Bien coincés dans leurs petites cases bien carrées, nos enfants avancent, comme de braves petits soldats.
Bien coincés dans les convenances, les parents tremblent au moindre faux-pas, comme de braves grands soldats.
C’est que la brigade anonyme veille, derrière son écran.
Il faut faire ceci, pas cela. Manger ceci, pas cela. Penser ceci, pas cela. Il faut. Parce que ça convient à ma vie, parce que je pense que j’ai la solution à tout, parce que le reste est une hérésie. Parce que le doute n’est pas permis, il faut démonter les diktats, en imposant le mien. Parce que je ne souffre pas la contradiction, puisque j’ai raison, et je le dis, je le crie, je l’impose.
De nos habits à nos fruits, de notre papier toilette à notre garde partagée, de notre sport à notre lit, de notre assiette à notre tête, de notre salon à notre gazon, de nos yeux à nos oreilles, tout est écrit, tout est prescrit.
Exit la place du flou, de l’école buissonnière, du libre choix, de discuter sans imposer, de grandir cheveux au vent et le nez dans les nuages, de forger sa personnalité, sa différence, son intimité, ses goûts, sa part de rêves fous.
Rentrez dans les cases, petits et grands solats, la brigade anonyme veille et surveille, derrière son écran. Gare à ceux qui dépassent – ils seront bientôt condamnés à la yourte.