La saison de l’AC Milan a très mal commencé. Ce qui est visible, ce sont les prestations et les résultats. Mais l’origine du problème se situe probablement au niveau du projet et de la programmation. Et pour qu’un projet soit une réussite, tous les éléments du club doivent fonctionner parfaitement, sans aucune faille. Avec un président qui apporte de l’enthousiasme, des dirigeants à son service, un entraineur qui son projet technique et tactique, la société qui le soutient à travers un mercato ciblé et adéquat sans oublier un staff technique qui prépare bien les joueurs…
A Milan, cet été il est arrivé tout le contraire. Berlusconi est un président constamment absent, trop occupé par d’autres affaires. Cette seule absence transforme l’AC Milan en un navire sans commandant. A la dérive. Néanmoins, il revient de temps en temps donner quelques directives sans savoir ce qui se passe sur son paquebot. Pensant certainement bien faire, cela ne fait que créer de la confusion. Cet été, Berlusconi voulait changer d’entraineur : il ne voulait plus d’Allegri. A l’inverse, Galliani voulait absolument le confirmer. D’abord car il n’y avait pas d’alternatives (selon la vision très fermée milaniste). Ensuite, car les finances ne permettaient pas de renvoyer Allegri, lui payer son salaire pour sa dernière année de contrat tout en payant le nouvel entraineur.
Ayant repris contact avec la réalité du terrain, Berlusconi a confirmé Allegri , très visiblement sans conviction. Et dans ces conditions, le club prenait déjà une mauvaise direction. Ne pouvant pas choisir un entraineur qu’il lui convient, Berlusconi a donné une directive tactique : il a décidé que Milan devait changer de tactique, abandonner le 4-3-3 au profit du 4-3-1-2 sans réelles motivations valables, si ce n’est son désir de voir El Shaarawy (pourtant meilleur comme externe de 4-3-3) plus près du but et en duo avec Balotelli. Cependant, Milan n’avait pas l’effectif adapté à cette tactique. Entre les désirs du 4-3-1-2 mais un effectif adapté au 4-3-3, la confusion a régné tout l’été. Quelle allait être la tactique de Milan?
Avec le mercato bloqué par l’incapacité de vendre, Allegri a du préparer la nouvelle saison (et surtout les playoff de Champions League) avec pratiquement le même effectif que la saison passée (avec comme seule différence Poli à la place de Flamini). Sans savoir ce que le mercato lui réserverait par la suite, il a opté pour la continuité : le 4-3-3. Ce n’est qu’après la qualification en Champions League que le mercato s’est débloqué et a modifié l’effectif pour évoluer en 4-3-1-2 (Boateng out, Kakà et Matri in). Sans toutefois régler les problèmes bien plus urgents en défense et au milieu. C’est là qu’on se rend compte que l’été a été chaotique. Avant même d’entrer sur le terrain, Milan était condamné…
C’était sans compter sur la malchance mais aussi probablement une mauvaise préparation, qui ont respectivement provoqués les blessures traumatiques et celles musculaires. Avec des remplaçants pas à la hauteur, la situation n’a fait que s’aggraver et aujourd’hui, la saison de l’AC Milan est déjà sérieusement compromise. Rapidement distancés au classement, les Rossoneri ne peuvent plus qu’espérer en une remontée miraculeuse pour arracher la 3° place, répétant le même scénario que la saison passée, sans aucun espoir d’améliorer les résultats… Quoi qu’il en soit, au mois d’octobre on sait déjà que la saison de Milan restera un échec, et ce, même en cas de 3° place arrachée in extremis car cela signifie que les résultats ne progressent pas.
Après la révolution de 2012, peu à peu, une base solide s’était formée grâce à une tactique adaptée à l’effectif et des joueurs en progression. Cet été on s’attendait à la continuité et à quelques renforts ciblés pour encore améliorer les résultats d’une équipe qui n’avait perdu qu’un seul de ces 19 derniers matches de championnat. Mais sans une raison valable, claire et précise, il a été décidé de nouveau tout changer et recommencer avec une autre tactique sans pour autant disposer d’aucun milieu offensif de rôle.
