Rien ne sert d’être un observateur avisé des grandes tendances discographiques mondiales – cette merde doit sûrement exister d’ailleurs – pour se rendre compte d’une chose : Nirvana et sa concise, mais détonante, contribution à l’histoire du rock n’a pas été totalement pillé, vampirisé, dépouillé de sa substance, vulgarisé et gadgétisé. Certes oui, ce bon vieux Kurt a été bouffé à toutes les sauces – de l’icone incomprise et végétative à celle canonisée à bout pourtant par ses propres soins – , mais le patrimoine musical du trio, ayant réussi à imposer Seattle sur la carte étasunienne, n’est pas encore tombé dans l’escarcelle d’un savant fou ayant eu le bon goût de confier l’entièreté du catalogue à la reprise d’opérette contre royalties. Shakira chante du Cabrel mais toujours pas de Cobain. C’est déjà ça. Les morceaux issus de Nevermind comme d’In Utero pèsent de leur naturelle force, aura, pour décourager toute reprise hors-contexte. Proche du crime de lèse-majesté même pour un type qui, lui, se plaisait bien à se réapproprier les chansons des autres – et l’album Unplugged en compte une chiée. Mais In Utero à 20 ans et il fallait bien qu’il y ait quelque chose d’un peu plus authentique qu’une version Deluxe à 150 dollars pour marquer le coup. Ce supplément d’âme dans la commémoration procède étonnamment de Toronto, où plus d’une quinzaine de groupe réunit par le label Hand Drawn Dracula et les groupes Wooden Sky et Greys ont conjugué leurs forces pour faire naître cette compilation tribute, Milkin’ It, à récupérer contre un email à cette adresse. Histoire pour eux de se manifester telle une scène rock aussi hétérogène qu’intégrée – comme l’était alors celle de Seattle et Olympia à l’époque – , mais aussi et surtout marquer leur attachement à ce disque hors-du-commun, n’ayant pris une ride si ce n’est celle de nos oreilles défraîchies. Comme on peut s’y attendre avec ce type d’exercice de style, il y a du bon, du moins bon et parfois du très bon. Notre tiercé : Odonis Odonis, Breeze et Absolutely Free. A noter que la pochette collage est signée James Mejia, instigateur d’un label présenté l’année passée dans nos colonnes (lire).