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Ma life d’entrepreneure

Par Vanessa | Pouzet

Mardi dernier, j’ai été invitée au ministère des droits des femmes pour rencontrer Najat Vallaud-Belkacem (la ministre herself, rien que ça).

Une rencontre, où avec 5 autres créatrices, nous avons pu lui exposer nos parcours, et nos difficultés en tant que femmes dans la création d’entreprise. L’objectif de la ministre est de mettre en place un plan de développement de l’entrepreneuriat féminin, qui couvrirait au mieux les problématiques rencontrées. Vous pouvez en savoir plus sur notre entretien ICI.

Je remercie la généreuse Nathalie Delimard qui a mis nos parcours en avant et nous a donné la parole ce jour là.

Depuis cette rencontre je ne cesse de réfléchir à l’entrepreneuriat féminin, et je me suis dit qu’une première façon de contribuer à ce projet serait de partager mon expérience sur mon blog. J’espère ainsi aider à lever les verrous psychologiques que nous pouvons avoir avant de se lancer dans l’aventure et inciter les femmes à entreprendre plus.

Ce n’est pas une surprise, « entreprendre » quand on est une femme est un parcours semé d’obstacles et de freins qui ne donnent pas toutes ses chances à l’entreprise de se développer et de réussir. Et les difficultés deviennent exponentielles à l’arrivée des enfants.

Quitte à décevoir quelques idées reçues : être femme entrepreneure ce n’est pas être une super maman et une super working-girl, le tout en même temps. Le sentiment frustrant de tout faire mal parfois, ne pas se consacrer pleinement à son travail mais ne pas se consacrer non plus à ses enfants, ses proches… peut être décourageant car ces temps se superposent trop souvent, le week-ends, les soirs, les vacances.

Mais le développement personnel que cela permet, en vaut vraiment la chandelle.

Comme nombre de femmes entrepreneures, je construis mon projet petit à petit, sans financement, sans aide, je compte sur mon travail et sur mon énergie pour que cela fonctionne.

J’ai la chance d’avoir de bonnes conditions pour me lancer, d’adorables parents fiers de moi, un mari qui met la main à la pâte, et assure la stabilité financière nécessaire pour nous loger (que ce soit à la location ou à l’achat, être à son compte est un risque que beaucoup de banques ou de propriétaires ne veulent pas courir, votre dossier passe directement en bas de pile). La chance également d’avoir des clients qui m’ont tout de suite soutenue, et surtout une grande capacité à travailler la nuit pour compléter les journées trop courtes.

Le frein dans mon cas, est la difficulté à me projeter dans la création d’entreprise, idée surréaliste. Le plan de développement de l’entreprenariat féminin propose tout un axe sur la sensibilisation, l’information, l’orientation dès le collège : concevoir l’entrepreneuriat féminin comme une voie possible, ouverte. C’est loin d’être une évidence…

Pas une fatalité pour toutes les femmes, certains sentiments négatifs reviennent tout de même souvent. Quelques uns en vrac : le poids des stéréotypes, l’image de nos mères à la maison, notre culpabilité en tant que maman, le manque de confiance en soi, le manque de crédibilité pour trouver des financements, et de toutes façons : ne surtout pas demander d’aide, se débrouiller seule (femme des années 80…), une certaine condescendance autour des loisirs créatifs (un marché pourtant en vrai développement), l’importance de l’image que l’on renvoie (“je dois être au top sur tous les fronts”), l’organisation de sa vie autour de celles des autres, ne pas faire courir de risque à sa famille, ne pas se mettre en avant… réussir sans que ça coute aux autres et le porter sur ses épaules discrètement.

Si vous les cumulez tous, la montagne doit vous sembler infranchissable.

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crédit photo ministère des droits des femmes

Alors je vous raconte mon petit parcours (Attention Spoiler) sans vous tirer les larmes non plus car je ne suis pas à plaindre ! Je suis bien consciente du fait que ce soit une chance vivre de sa passion.

J’ai toujours voulu être styliste, illustratrice, graphiste, décoratrice, designer… tout ça se rejoint sous le doux nom d’arts appliqués !

