Magazine Cinéma
Christine Boutin, Frigide Barjot et les députés du clan Mariton ne vont pas être contents. Les amours homosexuelles envahissent les écrans. Deux films simultanément autour de l'amour des garçons.
Les vrais Liberace et Scott Thornston, image d'époque.
Ma vie avec Liberace, tiré d'un livre du véritable Scott Thorston, qui fut l'amant du légendaire pianiste. L'image dégouline de ce kitch dont le mauvais goût américain a le secret, mais l'histoire d'amour, bien réelle, qui se glisse dans ces décors de cage aux folles est émouvante et parfaitement construite.
Réelle et réaliste. Tous les aspects y sont développés, de la différence d'âge à l'inégalité des richesses et à la solitude du marginal, comme autant d'obstacles qui ne parviendront jamais à entraver l'amour profond. On retrouve avec plaisir dans le rôle de l’imprésario bull-dozer Dan Aykroyd, si rarement revu depuis Blues Brothers, en 1980...
...et Michael Douglas dans le rôle...
J'avais hésité à aller voir un film dont les publicités avaient un goût de cage aux folles si prononcé, et qui ne m'attirait pas. J'ai eu tort. Et je n'en parle aujourd'hui qu'à l'heure où il sort des écrans. Il y a du fond et de l'émotion dans ce Sodherberg paré de paillettes qui semble démentir que les bons films homosexuels ne peuvent être faits que par des homosexuels. A moins que ?
Opium est un petit délire français que nous devons assez largement au mécénat de Pierre Bergé. Réalisé par Arielle Dombasle, il retrace les amours sulfureuses du jeune Jean Cocteau avec le non moins jeune Raymond Radiguet. Si l'ensemble est une agréable allégorie que je ne regrette pas d'avoir vue, il y a quand même beaucoup à dire.
On a voulu faire une comédie musicale façon Les Chansons d’Amour. Mais n'est pas qui veut Christophe Honoré et son musicien Alex Beaupin. C'est gentillet, mais les parties que je préfère sont bien davantage celles directement en rapport avec l'insaisissable Cocteau, l'homme qui transforme tout ce qu'il touche en poésie.
Quel dommage que le film s'enferre dans une convention de théâtre classique en matière de « convenable ».... On y dénude la jolie modèle de Kisling, le peintre cubiste, mais les hommes dont on raconte les amours, eux, restent habillés dans la tradition la plus machiste.
Il y avait pourtant deux bonnes raisons de les mettre à nu : d'abord, comment peut on raconter des amours homosexuelles éperdues, donc totalement hors conventions culturelles, sans briser, justement, les conventions théâtrales ? Et ensuite, on y décrit la naissance du dadaïsme et du cubisme, qui servent d’écrin aux amours de Cocteau et Radiguet, et qui sont justement l'explosion, la négation des conventions artistiques. Là encore, comment mettre cet environnement en scène sans se libérer des fourches caudines du machisme ambiant qui permet de dénuder les filles, mais pas les garçons ?
Ce n'est sûrement pas l'auteur du Diable au Corps qui me contredira...
On me prendra pour un vieux voyeur pervers qui était allé voir la bite de Samuel Mercer et qui ne l'a pas vue. Tant mieux ! Passer pour un imbécile aux yeux d'un idiot est une volupté de fin gourmet... (Courteline). Et passer pour un débauché aux yeux d'un coincé serait même une gloire si l'appréciation d'un coincé avait quelque valeur.
Les films homosexuels d'aujourd'hui ne s’embarrassent plus des conventions classiques, il serait bon que les allégories telles qu'Opium s'en libèrent également. Je ne suis pas pour autant revenu frustré : Opium est un film de genre, voire de recherche, mais la drogue du média agit : on y vit un grand moment de poésie.