Titre original : The Lords of Salem
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Rob Zombie
Distribution : Sheri Moon Zombie, Bruce Davison, Jeffrey Daniel Phillips, Ken Foree, Dee Wallace, Patricia Quinn, Maria Conchita Alonso, Michael Berryman, Sid Haig…
Genre : Épouvante/Horreur
Date de sortie : 9 octobre 2013 (DTV)
Le Pitch :
Star d’une radio locale à Salem, Heidi reçoit un beau matin, un étrange vinyle qui lui est personnellement adressé. Lorsqu’elle écoute pour la première fois cette envoutante musique, la jeune femme éprouve une sensation proche de l’hypnose. C’est d’ailleurs le cas de plusieurs femmes de Salem, lorsque le morceau est diffusé sur les ondes. Sans le savoir, Heidi vient de réveiller un groupe de sorcières avides de vengeance…
La Critique :
Graphiste, musicien et réalisateur, Rob Zombie cumule les casquettes. Il est tout d’abord connu pour secouer la scène metal depuis 1985 et la création du groupe White Zombie. Un combo dont le nom rend hommage au film avec Bela Lugosi, qui produit une musique ultra-référentielle, à la croisée des chemins d’Alice Cooper, le patron du shock rock, et du cinéma d’épouvante des années 50 (en schématisant un maximum). Zombie enchaine les albums, d’abord en groupe, puis sous son nom propre, et nourrit l’ambition de coller sur la pellicule ses fantasmes de cinéphile. Tout du moins ailleurs que dans les clips de son groupe. Certains de ses tubes sont régulièrement utilisés dans des longs-métrages, comme le fameux Dragula, exploité jusqu’à l’écœurement, et Zombie se rapproche peu à peu de la nouvelle étape d’une carrière qui voit grand. Rien de bizarre à ce que le chevelu tatoué veuille s’essayer à la réalisation. Le cinéma transpire par toutes les notes de ses créations musicales et son imagerie regorge de références. Après tout, ce n’est pas comme si Ozzy Osbourne décidait subitement de se mettre à la peinture sur soie. Rob Zombie colle bien avec le cinéma et son premier film, La Maison des 1000 Morts confirme un talent entrevu dans ses clips. Bordélique mais prometteur, le film se révèle être une sorte de brouillon du suivant, The Devil’s Reject. Là c’est du lourd. Zombie explose et le public s’en souvient encore. Son deuxième long-métrage devient un classique instantané où s’entrelacent thématiques horrifiques vintages et rock sudiste.
Bref, Zombie mène une double carrière. Repéré par les studios, il dirige un remake d’Halloween, qui devient sous son influence un hommage saignant et personnel à la figure imaginée dans les 70′s par John Carpenter. Avec la suite, Rob Zombie fait une entorse à son système de valeur et accepte une commande. Le résultat s’en ressent, même si la touche personnelle fait toujours son effet. Les albums continuent d’arriver régulièrement dans les bacs des disquaires et Zombie annonce la mise en chantier de son projet ultime : The Lords of Salem.
Les premières images promettent un truc vraiment malsain. Un voyage dans le passé de Salem, une ville marquée par la mythologie de ces fameuses sorcières brulées vives…
Voir débouler The Lords of Salem en vidéo et non au cinéma, n’a rien d’étonnant (mais c’est regrettable). Le film sort des sentiers battus c’est certain, et dénote de l’envie de Zombie de ne pas faire du sur-place en proposant une resucée de ses succès passés. Pourtant, même armé d’une volonté artistique farouche et d’un désir d’aller à contre-courant de la volonté des studios, le musicien cinéaste se vautre. Pas dans les grandes largeurs, mais suffisamment pour commencer à douter de la pérennité d’un cinéma qui ici se mord la queue.
Car si The Lords of Salem est son projet le plus personnel, à quoi doit-on s’attendre par la suite ? À une succession de ce genre de trips psychédéliques à la ramasse ?
Oui, clairement, The Lords of Salem ne va pas plaire à tout le monde. Il divise d’ailleurs salement.
La déception est de taille, mais n’empêche pas de reconnaître au film ses qualités évidentes. Zombie n’est pas un manche. Il sait comment filmer ses acteurs (et plus particulièrement sa femme Sheri Moon Zombie), possède un vrai talent pour instaurer des ambiances et -là rien d’étonnant- sait mettre en musique ses échappées métaphoriques.
Le problème principal… ou plutôt les deux problèmes principaux étant les suivants : The Lords of Salem est ennuyeux et creux. Le scénario ne s’appuie que sur un détail, à savoir le retour vengeur d’un trio de sorcières. Un soucis qui n’en serait pas un si le film ne se donnait pas des airs en tablant sur une esbroufe un poil outrancière. Zombie habille en premier lieu son récit, mais laisse tomber la plupart des pistes annexes en cours de route. Ainsi, l’histoire d’amour de Sheri Moon avec un ersatz de son mari finit en eau de boudin, d’une façon pour le moins déconcertante. Idem pour l’écrivain suspicieux, seul véritable opposant aux sorcières, que le réalisateur expédie sans ménagement. Du coup, toutes les scènes antérieures du personnage apparaissent totalement inutiles, si ce n’est qu’elles mettent le spectateur sur la voie (mais ça, on y serait très bien arrivé tout seul). Légèrement prétentieux, Zombie table sur le destin de son héroïne, qui se trouve être le vecteur de la vengeance démoniaque des sorcières. Dès que Sheri Moon tombe sous l’emprise des forces du mal, le film ne propose qu’une succession de scènes oniriques sans grand intérêt si ce n’est celle de souligner le côté rococo délavé d’une œuvre qui sombre peu à peu dans un ridicule gênant. Ridicule atteignant son paroxysme lors d’une image iconique finale franchement aux fraises.
Pas forcement très long (1h40), le film est quand même plutôt chiant. Et prévisible. On se raccroche à ce qui vaut la peine pour tenter de tenir le coup, mais le sommeil guette. Assurément fidèle à une démarche initiale plutôt couillue, Rob Zombie s’égare et, plus important, se heurte méchamment à sa principale influence. Car comment ne pas voir les ressemblances que The Lords of Salem entretient avec Rosemary’s Baby de Roman Polanski. Les voisines de Sheri Moon renvoyant à celle de Mia Farrow dans le chef-d’œuvre de Polanski et Sheri Moon elle-même occupant la même place que Mia Farrow. Mais là où Polanski arrivait à éviter tout sensationnalisme facile pour se focaliser sur le côté viscéral de son scénario, Zombie joue sur l’excès et tombe tête la première dans un gros paquet de clichés encombrants. Tout le champ lexical de l’ésotérisme de foire y passe et plus les minutes avancent, plus l’intérêt se fait la malle.
Alors bien sûr, tout ceci est très subjectif. Comme toute critique soit dit en passant. The Lords of Salem est un film sans compromis, ça, on ne peut pas l’ignorer. Et puis au fond, un film qui donne autant envie de revoir Rosemary’s Baby ne peut pas être complètement mauvais.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Seven 7