Je poursuis mon compte-rendu du dicours de S. Royal à Villepinte :
2) éducation :
Ségolène Royal a voulu faire de l’éducation l’un des piliers de son programme : « encore l’éducation, toujours l’éducation », s’exclame-t-elle. Son discours a d’abord cherché a gommé la mauvaise image qu’avait donnée d’elle dans le corps enseignant la fameuse vidéo pirate dans laquelle elle préconisait les 35 heures au collège. Ainsi affirme-t-elle cette fois avoir « entendu le message des enseignants [...] face aux violences, face aux coupes sombres dans les budgets, face à la baisse du pouvoir d’achat. » « Votre place sera mieux reconnue, votre formation améliorée », poursuit-elle. Les enseignants doivent, selon elle, pouvoir travailler en groupe et ne pas « craindre les inspections un peu trop rigides ».
C’est là, dans son volet éducation, tout ce que S. Royal dit aux enseignants : il s’agit donc seulement d’un discours de bonnes intentions, accompagné d’absolument aucune proposition concrète. Que signifie concrètement « votre place sera mieux reconnue » ? En quoi la formation des enseignants sera-t-elle améliorée ? Cette dernière question est très importante, car on aimerait connaître le positionnement du PS sur les iufm et la pratique pédagogique des enseignants. Par travail de groupe entend-elle des tâches supplémentaires qui devront s’ajouter au travail habituel des enseignants ou bien une nouvelle façon d’enseigner, faisant davantage place à l’interdisciplinarité ? A moins qu’il ne s’agisse simplement d’un travail de groupe d’ordre administratif ? Enfin, que signifie « ne pas craindre les inspections un peu trop rigides » ? Les enseignants seront-ils toujours évalués de la même manière ?
Le discours de S. Royal est donc resté très vague : la candidate se contente de dépeindre ce que pourrait être une Education Nationale idéale pour les enseignants : plus de violence, plus de coupe budgétaire, plus de baisse du pouvoir d’achat, plus de crainte des inspecteurs, un métier mieux reconnu. Bref, tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes. Madame Royal donne d’elle davantage l’image d’une maman qui souhaite rassurer – finie la crainte du méchant inspecteur ! - que d’une candidate munie d’un véritable projet.
Au-delà du discours adressé aux enseignants eux-mêmes, un certain nombres de propositions pour l’éducation ont été avancées par S. Royal :
- l’obligation scolaire dès trois ans,
- le droit pour les enfants handicapés de s’inscrire à l’école,
- le soutien scolaire gratuit dans les quartiers et les écoles grâce à la formation d’un « nouveau corps de répétition »,
- le redécoupage de la carte scolaire pour facilité l’hétérogénéité sociale,
- la limitation du nombre d’élèves dans les collèges à 600,
- la création d’un nouveau métier pour la discipline scolaire et le sport,
- la création « d’emplois parents » dans les quartiers.
Si l’inscription des enfants handicapés dans les écoles dites « normales »me semble plutôt une bonne chose (N. Sarkozy avait d’ailleurs déjà fait une proposition équivalente), le reste du projet de S. Royal et du PS me paraît très contestable. Je ne m’attarderai pas sur les « emplois parents » dans la mesure où je n’ai absolument pas compris la réalité qui se cache derrière cette expression. Peut-être n’ai-je pas été suffisamment attentif, ou bien peut-être S. Royal n’a-t-elle pas été suffisamment claire ?
L’obligation scolaire dès trois ans me paraît doublement condamnable : d’une part cette mesure sera très coûteuse et j’imagine qu’il faudra engager de nouveaux enseignants, construire de nouvelles classes, alors que cette obligation nouvelle ne présente aucun intérêt : bien plus, elle réduit de façon autoritaire et sans concertation la liberté des parents, qui ne souhaitent certainement pas tous envoyer à l’école leur enfant si tôt.
La création d’ « un nouveau corps de répétition » pour le soutien scolaire est là encore une mesure coûteuse ; on aimerait en savoir plus sur le recrutement de ce nouveau corps : les répétiteurs seront-ils une nouvelle catégorie de fonctionnaires ? Par ailleurs, le soutien scolaire ne peut pas être la véritable solution aux difficultés de l’Education Nationale, car il vaudrait mieux s’intéresser aux causes de l’échec scolaire plutôt que d’en mesurer simplement les effets et proposer un replâtrage par du soutien scolaire. La baisse de niveau des élèves n’est pas due uniquement au délitement de certaines familles : il faut poser la question de l’enseignement scolaire et plus particulièrement de la pédagogie. Les réformes de l’enseignement de la lecture, de la grammaire, des mathématiques engagées par G. de Robien procèdent, par exemple, d’une logique bien plus intelligente et efficace que celle qui consiste à proposer du soutien scolaire dès que les élèves sont en difficulté.
La réforme de la carte scolaire telle qu’elle est proposée par S. Royal me paraît néfaste et utopique. La carte scolaire d’aujourd’hui ne permettant plus la mixité sociale, elle propose un nouveau découpage. L’intention est sans doute bonne, mais la mesure est liberticide : elle obligera de nombreuses familles à envoyer leurs enfants dans des écoles très éloignées de chez eux. De plus, le problème du contournement de la carte scolaire par de nombreuses familles ne sera pas réglé pour autant. Une fois de plus, seuls les plus privilégiés, parce qu’ils auront de l’argent ou des relations, pourront s’inscrirent où ils le souhaitent. Seule la suppression à terme de la carte scolaire peut permettre d’allier hétérogénéité sociale et liberté individuelle.
Dans le même ordre idée, la limitation du nombre d’élèves à 600 dans les collèges est une absurdité. Ce redécoupage des établissements obligera de nombreuses familles à envoyer leurs enfants loin de chez elles. Par ailleurs, S. Royal fait erreur, en croyant qu’il y a obligatoirement un rapport de cause à effet entre le nombre d’élèves et la violence. Il peut y avoir des violences dans un collège de trois cents élèves et ne pas y en avoir dans un collège qui en compte huit cents. Il faudrait raisonner au cas par cas et non avoir une vision abstraite de l’éducation.
Enfin la création d’un nouveau métier pour la discipline scolaire et le sport prête à sourire. Quel est le sens de ce nouveau métier qui mélange les attributions de métiers déjà existant : CPE et surveillants pour la discipline, professeurs d’EPS pour le sport ?
Promesses vagues et propositions concrètes coûteuses, inutiles voire néfastes, c’est ainsi que je qualifierais le programme de S. Royal et du PS pour l’éducation.