Brooklyn Nine Nine est une nouvelle série diffusée depuis la mi-septembre sur les ondes de FOX aux États-Unis et CityTV au Canada. Celle-ci nous amène au commissariat de la 99e division de Brooklyn où une équipe de policiers voit son quotidien bouleversé à l’arrivée de Ray Holt (Andre Braugher), un nouveau capitaine. Ce dernier est féru de discipline et de conformité, ce qui n’est pas sans agacer le détective Jake Peralta (Andy Samdberg), qui faisait la pluie et le beau temps sur la plupart de ses compatriotes. Cette friction sera le leitmotiv de la saison alors qu’au cours des épisodes on alterne scènes d’enquête et de vie quotidienne au bureau. Sans être hilarante, la série a pour qualité majeure de réunir une brochette de personnages hauts en couleur (desservis par des acteurs chevronnés) sans qu’on les associe pour autant à des clichés; fait rare pour une comédie.
Un duo divertissant…
Doté d’un sixième sens lorsqu’il s’agit de ses enquêtes, Jake Peralta est par contre un policier peu soucieux de sa personne. Dans la trentaine, il réfute les tenues coincées qui pourraient lui donner l’allure d’un professionnel ou encore d’appliquer à la lettre des procédures policières dont il est le représentant. Avant l’arrivée du nouveau capitaine, le commissariat ressemble tout simplement à une cour d’école dont Jake serait le chef. Il s’amuse entre autres à organiser des courses où les employés sont assis sur leurs chaises de bureau qui avancent grâce à des extincteurs de fumée en marche. À l’arrivée de Ray, l’ambiance change du tout au tout. Tel un chef d’armée, il attend de ses troupes non seulement qu’ils travaillent à leur plein potentiel, mais aussi qu’ils « entrent dans le rang »; qu’ils projettent une image soignée de la police. Deux gags dans le pilote retiennent particulièrement l’attention. Ray exige que Jake porte une cravate lorsqu’il est au travail. Tel un enfant revêche, il refuse de s’exécuter, ou alors à moitié, comme on le voit sur les deux images ci-dessous :
Dans Brooklyn Nine Nine, on joue justement sur les contrastes entre les deux hommes. L’un sérieux, l’autre frivole. Le tandem est particulièrement convaincant, notamment à cause de l’antécédent des deux acteurs. Andy Samberg a trouvé la notoriété pour ses numéros loufoques dans Saturday Night Live, une émission de variétés truffée de sketchs humoristiques qui en est à sa 39e saison. À l’inverse, Andre Braugher a souvent interprété des personnages dramatiques, dont l’avocat Bayard Ellis dans la sombre série Law & Order, SVU (NBC, 1999- ). Comme toujours, les contraires s’attirent. Ils ont autant à cœur de résoudre les affaires criminelles, mais prennent seulement des chemins différents pour y parvenir.
… et les autres
Dès son entrée en poste, Ray demande à une employée de lui dresser le portrait de chacun des membres de la brigade. Ainsi, on fait la connaissance dans un premier temps du personnel féminin, dont Amy Santiago (Melissa Fumero), une détective qui croit toujours tout savoir. Elle n’hésite pas à lécher les bottes de ses supérieurs et mène en même temps une guerre sourde à Jake son rival qui semble conclure ses enquêtes sans travailler alors qu’elle doit travailler d’arrache-pied pour arriver aux mêmes résultats. Sa collègue Rosa Diaz (Stephanie Beatriz) semble toujours être d’une humeur massacrante. Ne souriant jamais, elle effraie tout le personnel masculin de la brigade, mais demeure une des meilleures détectives de l’équipe. Enfin, il y a la fonctionnaire Gina Linetti (Chelsea Peretti). Son sarcasme continuel et la manière qu’elle a de rabaisser les autres nous rappelle les personnages de Karen Walker dans Will & Grace (NBC, 1998-2006) ou encore celui de Goldie Clemmons dans The New Normal (NBC, 2012); des personnages féminins qui ont marqué la comédie au petit écran.
Les personnages masculins ne sont pas en reste. Terry Jeffords (Terry Crews), est un sergent colosse qui cache une vulnérabilité insoupçonnée au départ. Avant d’avoir un corps d’Adonis, il était obèse et s’était mérité le surnom de « Terry Titties » (!) La scène lors du troisième épisode où il pète les plombs parce qu’il n’est pas capable d’assembler les morceaux d’une maison de poupées pour ses deux jumelles est mémorable. Notons aussi le détective Charles Boyle (Joe Lo Truglio). Larbin de service, ses collègues abusent de façon éhontée de sa bonasserie. Gaffeur, mais toujours bien intentionné, l’idylle qu’il est en train de nouer avec Rosa est d’autant plus improbable qu’on a hâte de voir où cela les mènera.
La table est donc mise et à mesure que les épisodes de la série progressent, les personnages gagnent en profondeur. On peut aisément comparer Brooklyn Nine Nine à Parks and Recreation (CBS, 2009- ), The Office (NBC, 2005-2013) ou au Québec, Rumeurs (Radio-Canada, 2002-2008). Dans toutes ces séries humoristiques, le lieu de travail était au cœur des intrigues et des gags, qu’on soit dans un poste de police, une société de vente de papiers ou un magazine féminin. À ce sujet, Brooklyn aurait pu faire preuve d’un peu plus d’originalité quant au lieu de travail. Les séries policières pleuvent et il aurait été aisé que nous transporte dans un autre environnement de travail. L’intrigue entourant les enquêtes est plus que secondaire et peu convaincante.
Avec une moyenne de 3 millions d’auditeurs lors de la diffusion de son troisième épisode, l’avenir de Brooklyn Nine Nine est encourageant. D’ailleurs, des scripts supplémentaires ont été commandés par le réseau Fox. Le succès de la série pourrait cependant être éphémère et James Poniewozik écrit avec justesse : «The trickiest thing for Brooklyn Nine-Nine will be hitting the right tone, keeping the laughs rolling while showing that its characters’ jobs do matter.» Et bien qu’Andy Samberg tienne le rôle principal avec doigté, tout le reste de l’équipe représente un potentiel à exploiter au cours des prochains épisodes.