A propos de Cass. Com. 24 septembre 2013, Pourvoi n°12-14344
La clause qui exige la présence sur le lieu de vente d’un diplômé en pharmacie pendant toute l’amplitude horaire d’ouverture pour la commercialisation de produits dermo-cosmétiques a un caractère disproportionné et est, en conséquence, illicite au regard des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce.
En l’espèce, l’affaire concernait des parapharmacies en Martinique qui, après avoir reçu l’agrément pour distribuer des produits cosmétiques de différentes marques du Groupe Pierre Fabre, se sont vues retirer leur agrément pour non-respect des conditions générales de distribution et de vente qui imposaient pour la vente desdits produits cosmétiques le conseil d’un diplômé en pharmacie physiquement présent sur le lieu de vente de manière permanente pendant toute l’amplitude horaire d’ouverture.
Les distributeurs évincés ne s’en laissèrent pas compter et assignèrent les différentes sociétés du Groupe Pierre Fabre aux fins de voir constater la nullité de la clause invoquée par ces dernières, pour obtenir réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive de leurs relations commerciales et pour voir ordonner la reprise de ces relations.
Les juges du fond donnèrent raison aux parapharmacies, raison du pourvoi en cassation formé par les sociétés du Groupe Pierre Fabre.
Ces dernières estimaient en effet que la Cour d’appel aurait dû faire application de la loi des parties et constater que deux parapharmacies avaient en commun un seul pharmacien diplômé rendant impossible le respect de la clause qui prévoyait l’obligation pour chacune d’elle d’avoir un diplômé en pharmacie physiquement présent sur le lieu de vente de manière permanente pendant toute l’amplitude horaire d’ouverture. En outre, selon elles, cette exigence contractuelle ne portait pas atteinte à la concurrence et n’avait pas pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.
La Cour de Cassation rejette le pourvoi en s’appuyant sur l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 13 octobre 2011 (Affaire C 439/09) qui a dit pour droit qu’une clause contractuelle, dans le cadre d’un système de distribution sélective, exigeant que les ventes de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle soient effectuées dans un espace physique en présence obligatoire d’un pharmacien diplômé, ayant pour conséquence l’interdiction de l’utilisation d’internet pour ces ventes, constitue une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, sous réserve de vérification concrète de l’absence de justification objective d’une telle clause.
En l’espèce, considérant que « les produits dermo-cosmétiques n’entrent pas dans le monopole des pharmaciens, qu’il n’est pas établi que les produits objets du litige nécessitent sur le plan de la santé des utilisateurs des conseils particuliers et que le conseil d’utilisation sollicité le cas échéant par le consommateur peut être dispensé par toute personne ayant bénéficié d’une formation adéquate, en dermatologie ou cosmétologie par exemple », la Cour en déduit qu’en ce qu’elle exige la présence sur le lieu de vente d’un diplômé en pharmacie, la clause litigieuse a un caractère disproportionné et est par conséquent illicite.
Les vendeurs de produits dermato-cosmétologiques peuvent se réjouir de cette décision de la cour de cassation qui va dans le sens de la libéralisation de ce type de produits en ligne, telle qu’amorcée par la CJUE. A contrario, les fabricants de tels produits voient leurs moyens juridiques de restreindre ces ventes s’étioler encore un peu plus.