J’avais le sens créatif mais j’habitais à quelques kilomètres d’un trou perdu, premier frein à la réussite tout court, en tout cas aux études.

Diverses demandes de dérogation, toutes un échec, puis un bac général c’est toujours utile pour attendre, puis des petits boulots pour mettre de l’argent de côté afin d’obtenir facilement un crédit pour faire des études. 5 ans plus tard, j’intègre enfin une école d’arts appliqués.

Attention grosses chevilles : diplôme obtenu haut la main, mention très bien avec les félicitations du jury, première de la promo, pas de doute j’étais faite pour ça. Dommage tout ce temps perdu, dommage que l’on demande à une jeune fille de 14 ans le bagout pour casser des portes et obtenir sa place. A défaut d’être convaincante, j’ai été patiente et un peu têtue.

Un travail dès la sortie de l’école, “ouf” parce que commencer la vie active avec 5 ans de crédit, c’est un poil stressant

;-)

Quelques mois après, j’ai eu l’opportunité de me mettre en free-lance avec un revenu régulier, j’ai sauté sur l’occasion de pouvoir être libre. Je dis libre mais en fait ce mot n’a de sens que sur la période où je n’étais pas maman, ça marchait bien. Bonheur, liberté, création et cotisations urssaf faisaient bon ménage !

Une fois parent, le mot « libre » n’a de sens que pour le reste du foyer qui peut compter sur le confort de la fameuse flexibilité. Là où beaucoup y voient une chance (et je sais que vous êtes nombreux… ) moi j’y vois le pire ennemi à la réussite de mon travail. Travailler pour soi, c’est aussi comprendre d’où vient ce que l’on gagne : uniquement du fruit de son travail. Chaque journée passée à être flexible, va se payer, aujourd’hui sur le revenu et demain… attention retraite au ras des pâquerettes en vue.

Décaler son temps de travail pour des raisons familiales (et non pas pour du shopping, ça c’est un gros fantasme), cela veut dire travailler le soir, la nuit aussi, les enfants debout sur votre bureau avec un allume gaz dans chaque main… eh oui ! Les conditions de concentrations ne sont souvent pas idéales. Et en travaillant à la maison, la crédibilité pour l’entourage en prend un coup : “Ah tu travailles chez toi ? C’est COOL”. Autour de vous, les gens pensent que vous ne travaillez pas, surtout lorsqu’on conjugue travail et passion, c’est une chance et pas un travail. Pas facile de s’armer, de se sentir apte à mettre tout en œuvre pour monter le projet plus haut, quand le travail même, n’est pas reconnu.

Je ne veux pas vous assommer d’un trop long récit, parce qu’il faudrait aussi ajouter l’administratif, mais là je vais décéder si je vous en parle, je préfère garder ça pour moi, c’est trop affreux.

Aujourd’hui j’ai la patate (et hier aussi d’ailleurs)!!! J’ai envie de vous dire que c’est grâce à vous, vous qui me suivez, m’encouragez de vos messages motivants, émouvants aussi. Votre soutien a réellement crédibilisé mon travail. N’étant douée ni pour me vendre, ni même pour parler en fait (vous m’auriez vu au ministère, j’ai oublié tout ce que je voulais dire, bref ce n’était pas glorieux) mon travail n’aurait pas vu le jour et n’aurait eu aucune perspective d’évolution. Aujourd’hui, mes patrons se vendent dans plus de 60 pays, c’est incroyable (je me la pète un peu là, en fait c’est juste 61), mais je suis drôlement fière de mon travail et de ce que vous en faîtes surtout.

Maintenant, je m’en vais chercher un bureau, un lieu extérieur pour travailler sereinement, pour donner toutes ses chances de grandir à mon activité, et aussi de pouvoir embaucher. Je m’imagine bien dans un superbe atelier immense mais je crois que je vais être rattrapée par la réalité parisienne et qu’un studio m’ira très bien ! Je suis preneuse de toutes offres d’ailleurs

:-)

Merci à vous d’avoir cru en moi.

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(comme je ne savais pas comment illustrer mon article, je vous ai mis ma tête, l’œil de lynx qui sommeille en vous remarquera que je porte le même chemisier pour les grandes occasions… même pas honte)


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