J’ai écouté avec la plus grande attention, en prenant des notes, le discours prononcé aujourd’hui par S. Royal à Villepinte, et je vais m’efforcer d’en donner un compte-rendu. Pour ne pas cependant être trop long, je n’évoquerai aujourd’hui que le volet économique et social.
S. Royal a souhaité commencer son discours par la question économique et a rappelé le poids très lourd de la dette française. En faisant ce choix, qu’elle a elle-même jugé susceptible de surprendre son auditoire, S. Royal souhaitait naturellement donner le sentiment que toutes ses propositions allaient tenir compte du problème de la dette, que toutes les réformes annoncées seraient financées et finançables. De manière annexe, elle répondait également à François Bayrou, qui a dit faire de la dette et de l’équilibre du budget une question centrale.
Cela dit, la suite du discours montre en fait qu’il s’agissait surtout d’évacuer au plus vite une question embarrassante : à aucun moment elle n’a réellement évoqué la façon dont elle comptait financer ses propositions, si ce n’est une première fois, en évoquant la réforme de l’Etat (limitation du nombre de ministères), puis une seconde fois juste avant d’aborder les questions environnementales et internationales : elle a alors affirmé sans plus de précision que la lutte contre les gaspillages et une meilleure dépense de l’argent public permettrait de trouver les fonds nécessaires. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un peu léger. Elle a éludé par ailleurs avec beaucoup d’habileté tout au long de son discours la question des impôts et de leur augmentation.
Je rentre maintenant dans le détail de ses propositions, domaine après domaine, en suivant l’ordre dans lequel elle les a annoncées.
1) domaine économique et social
S. Royal a affirmé vouloir « réconcilier la France avec l’entreprise pour sortir la France du déficit et accomplir les progrès sociaux dont nous avons besoin. » Pour cela, elle propose, sans en préciser les modalités, un soutien aux PME, « pour qu’elles créent des emplois durables », et elle souhaite « que l’école et l’entreprise se rapprochent. » Concrètement (en dehors de la question environnementale), le programme économique de la candidate s’arrête là, car dans la suite de son discours le volet économique se confond avec le volet social.
Elle énumère ainsi toute une suite de mesures sociales dans le cadre d’un « pacte présidentiel » :
- un pouvoir d’achat garanti pour la vie (la réforme de l’indice des prix devant permettre une juste revalorisation du smic et des retraites),
- la hausse du smic à 1500 euros par mois (sans précision de la date à laquelle doit intervenir cette hausse),
- une allocation d’autonomie pour les jeunes et d’entrée dans la vie active (en contrepartie d’études sérieuses),
- une hausse des retraites de 5% et leur mensualisation,
- la construction de 120000 logements sociaux,
- la mise en place d’un service public de la caution,
- l’instauration d’une surtaxe des locaux inoccupés depuis 2 ans,
- la possibilité donnée aux communes d’acquisition/réquisition, l’obligation de fournir à un jeune au chômage depuis 6 mois une formation et un emploi,
- la création de 500 000 « emplois tremplin » pour les jeunes,
- le droit pour chaque jeune, à sa majorité, à un prêt gratuit de 10 000 euros pour « construire un projet de vie. »,
- la création d’une sécurité sociale professionnelle, permettant au chômeur de toucher 90% de son ancien salaire en échange d’une recherche active d’emploi (la durée de versement de l’allocation n’est pas précisée),
-l’encouragement du passage du RMI au travail par la création d’un « revenu de solidarité active » garantissant le maintien des aides pour que le travail paie davantage que le RMI.
On peut, même si certaines précisions seraient nécessaires, souscrire à quelques-unes de ces mesures (construction de logements sociaux, service public de la caution, revenu de solidarité active), néanmoins la plupart d’entre elles me paraissent néfastes.
Prenons le cas de la hausse du smic à 1500 euros : si cette hausse doit intervenir à la fin de la mandature, ce n’est qu’un effet d’annonce, puisque l’augmentation régulière du smic telle qu’elle est pratiquée depuis 2002 conduirait à ce montant. Si la hausse doit en revanche avoir lieu plus tôt, outre qu’une telle mesure sera coûteuse pour les entreprises et ne facilitera pas la création d’emplois, elle produira un tassement des salaires : le salaire brut du certifié en début de carrière, par exemple, est d’environ 1600 euros. On ne peut pas payer quasiment autant les emplois qualifiés et non qualifiés sans faire naître un découragement chez tous ceux qui ont choisi des études longues. La hausse du smic doit être portée par la création de richesse et non simplement se décréter.
