Magazine Culture
Je le rappelais hier à ma chère cousine, l'année dernière, le Prix Nobel de Littérature couronnait Mo Yan. Son plus récent ouvrage traduit en français (ou presque, il y en a eu un autre depuis, en réalité) vient d'être réédité au format de poche, heureuse coïncidence.
Le veau, suivi de Le coureur de fond,
rassemble deux longues nouvelles publiées en 1998. Il ne leur manque que
l’ampleur des grands romans. Mais elles possèdent leurs qualités et la seconde
se permet même des digressions dans le temps. L’univers est celui de la
campagne dans le contexte d’un pouvoir absolu.
Le veau est particulièrement réjouissant. Luoa Han, le narrateur, est un
adolescent turbulent, « le plus
pénible du village », dit-il, prêt à tout pour se faire remarquer et
ignorant les limites qui lui éviteraient des ennuis. Il les franchit donc
souvent. Mais il n’est pas idiot, a compris comment fonctionnent les adultes et
utilise le système à son profit. L’anecdote concerne un veau aussi précoce que
lui : Double Echine, c’est le nom du veau, n’a pas attendu d’être adulte
pour grimper sur toutes les femelles du troupeau et l’oncle de Luoa Han, chef
de la brigade de production, a décidé de le faire châtrer. L’opération tourne
mal, Double Echine ne se laisse pas faire. Finalement vaincu par les hommes, il
saigne abondamment, souffre et ne guérit pas d’une blessure qui s’infecte tant
qu’il finit par en mourir, malgré une dernière tentative pour le conduire chez
le vétérinaire. La succession des événements est conditionnée à chaque instant par
la ligne officielle, jusqu’au ridicule des mensonges utilisés pour y faire
croire.
Dans Le coureur de fond, Zhu Zongren joue de malchance. Il est bossu, on
ne lui connaît aucune qualité particulière – au contraire des autres habitants
du village qui peuvent se prévaloir de quelque fait glorieux – et il a été
étiqueté « droitier ». Dans un pays communiste, il en faut moins pour
être relégué dans un lieu perdu. Pourtant, au fil du temps, grâce à
l’organisation régulière de manifestations sportives (où on pratique le lancer
de grenade !), il révèle des dons inattendus. Ils ne lui vaudront
d’ailleurs pas que des félicitations…
Ce livre bref est une
formidable porte d’entrée dans l’œuvre de Mo Yan. On y fera connaissance avec
quelques caractéristiques de son écriture libre en même temps qu’il fera
pénétrer son univers.