Premier effet collatéral, le cas El Shaarawy qui a tenu en haleine les tifosi tout l’été (et encore maintenant). Mais la plus grave conséquence est d’avoir une équipe qui évolue dans une tactique d’une autre époque, plus adaptée au football actuel face à des adversaires qui ont constamment 5 milieux de terrain (en 3-5-2 ou le 4-3-3 et le 4-2-3-1 en phase défensive qui deviennent un 4-5-1). La grande majorité des équipes évoluent avec un seul attaquant de rôle et des éléments offensifs qui renforcent le milieu et le lien avec l’attaque. Berlusconi, lui, veut deux attaquants près du but. Allegri répond que l’équipe doit défendre à 9 et pas à 8 : ainsi, le milieu offensif doit jouer plus bas et les attaquants sont isolés. En attendant Kakà, joueur-clé qui devait (et doit) transformer Milan. D’une manière générale, le 4-3-1-2 fonctionne uniquement avec les latéraux qui alternent parfaitement phase défensive et offensive, une ligne médiane remplie de qualité et un excellent milieu offensif. Milan ne possède pas tous ces éléments, à cause de blessures mais aussi de l’effectif mal construit.
Plus grave que le changement tactique, il y a le mercato. Milan est obstiné par les attaquants. Le club investit uniquement dans ce secteur, qui certes, vend plus de maillots mais ne règle pas les problèmes défensifs d’une équipe qui a encaissé 13 buts en 7 matches : seuls Sassuolo (dernier) et Bologna (avant dernier) ont fait pire en Serie A. Soit, Milan a une défense de Serie B. Les dirigeants peuvent bien se remettre en question et penser aux erreurs commises cet été entre changement tactique et mercato. Et ils commencent à réagir : l’arrivée de Rami (dans les prochains jours) est un signe positif mais c’est également un aveu de faiblesse : les dirigeants auraient mieux fait d’écouter les conseils des tifosi qui préféraient des renforts défense et au milieu plutôt qu’en attaque. Aujourd’hui le club le paie cher et si les dirigeants ont réagi en octobre, il faudra attendre janvier pour rectifier le tir, lorsqu’il sera probablement trop tard…
Mais ce qui est le plus douloureux pour les tifosi, c’est de voir Milan devenir une équipe moyenne, non seulement en Europe mais aussi en Italie où le dernier objectif possible après seulement 7 journées semble être l’Europa League, la coupe européenne de serie B. L’AC Milan de Berlusconi est clairement considéré comme inférieur aux meilleures équipes italiennes. Le club le plus titré du monde est tombé bien bas. La trêve internationale et le retour des blessés changera probablement le visage de Milan mais actuellement il ne reste que la sensation d’infériorité face aux adversaires plus compétitifs. Cette saison, déjà face à Napoli et Juventus, l’excitation et l’enthousiasme d’affronter les grandes équipes lors des grandes affiches s’est transformé en peur, voire en résignation : on sait que la défaite est assurée, il ne reste plus qu’à espérer que le score ne soit pas trop large. Triste.
Milan ne fait plus peur à personne, sans jeu, vidé de sa mentalité de compétiteur qui ne s’était jamais perdue, même dans les moments les plus difficiles des 27 ans de gestion Berlusconi. Les lacunes de cette équipe sont tellement visibles et connues que même les petites équipes affrontent Milan avec la conscience d’avoir toutes leurs chances d’obtenir un bon résultat. Elles voient en Milan un bon adversaire pour obtenir un résultat de prestige, sachant que du grand Milan, il ne reste que le nom. La défense a des problèmes chroniques de concentration et au milieu il manque cruellement de qualité depuis trois ans. Trop de joueurs indignes de porter ce maillot sont présents dans l’effectif et commettent de graves erreurs individuelles. Et à force d’engager des joueurs en conflit avec leur club (souvent des caractères difficiles), les débordements se succèdent et affaiblissent l’équipe : Balotelli, ensuite Mexès mais on avait aussi eu droit à Muntari, Constant et Balotelli (j’en oublie?) la saison passée… Milan ne peut pas continuer comme ça. Quand le cauchemar s’arrêtera-t-il? Le retour des blessés suffira-t-il pour au moins sauver la face et voir un Milan plus convenable? Et surtout, pourrons-nous un jour revoir le vrai grand Milan AC?