Tragédie lyrique en trois actes
Musique de Christophe Willibald Gluck (1776)
Première création de la saison à l'Opéra de Paris, Alceste de Gluck est une œuvre sobre et sophistiquée, noire mais moderne. Le début d'une longue série pour Olivier Py qui enchaînera avec Aïda de Verdi et le Dialogue des Carmélites.
Il y a des actions si belles que même les dieux en tombent des nues. C'est le cas d'Alceste au sacrifice si sublime que toutes ces vieilles vanités pourraient en avoir l'œil humide. Pour rendre une histoire aussi folle aussi « démesurée » pour comprendre cette catabase effroyable, Olivier Py a usé des armes de la poésie et sans doute cela déplaira-t-il à beaucoup qui ne verront dans sa démarche qu'abstraction formelle et vacuité intellectuelle. Pourtant ,quoi de mieux que l 'éphèmère d'un tableau noir, pour exprimer l'Ananké, le destin implacable, le temps qui passe ou la musique qui sauve ... Quoi de mieux pour signifier l'évanescence des choses et faire en sorte qu'une méditation sur la mort ne soit trop empreinte de souffrance... C'est bien le moindre qu'on puisse attendre du chrétien Olivier Py qui prend le risque de mettre en parenthèse l'éternité , de la brader pour la fugacité des êtres et nous faire échapper à une danse baroquement macabre .
Car sa méditation sur la mort , le tableau noir où cinq dessinateurs tracent à la craie des figures de la camarde est une manière de mémento mori apaisé, où celle-ci apparaît dans des choses qui ne sont pas forcément morbides, comme un dessin qui s'estompe, une bougie qui s'éteint. La vraie vie est-elle donc un songe à ce point?
Méditer la mort
Heureusement tous les dieux ne se réjouissent pas forcément du spectacle des humains jetés aux enfers. Un Hercule d'opéra bouffe (Franck Ferrari) sauvera Alceste, femme d'Admète sacrifiée volontaire du séjour infernal où la pousse un Apollon échangeur d'âmes. Christophe Willibald Gluck en son temps voulait resserrer l'histoire et ses librettistes parvinrent à une épure qui n'autorisait aucun cabotinage.
L'exquise simplicité d'Alceste est ici traduite dans la pureté voulue par ses auteurs.
Yann Beuron , Admète magnifique d'élégance et de sobriété rappelle qu'on a échappé à Roberto Alagna qui a renoncé au rôle préférant quelque plateau télévisuel, autre catabase.
Musicalement l'autodidacte Gluck ne cède rien. Calzabigi son librettiste et complice a théorisé le renouveau. Secousses et effroi dès l'ouverture. Récitatifs réduits à la portion congrue. Passages merveilleux comme ce « Divinités du Styx » immortalisé par Callas(elle, a rencontré l'éternité), et que Sophie Koch au registre plus grave remplit de quelque nouveau souffle pour l'instant un peu court mais qui provoque une neuve et violente émotion. Question de diapason !
C'est qu'Alceste n'est pas une œuvre racoleuse. Une œuvre qui suscite une émotion immédiate. Laissons donc un peu de temps à Marc Minkowski et aux musiciens du Louvre de ce qui est déjà un très beau spectacle avec de jeunes chanteurs remarquables issus du sérail de l'atelier Lyrique de l'opéra comme Marie-Adeline Henry, Stanislas de Barbeyrac ou Florian Sempay. A noter la grave sûre de François Lis (« Caron t'appelle »)...et aussi la présence étonnante du baryton canadien Jean-François Lapointe émissaire d'un Apollon bien peu apollinien dont la prestance et la distinction séduisent au plus fort de la noirceur.
Direction musicale Marc Minkowski Musique de Christoph Willibald Gluck(1714-1787)Yann Beuron Admète
Sophie Koch Alceste
Jean-François Lapointe Le Grand Prêtre d'Apollon
Stanislas de Barbeyrac Evandre/soli ténor
Florian Sempey Un Hérault d'armes, Apollon
Franck Ferrari Hercule
Marie-Adeline Henry Coryphée / soli
soprano François Lis L'Oracle,
Un Dieu infernalBertrand Dazin Soli altoChoeur et Orchestre des musiciens du Louvre Grenoble
A l'Opéra Garnier jusqu'au 4 octobre 2013.