Le pouvoir d’achat garanti pour la vie me paraît une aberration, car c’est un chèque en blanc qui est signé là par la candidate socialiste. Cette dernière s’est d’ailleurs gardée de préciser à quelle catégorie de population serait reconnu ce droit. L’Etat ne peut s’engager par avance à augmenter les salaires et les retraites en fonction de l’inflation sans savoir s’il aura toujours le moyen de payer. Ce système encouragerait d’ailleurs une inflation des prix, les entreprises sachant que l’Etat corrigerait la hausse des prix par celle des salaires. Les salariés du privé non smicards seraient enfin les premières victimes d’une telle mesure puisque l’Etat ne pourrait pas intervenir pour fixer leur salaire.
Je m’étonne que S. Royal ait pu parler d’augmenter immédiatement les retraites de 5% sans évoquer une seule fois le problème du financement des retraites. Elle ne se prononce pas sur l’éventuelle hausse de la durée de cotisation ou sur la réforme des régimes spéciaux. (elle ne souffle pas un mot non plus des 35 heures).
Si la création d’une sécurité sociale professionnelle est intéressante, financer, sans précision de durée, une allocation chômage à 90% du salaire paraît utopique. Plus loin dans son discours, S. Royal a précisé que la sécurité sociale professionnelle « serait financée par des aides à l’emploi mieux ciblées ». La formule est selon moi trop vague pour être réellement convaincante.
Les mesures en faveur des jeunes, loin de les pousser à l’autonomie, auront pour effet de les installer dans la spirale de l’assistanat. Il est déraisonnable, et pas seulement coûteux, de proposer « une allocation d’autonomie pour les jeunes » simplement parce qu’on est jeune et qu’on fait des études. D’une part, sans obligation de réussite des études en contrepartie du maintien de l’allocation, ce système n’incitera pas les étudiants à travailler et réussir leurs études. Ensuite, il serait beaucoup plus intelligent de développer les bourses au mérite et de faciliter le travail des étudiants, seule clé de la véritable autonomie (par exemple, comme le suggère N. Sarkozy, en permettant le cumul d’une bourse et d’un emploi, et en ne comptant pas les revenus du travail d’un étudiant dans l’attribution des bourses sur critères sociaux). L’obligation de fournir un travail aux jeunes aux chômage depuis 6 mois sera une mesure extrêmement coûteuse : au lieu d’inciter les entreprises à recruter des jeunes (par des baisses de charge, par exemple, ou par une participation de l’Etat au coût de sa formation professionnelle), c’est l’Etat lui-même qui sera obligé d’embaucher des jeunes a ses frais : 500 000 emplois tremplins, tel est l’objectif de S. Royal. Heureusement qu’à ses yeux la dette de la France est une question centrale ! Le droit, enfin, à un prêt gratuit de 10 000 euros pour tout jeune de 18 ans pour « construire un projet de vie » me paraît tout à fait dangereux et déresponsabilisant : que faut-il entendre par l’expression très vague « construire un projet de vie », sinon que le jeune pourra emprunter sans avoir à rendre compte des motivations de son emprunt ? Laisser un jeune de 18 ans emprunter une telle somme pour le seul motif qu’il est jeune, c’est prendre le risque de le laisser hypothéquer son avenir dans un projet hasardeux.
Enfin, certaines mesures pour le logement proposées par S. Royal, loin de chercher à rassembler les Français, à mettre d’accord locataires et propriétaires, prennent clairement le parti des locataires contre les propriétaires. « Surtaxer les locaux qui sont inoccupés depuis deux ans », c’est moins inciter un propriétaire à louer son bien que le punir une seconde fois de n’avoir pas trouver de locataire solvable. Comme si le propriétaire n’avait pas besoin, lui, de son loyer ! Quant à la « possibilité donnée aux communes d’acquisition/réquisition », c’est une mesure très inquiétante qui montre bien l’autoritarisme qui se cache derrière la gentille apparence de la candidate. Elle ne précise pas de quel type de réquisition il pourrait s’agir (et on peut en ce cas imaginer le pire), mais c’est évidemment une atteinte au droit de propriété.
Sans exagérer, je crois pouvoir affirmer que tout ce volet économique et social est le reflet d’une démagogie extrême qui vise, par un chèque en blanc, à enfiler des apparences de cadeaux au peuple comme les perles sur un collier, sans évoquer un instant de façon sérieuse le financement de telles mesures. Pire, ce projet instaure une forme d’infantilisation du peuple et plus particulièrement de la jeunesse.
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