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Les médias de la Bible

Publié le 10 octobre 2013 par Fmariet

Pierre Monat, Histoire profane de la Bible. Origines, transmission et rayonnement du Livre saint, Paris, Perrrin, 304 p., Bibliogr. 22 €
Les médias de la Bible
Cet ouvrage n'a pas d'ambition religieuse : il vise essentiellement l'histoire d'un ensemble de textes rassemblés diversement, à diverses époques, sous le nom de Bible. TaNaK, Ancien Testament, Nouveau Testament, Pentatheuque... De quel(s) texte(s) s'agit-il lorqu'il est question de la Bible ? Derrière ce terme unique se cachent des œuvres différentes variant selon les contenus réunis, les langues d'origine, les traductions... L'ambition de Pierre Monat est de montrer et expliquer ces différences. L'enjeu de ces variations est souvent d'ordre confessionnel mais aussi profane : les textes qui forment les "Bibles" nourissent depuis des siècles les cultures occidentales, religieuses, certes, mais laïques aussi : elles constituent un ensemble commun de références partagées, d'images, de sentences, de formules, de proverbes, de maximes, etc. Car tout le monde pense et s'exprime avec ou contre la Bible, souvent sans le savoir.
"De quelle Bible parlons-nous", demande d'emblée l'auteur. Ajoutons : quelle bible lisons-nous ? La fameuse Septante (traduction de l'hébreu en grec, Alexandrie, vers 260 avant J-C), la Bible d'Erasme (grec et latin, 1516), celle de Lefèvre d'Etaple en français (1523), la Bible de Luther (1545) dont on dit qu'elle a formé la langue allemande, la Vulgate traduite de l'hébreu (veritas hebraica) et du grec en latin, par Jérôme, les "bibles" juives, les bibles chrétiennes (ancien et nouveau testaments avec les Epîtres de Paul et les Evangiles qui annoncent Jésus) où divergent catholiques, protestants et églises d'Orient avant que ne s'instaure, récent, un certain œcuménisme. Tout d'abord donc un problème de textes... Malgré tout le talent de Pierre Monat, il est bien difficile de ne pas s'y perdre.
Pierre Monat rappelle combien la dimension matérielle de l'édition a été déterminante à chaque étape de la "construction" de la Bible (des bibles). Comme pour tous les textes anciens, le passage de l'oral à l'écrit, du rouleau de papyrus au parchemin (codex), à l'imprimerie, chaque étape technologique affecte le texte. Le travail de copistes, des correcteurs, le travail des traducteurs au fur et à mesure du passage de l'hébreu et du grec aux langues modernes, affectent également le texte. De plus, l'élaboration des textes bibliques a été scandée par la découverte de documents plus anciens, de références les plus sûres (cf. les rouleaux de Qumrân en hébreu, araméen et grec datant du 3ème siècle avant notre ère), par les mouvements culturels (la Renaissance), par les intrusions politiques des rois, des empereurs et des papes qui prétendaient confisquer un texte à leur convenance.
S'y ajoutent la difficulté de déchiffrer des documents calligraphiés en onciale, sans espace entre les noms, avec des abréviations, sans ponctuation. L'imprimerie transformera l'économie et la technologie de la Bible : elle permettra le réalisation de bibles polyglottes (suivant le principe de l'Hexaples d'Origène), l'incorporation de commentaires dans les éditions, puis la multiplication des bibles en langues vernaculaires, longtemps interdites par certaines autorités religieuses : il faut que tout le monde puisse lire la bible, y compris les femmes. Certains traducteurs, comme Henri Meschonic, essaient de dégager la langue de la bible de la gangue accumulée dans des traductions "effaçantes", de la "déshelléniser" (voire "débondieuser") en collant de plus près à l'hébreu, à son rythme, sa prosodie, et en privilégiant une terminologie laïque.
L'ouvrage de Pierre Monat fait percevoir la difficulté d'une science des textes bibliques. L'exégèse historico-critique contemporaine redonne de la rigueur à l'élaboration du texte (ecdoticiens, linguistes), elle distingue l'approche historique de l'interprétation théologique et confessionnelle et invite à des lectures toujours inachevées, prudentes et, nécessairement, toujours actuelles. Lire la bible est un art vivant.
Bibliographie :
Ajoutons quelques traductions à la bibliographie de Pierre Monat, en nous en tenant aux cinq premiers livres (Pentateuque).
  • Die Schrift de Martin Buber et Franz Rosenzweig. Ce n'est pas exactement une traduction : les auteurs ont rendu le texte en allemand : "verdeutscht"), Deutsche BibelGesellschaft, Stuttgart, 1954
  • Die Tora nach der Übersetzung von Moses Mendelsohn, 2001, Jüdische Verlagsanstalt Berlin
  • Jacob ben Isaac Achkenazi de Janow, Le Commentaire sur la Torah- Tseenah ureenah, Traduit du yidich par Jean Baumgarten, Paris, Verdier Poche, 1987
  • Etz Hayim, Torah and commentary, New York, 2001 (bilingue hébreu / anglais). Il existe une édition de "poche" (Travel Size Edition)
  • La Voix de la Thora, commentaire du Pentateuque, par Elie Munk, Paris, 1992
Pour les savants polyglottes, rappelons le site recommandé par Pierre Monat : Lexilogos.


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