[Critique] C’EST LA FIN

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : This is the End

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Seth Rogen, Evan Goldberg
Distribution : Seth Rogen, Jay Baruchel, James Franco, Jonah Hill, Danny McBride, Craig Robinson, Emma Watson, Jason Segel, Paul Rudd, Michael Cera, Christopher Mintz-Plasse, Rihanna, Martin Starr, Mindy Kaling, Kevin Hart, Aziz Ansari…
Genre : Comédie/Fantastique
Date de sortie : 9 octobre 2013

Le Pitch :
Alors qu’il vient d’atterrir à Los Angeles, pour voir son meilleur ami Seth Rogen, Jay Baruchel est contraint d’accompagner ce dernier à une fête donnée par James Franco. Sur-place, Jay doit composer avec les amis de Seth Rogen avec lesquels il ne s’entend pas forcément. Cependant, son malaise n’est rien face au choc provoqué par un cataclysme soudain, qui transforme Hollywood en véritable brasier. Alors que de nombreuses victimes, dont certaines très célèbres, sont à déplorer, Jay Baruchel, Seth Rogen, Craig Robinson, James Franco, Jonah Hill et Danny McBride sont prisonniers de la luxueuse demeure de Franco, bien obligés de faire face comme ils le peuvent à l’Apocalypse…

La Critique :
Il y a comédie et comédie. C’est la Fin est une comédie, mais pas n’importe laquelle. C’est la Fin est une grande comédie. Un comédie qui fait rire (c’est la moindre des choses) mais qui recèle de tellement de détails, qu’elle en devient instantanément culte et ô combien jubilatoire. C’est la Fin est une claque qui se hisse directement au sommet du Mont Olympe des comédies indispensables. Et comme chaque film caractérisé par une identité puissante et une succession de choix bien particuliers, C’est la Fin ne pourra pas faire l’unanimité.
En soi, aucune chance qu’il se hisse au niveau populaire d’un Mary à tout prix ou d’un American Pie, deux comédies fédératrices ayant remporté un vif succès auprès d’un public assez large. Car qui ne rigole pas devant un bon gros gags bien vulgaire ? Qui n’a pas rigolé devant Ben Stiller et son problème de braguette ? Avec C’est la Fin, ce n’est pas pareil. Définitivement pas. Ici, on pénètre directement et frontalement dans une bande de potes qui ont fait un film pour leurs fans. Avant tout, C’est la Fin est destiné à celles et ceux qui ont fait des comédies respectives des acteurs, leurs films de chevet. Les Delire Express, Supergrave et autre En Cloque : Mode d’emploi.
Non pas que le long-métrage ne puisse pas rallier de nouveaux spectateurs à ce qu’il convient d’appeler le nouveau comique américain, mais force est d’admettre que le spectacle est amené à prendre une tout autre dimension, si on a vu un maximum des titres cités plus haut. Le passage où Seth Rogen, James Franco et Danny McBride tournent à l’arrache une suite à Délire Express est un exemple flagrant. Ok, c’est très drôle, mais quand on a vu -et apprécié- Délire Express, c’est carrément dément. Et des passages comme celui-là, C’est la Fin en regorge. Des allusions plus discrètes aux citations plus flagrantes, le métrage profite de l’aspect réel conféré par le fait que tous les acteurs jouent leur propre rôle, pour ancrer le récit dans une mythologie propre, qui obéit à des codes bien particuliers. Pour résumer, C’est la Fin a toutes les chances de devenir votre nouveau film culte si vous adorez ses acteurs et que vous vous enfilez tous leurs films dès que vous en avez l’occasion.

Quelques semaines après la monstrueuse claque que fut Le Dernier Pub avant la Fin du Monde, C’est la Fin décline lui aussi l’Apocalypse à sa sauce. Cependant, rien à voir avec ces films traitant d’un même sujet qui se tirent la bourre dans les salles, à l’image de La Guerre des Boutons ou des biopics sur Coco Chanel. Bien évidemment, ici, on a affaire à un tout autre calibre, leur seul véritable point commun étant leur propension à compiler les gimmicks de deux univers distincts nés sous l’impulsion d’une bande d’amis à la fois super talentueux et la majorité du temps ultra inspirés. Et comme au fond l’humour du trio Edgar Wright/Nick Frost/Simon Pegg n’a pas grand-chose à voir avec celui de la troupe à Seth Rogen, si ce n’est leur efficacité dévastatrice et leur côté référentiel, tout va bien sous le soleil.

