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Pourquoi l’impopularité des dirigeants politiques amplifie aussi la crise

Publié le 04 octobre 2013 par Delits

Les responsables socialistes expliquent que l’impopularité – record – de l’exécutif est indexée sur la courbe du chômage. Ainsi, une fois que le chômage entamera sa décrue, la courbe devrait rebondir dans les sondages. Et si le contraireétait aussi vrai ? Et si l’une des causes de l’atonie de l’économie française était la profonde suspicion de l’opinion à l’égard de leurs dirigeants, et ce depuis de nombreuses années. La confiance, on le sait, est une condition pour réaliser du business. Il est hasardeux  d’investir, d’entreprendre, de prendre des risques, de vouloir se dépasser lorsque l’on craint de sombres lendemains et qu’on ne croit pas en l’action publique menée pour les radoucir. Trois exemples illustrent les bienfaits de la confiance inspirée par les gouvernants.

L’Abenomics : le reveil du samouraï japonais

A l’instar de Reagan, au début des années 1980, le Premier ministre japonais Shinzo Abe clame aujourd’hui « Japan is back ». L’expérience actuelle au Japon est instructive pour la France. Le dirigeant nippon est aux manettes, depuis décembre 2012, d’un Etat plongé dans une interminable léthargiedepuis 20 ans. Pendant ce temps, le pays n’est pas parvenu à sortir de sa spirale déflationniste, minant la croissance. Face au Japon a émergé le géant chinois, qui lui a ravi son deuxième rang économique mondial en 2010. Avec la population la plus vieille au monde, une dette pesant 200% du PIB, le pays ne parvenait pas à s’extraire de sa morosité. Abe a  prescrit une thérapie de choc pour réveiller le Japon en combinant une relance budgétaire, une très forte baisse de yen et des réformes structurelles (notamment hausse de la TVA et flexibilité du marché du travail, dans un pays où les salariés travaillent souvent toute leur vie dans une unique entreprise).

Il a orchestré cette politique économique de sorte à provoquer, au-delà des mesures d’ordre économique, un vrai électrochoc psychologique. Il a adopté un ton martial, baptisant chacun de ses trois axes de relance économique de « flèches ». Il les a successivement lancées pour vaincre le marasme, dans lequel le pays s’enlise depuis bien longtemps. Parallèlement, il fait savoir au monde qu’il faudra de nouveau compter avec le Japon. Tokyo ne craint plus de montrer ses muscles à son voisin chinois, lui tenant tête à propos de l’archipel Senkaku que les deux Etats se disputent. Le peuple japonais suit son leader politique, qui a remporté haut la main les élections sénatoriales cet été. La partie est encore loin d’être jouée, mais le moral des industriels s’est déjà amélioré, et la croissance économique frémit depuis le début de l’année.

L’ère Jospin ou le cercle vertueux « croissance-confiance »

L’équipe gouvernementale de Lionel Jospin, installée en 1997, avait su inspirer confiance à l’opinion. Le Premier ministre lui-même avait bénéficié de scores de popularité élevés pour un chef de gouvernement sous la Vème République. Il n’est jamais descendu en-dessous de 54% d’opinion positive les trois premières années à son poste. Ainsi, aucun de ses successeurs ne peut se targuer d’une sympathie aussi forte et aussi durable dans l’opinion. Il tirait son image positive de son sérieux (88%) et de son honêteté (72%). L’architecture gouvernementale avait été, il faut le dire, savamment échafaudée. Martine Aubry impulsait les 35 heures et les emplois jeunes, en application d’un programme électoral teinté « rose socialiste », tandis que Dominique Strauss Kahn, artisan de la dernière grande vague de privatisations, savait inspirer confiance au patronat. Les principaux ministres, de Jean-Pierre Chevènement à Elisabeth Guigou, étaient également reconnus pour leur solidité.

L’avènement de cette équipe a constitué un déclic dans l’opinion, après deux années de gouvernement Juppé, très impopulaire. Deux années marquées par une incompréhension de la politique de rigueur menée après la victoire du pourfendeur de la fracture sociale. Deux années de hausse du chômage et de douloureux conflits sociaux. Or, le gouvernement Juppé à peine remplacé par l’équipe Jospin, la croissance est repartie. Cette embellie n’était en rien miraculeuse, elle découlait de la révolution numérique, moteur de la reprise outre-Atlantique. Les Français partageaient d’ailleurs cette opinion, puisque 17% seulement estimait que la reprise était imputable à la politique du gouvernement. Bien plus que les mesures économiques, c’est la confiance retrouvée dans le nouveau gouvernement qui avait contribué à dégager l’horizon : en cette fin de siècle, l’économie française a alors connu ses années les plus fastes des vingt-cinq dernières années.

La popularité de Merkel au service de l’économie allemande

Les Français, encore sonnés par la crise, regardent l’avenir avec crainte. 69 % considèrent leurs pays comme étant en pleine crise. De l’autre côté du Rhin, les Allemands ne sont que 37% à établir le même constat. L’économie allemande avance toujours sur les rails posés par Gerhard Schröder, même s’il a dû céder le pouvoir en 2005. Angela Merkel s’est contentée de pérenniser ce modèle, ce qui a permis à « l’homme malade de l’Europe » de rebondir, en créant richesse et emplois. Tout n’est pas parfait dans le modèle allemand, générateur de travail précaire et dépendant de la santé économique de ses voisins européens via ses exportations. Pourtant, comme le prouve la troisième victoire électorale des conservateurs, les Allemands accordent une grande confiance dans leur chancelière. Cela constitue une force, en incitant les Allemands à appréhender l’avenir plus sereinement. Et alors même qu’une partie du dynamisme économique du pays est ébranlé par la faiblesse de la croissance européenne, toujours plombée, les Allemands gardent foi en l’avenir. C’est donc au-delà de sa politique économique, qu’elle n’a pas initié elle-même, qu’Angela Merkel, ardente défenseuse des intérêts de l’Allemagne, inspire confiance à ses concitoyens.

La France en attente d’un choc de confiance

La confiance en l’avenir constitue un des ressorts-clés de la croissance. C’est la raison pour laquelle Nicolas Sarkozy avait voulu déclencher un choc de confiance, avec la fameuse loi Tépa (défiscalisation des heures supplémentaires, baisse des droits de succession, déductions des intérêts d’emprunt, bouclier fiscal à 50%, etc.), un paquet fiscal destiné à récompenser le travail, et censé envoyer un signal à tous les acteurs économiques pour les inciter à investir. L’impopularité subite du Président Sarkozy a transformé le choc de confiance en crise de défiance, avant que l’arrivée de la crise ne balaye définitivement cette ambition. Un quinquennat plus tard, François Hollande n’a pas su, lui non plus, susciter de la confiance dans l’opinion. Seuls 23% des Français pensent qu’il sait où il va et 19% reconnaissent sa capacité à rassembler. Le sentiment d’une absence de capitaine sur le pont plane, ce qui, en période de tempête, n’est pas pour rassurer.

Les Français, que toutes les études décrivent comme foncièrement pessimistes (73% ne sont pas confiants quant à l’avenir du pays), ne se montrent pas encore acculés à la dépréciaction de leur pays. Tout compte fait, ils s’estiment (à 82%) chanceux d’y vivre. Mais il leur manque, avant tout, un leader politique sur lequel ils pourraient investir leur confiance, quitte à accepter des sacrifices individuels pour le bien commun.


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