Imo a reçu pour sa fête juste assez de
cadeaux pour être heureux et assurer une reconnaissance acceptable à tous ceux
qui ont été généreux. Un couple d’amis, un couple noir et blanc, a offert un
excellent livre d’histoires à Imo. Tous les soirs depuis, je lis à l’héritier
une histoire qui le dépose lentement dans les bras de morphé. Deux des
histoires concernent la couleur de la peau : Le loup qui veut changer de
couleur, le noir de son pelage étant trop triste, et Armande la vache normande qui veut effacer ses taches brunes. À
chaque fois, l’histoire a été l’occasion pour Imo de faire référence à notre
différence la plus visible : Il est noir (marron comme il le dit) et nous
sommes blancs. C’est un sujet quelques fois abordé, entre autres lors du bain
où Imo peut, pour nous faire rire, se savonner le corps au complet pour être
complètement blanc. Le point d’entrée de la discussion est toujours le
même : « Marron c’est beau, tu voudrais toi aussi être marron »,
moitié affirmateur, moitié interrogateur. La première fois où il abordé la question
de notre différence de couleur de peau, Jo et moi lui avions répondu qu’on
aimait beaucoup le marron, qu’à la limite, on était un peu jaloux. Il faut
vivre en permanence avec des haïtiens et y voir tellement de beautés, qu’on en
vient effectivement à trouver que le blanc est un peu … drabe. Chose certaine,
notre homme a retenu l’idée et nous la ramène à la première occasion. À la
lueur de la lumière de sa veilleuse cette semaine, au moment où Armande la
vache normande confrontait les démons des taches sur son cuir, Imo est revenu
sur le sujet. Cette fois-ci toutefois en me mentionnant qu’il préfèrerait être
blanc. Je ne suis pas arrivé à comprendre cette motivation nouvelle, motivation
qui s’est en plus rapidement évanouie. Dans l’ambigüité de la tête d’un enfant
de cinq ans, il est souvent difficile de se laisser conduire par un fil. Il a
terminé notre échange en me mentionnant qu’il préférait en fait la couleur marron,
parce que « ça courre plus rapide ». J’ai essayé de lui faire
comprendre que je ne m’aventurerais pas dans ce genre de théorie, et la suite
de l’histoire d’Armande la vache normande m’a permis d’éviter des explications
un eu trop sophistiquées, surtout qu'il était l'heure de dormir