Excluant, C’est la Fin l’est donc un peu. C’est d’ailleurs sont seul défaut. Défaut qui n’en est pas un pour ceux qui aiment et connaissent le genre donc. Des spectateurs vernis par une œuvre en forme de mise en abîme du Hollywood Way of Life, vu à travers le prisme d’une troupe de comédiens un peu branleurs dont la principale qualité est au fond d’être comme nous. Sans connaître véritablement le mode de vie de James Franco, on a aucun mal imaginer que la version qui se bât pour survire avec ses potes dans sa luxueuse baraque et qui collectionne les objets de ses films, est un tant soit peu proche de la vérité. C’est d’ailleurs la base. Ici tout le monde joue son propre rôle et l’amitié qui unit le groupe est bel et bien authentique. Si Rihanna figure sur la liste des invités de la crémaillère de Franco, c’est certainement parce que dans la vie, ils se connaissent et s’apprécient. Même chose pour Michael Cera, Paul Rudd ou Jason Segel. C’est la Fin intervient après un bon paquet de films qui ont vu se croiser et s’entrecroiser tous ces acteurs. L’identification est rapide et aide grandement à saisir immédiatement les tenants et les aboutissants de leurs relations.

Par la suite pourtant, une fois que le cataclysme apocalyptique se produit, plongeant Hollywood dans un bain de feu et de sang et obligeant les survivants à se terrer dans la maison de James Franco, la fiction gagne du terrain, tout en jouant habilement sur les affinités des uns et des autres. C’est la que C’est la Fin devient vraiment génial. Complètement paumés et effrayés, les six protagonistes s’organisent pour faire face, tandis que leurs relations évoluent, en général dans le mauvais sens. Magnifique et pertinente allégorie de la télé-réalité d’enfermement, le film se permet même des intermèdes qui voient les acteurs parler plein fer à une caméra sur le même mode que les confessionnaux des dites-émissions. Les tensions sont alors amenées à s’accentuer, créant des situations jubilatoires et transformant progressivement Danny McBride en authentique et génial connard.
Le bougre tire diablement bien son épingle du jeu, même si au fond, tous parviennent à s’imposer sans faire de l’ombre aux autres. Merci au scénario qui soigne remarquablement bien ses acteurs, leur laissant tour à tour la possibilité d’exprimer leur patte si particulière au sein d’un tout homogène. Même Emma Watson, qui pourtant ne fait que passer, s’avère complètement à son aise dans un univers qui n’est pas le sien à la base.

Fable sur la face cachée d’Hollywood, sur les acteurs et sur l’amitié, C’est la Fin se sert de l’Apocalypse comme d’un révélateur extrême censé conduire chacun vers son destin, aussi funeste (ou pas) soit-il. Après une première partie en huis-clos, aux dialogues finement ciselés et aux nombreux clins d’œil à l’univers des acteurs présents et à la pop culture, l’action déboule. Les effets-spéciaux, jusque là discrets, aussi. En laissant présager un film qui verrait ses protagonistes en totale rupture avec l’extérieur tout du long, C’est la Fin surprend en faisant intervenir des créatures fantastiques et plongeant ses héros dans un univers dévasté par le feu, en profitant au passage pour lorgner du côté des classiques post-apocalyptiques, sans cesser de conserver cette tonalité si particulière et donc cette cohérence absolue. Soutenu par des sfx vraiment impressionnants, immersif et continuant coûte que coûte sa route vers un dénouement totalement jouissif, le film surprend.

En envisageant leur film comme une réunion de famille, Seth Rogen et Evan Goldberg se sont assurés de la totale implication et de la justesse de leurs acteurs. La complicité porte le long-métrage qui peut alors se concentrer sur la rythmique et sur les dialogues, avant de s’attaquer à la Fin du Monde proprement dite dans un déferlement pyrotechnique aux accents gores. Vulgaires, drôles et déchaînés, James Franco, Jonah Hill, Seth Rogen, Jay Baruchel, Danny McBride et Craig Robinson s’avèrent bien sûr parfaits. Pathétiques, mesquins, pleutres, méchants, cruels, mais parfaits. Anti-héros d’une comédie grandiose qui sort joyeusement des sentiers battus.

@ Gilles Rolland

Crédits photo : Sony Pictures Releasing France