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[note de lecture] Sébastian Dicenaire, "Dernières Nouvelles de l’Avenir", par Jean-Pascal Dubost

Par Florence Trocmé

 
DicenaireSébastian Dicenaire s’impose peu à peu sur le territoire des langages comme un touche-à-tout à tendance drôlatique dans son hybridation des genres qui fait poésie : auteur de fictions radiophoniques, vidéaste improbable, performer sonore, et poète de l’écrit comme l’indique le dernier corpus édité. Il va de soi que le caractère expérimental du travail de Sébastian Dicenaire ne pouvait l’amener à produire un écrit classique, bien au contraire, l’expérimental actif en lui développe en ce livre son concept de « potentiologie », qu’il applique aux textes mêmes qui nous en délivrent les idées-maîtresses qui ne sont pas théorisées, mais, appliquées à elles-mêmes, en conséquence de quoi, et par décision de l’auteur, elles constituent ce qu’il convient d’appeler, et qui est traditionnellement appelé, des poèmes, aussi désignés « documents étranges » par le poète. Le principe paraît simple : explorer les potentialités de la langue « officielle » au cœur du langage assisté par ordinateur, explorer les perversions de la langue quand elle devient « de-bois » dans l’intention d’assoupir les consciences de tout un chacun. Le poète part du constat suivant « le monde est capitaliste », c’est une tautologie effarante, car le monde est en folie nonsensifique dans son accroissement démentiel sur-productif et son déluge d’événements sans liens toujours apparents, mais dont les informations qui abreuvent le commun des mortels le sont en une langue de la technicité sociale actuelle, neutre, distante, court-circuitée, policée, monocorde, en une langue qui, à l’insu de ceux qui en font usage, révèle toutes les potentialités mêmes de la langue dont elle émane, ce qu’expérimente Sébastian Dicenaire, qui, de fait, provoque des étrangetés verbales qui font sourire par leur non-sens apparent, « Un pape a explosé au soleil comme une vulgaire pastèque qui aurait traversé en dehors des passages cloutés », ou bien « tous les jours pendant une heure dans une émission de téléréalité intergalactique locale, on peut suivre, dans ses moindres détails, la vie sordide d’un couple d’ex-superhéros reconvertis en business-shaman à domicile. » Le monde est regardé par le poète comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ; la langue, dans la zone langage, est découpée et recollée à l’aide d’un logiciel mental approximatif et conçu pour capter et révéler le drôle et tragique du grand monde, en langue crypto-dada. Les informations fusent, à la vitesse sur-productive du monde, à vitesse de l’hyper-modernité, invisibles à l’œil nu et inaudibles à l’oreille nue, à vitesse telle, qu’elles se mélangent, font de ce monde un monde de non-événements ; le tout est dit non sans humour, on l’aura compris, voire non sans autodérision (lire, « L’efficacité magique de la performance »). Ce livre est une « danse des canards post-apocalyptique », car l’apocalypse, selon Sébastian Dicenaire, a lieu tous les jours, le titre l’indique bien.  
  
[Jean-Pascal Dubost] 
 

 
Sébastian Dicenaire 
Dernières Nouvelles de l’Avenir 
Atelier de l’Agneau, 15€ 


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