Je suis heureux de recevoir aujourd’hui Edouard Franc. Edouard va nous parler d’un instrument de musique qu’il pratique avec passion et érudition : la trompe de chasse.
Comment es-tu devenu joueur, pardon, sonneur, de trompe de chasse ?
Ma famille compte plusieurs veneurs (qui pratique la chasse à courre – Note d’Hilaire). Tout petit, j’ai donc feuilleté de nombreux livres de chasse et écouté de vieux enregistrements de fanfares. Je suis tombé sous le charme et n’en suis pas sorti ! Comme beaucoup de sonneurs, j’ai commencé à travailler seul puis ai pu progresser à l’occasion de stages, toujours très formateurs car on y apprend non seulement la technique mais aussi à sonner ensemble, ce qui est essentiel pour cet instrument. Au gré de mes affectations universitaires puis professionnelles, j’ai à chaque fois intégré un ensemble, y compris dans des villes comme Aurillac ou Gien. J’y passe désormais beaucoup de temps ; en revanche, la trompe de chasse reste un instrument d’amateurs : il n’y a pas de professionnels au sens de profession, d’ailleurs les coureurs de cachets ne sont pas très bien vus dans le milieu.
Dans « Trompe de chasse », il y a le mot « chasse » (intelligent comme remarque, n’est-ce pas ?), quels sont les rapports entre ton instrument et la vénerie ?
Il y a également d’autres compositions : outre le Cérémonial de la vénerie, on compte de nombreuses messes de Saint-Hubert, des fanfares d’équipage, des fanfares de famille, des fanfares dites « de fantaisie », créées pour une occasion spécifique… Le répertoire s’enrichit toujours et des sonneurs comme Hubert Heinrich ou Benoît Garnier, le meilleur sonneur actuel, écrivent régulièrement de nouvelles pièces. Enfin, une partie du répertoire classique a été adaptée pour la trompe, souvent accompagnée par l’orgue, ces deux instruments puissants et à vent se mariant bien.
Le répertoire date du XVIIIème siècle, mais les instruments ?
Sous l’ancien régime, les peintures et gravures de l’époque le montrent bien, on sonnait de la trompe dite « Dampierre », de grand diamètre, à deux tours et demi : il ne fallait pas s’emmêler la plume du grand chapeau… Au XIXème siècle, la chapeau se déplume et le diamètre des trompes se raccourcit ; la trompe actuelle est née, de même taille que la Dampierre (4.545 mètres) mais sur trois tours et demi, accordée en ré (contrairement au cor de chasse, accordé le plus souvent en mi bémol). Il existe d’autres types de trompe comme la trompe Maricourt, aux tours serrés ou la Lorraine au pavillon étroit ; mais ces trompes sont bien moins usitées.
La qualité du son vient aussi de la maîtrise du souffle et des lèvres : en effet, comme il n’y a pas de piston, les notes sont produites uniquement avec les lèvres, qui doivent donc être bien musclées (et bien entraînées – quelques semaines d’absence et c’est la catastrophe). Enfin, il y a deux grandes manière de sonner : les piqués – souffler simplement dans l’embouchure – et les tayaut – faire « couiner » l’instrument entre deux notes avec la langue. Cela s’apprend et cela se travaille sans relâche ! Par ailleurs, certaines notes sont impossibles à sortir de manière « naturelle » ; pour les sonner, on réduit la longueur du tuyau en plaçant la main dans le pavillon.
Tu parlais d’exécution en groupe, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Le sonneur sonne soit en solo (accompagné à l’orgue ou non), soit, le plus souvent, en ensemble. Les sonneurs se répartissent en deux colonnes. Le chef est devant, c’est lui qui donne le rythme, marque les attaques et les temps forts. Chaque colonne compte troix voix distinctes : les trompes de chant, les trompes de secondes puis les trompes de basses. Certains passages sont sonnés en trio (un sonneur par voix). Par ailleurs, l’ensemble peut sonner en radoux (en radouci) pour certains passages très doux, qui tranche avec la sonorité des autres trompes. En concours, on reconnaît les bons ensembles à la qualité de leur radoux, de leur rythme et de la précision d’exécution. Chaque équipage a sa tenue propre. Certains sont renommés, citons pêle-mêle : le rallye trompe des Vosges, le débuché de Paris, le Cercle Saint-Hubert Bourbon-Vendôme ou le Rallye Atlantique.
En concours ?
Oui, la Fédération Nationale, qui promeut l’instrument, organise les stages et homologue les fanfares, organise les concours. C’est assez structuré : après plusieurs mois de travail, le débutant peut tenter le brevet de sonneur classé (il faut quand même beaucoup travailler, ne serait-ce que pour apprendre les 50 fanfares réglementaires par cœur, ah oui, j’oubliais, tout se joue par cœur !). Si on réussit ce brevet, on devient sonneur de 5ème catégorie. Concours après concours, on peut arriver à la 1ère catégorie qui permet de postuler au championnat de France. Par ailleurs, il y a un championnat international qui réunit les anciens champions de France : même les champions des autres pays doivent avoir été aussi champions de France pour concourir – il faut savoir que c’est un instrument très français (plus quelques pays francophones comme la Suisse ou la Belgique). Dans le monde entier, la pratique se développe doucement, mais l’essentiel est en France, particulièrement dans les régions de chasse à courre (ouest de la France, Touraine, Loiret, Anjou…). Il y a environ 10 000 sonneurs en France, dont beaucoup de jeunes (et peu de femmes, il faut avouer que c’est instrument assez masculin). Il y a aussi des concours pour les groupes.
Le mot de la fin ? Des projets ?
Oui, un, notamment ! J’aimerai développer l’école de trompe de chasse que j’ai créée à Orléans et qui compte une bonne quinzaine d’élèves pour l’instant.
Un dernier mot : j’invite tous les lecteurs d’Artetvia à se rendre le 3 novembre 2013 à 11h30 en la cathédrale Notre-Dame de Paris pour une messe de Saint-Hubert (avec la création d’une messe pour trompe, orgue et chœur). La crème de la trompe sera présente et ce devrait être magnifique !
http://www.frtm.fr/Notre_Dame_de_Paris.html
Merci Edouard !
Quelques extraits, attention à baisser le son pour ceux qui écoutent cela au bureau au lieu de travailler, ça fait du bruit… mais c’est magique