guy Hocquenghem.