Il est 20h55 au théâtre St-Michel, samedi soir. Le public s’impatiente et applaudit en rythme. Un afflux à la caisse entraîne un peu de retard. L’ambiance est particulière, décontractée, bon enfant. Sur scène, un simple rideau de velours rouge et un pupitre en métal. A 21h, nouvelle salve d’applaudissements pour réclamer avec bonhomie le début du spectacle. Le comédien, vêtu d’un pantalon bouffant, d’une ceinture rouge qu’il aurait découpée dans le rideau de velours, d’un pourpoint et d’une fraise, et affublé d’un nez en caoutchouc, apparaît de derrière le rideau rouge, s’excuse du retard avec un fort accent indéfinissable… italo-africain peut-être. Le spectacle a-t-il commencé? Les lumières de la salle ne s’éteignent pas.
Le comédien poursuit son monologue. Le personnage, c’est donc cet arlequin tendre et malicieux qui interroge le spectateur sur sa présence au théâtre et les raisons de celle-ci. Peut-être vient-on au théâtre pour rire de ce qui d’habitude nous fait pleurer, présume-t-il avec malice.
De manière subtile, un second personnage semble se détacher peu à peu de l’arlequin. Il s’agit de l’interprète, sorte d’avatar du comédien, qui se lance avec son personnage dans une joute scénique savoureuse, mise en abyme de l’univers théâtral. L’imaginaire se confronte à la réalité de la création théâtrale. L’arlequin poétise la création, l’interprète la rationalise, mais la frontière s’amenuise à mesure que le spectacle évolue.
Le comédien, d’une virtuosité impressionnante, passe d’un personnage à l’autre. Du saltimbanque au comédien de mauvais poil et très à cheval sur ses conditions de travail. On imagine volontiers que derrière ce qui est aussi un personnage se cache un peu Yves Hunstad, le comédien, ou un peu de chaque comédien, qui pourrait y retrouver ses propres tics, manies et autres habitudes. D’ailleurs, le public me donne l’impression de faire partie du spectacle, de communier avec l’acteur et pour cause, plus de la moitié des spectateurs sont des gens de théâtre, comme venus honorer une œuvre et ses créateurs.
En milieu de salle, je me sens un peu comme l’unique spectateur d’une grande œuvre qui se joue de la scène au parterre, du parterre aux postes techniques, des postes techniques à la scène.
C’est poétique, intelligent, fin et diablement drôle.
Décidément, on ne s’évade jamais autant qu’au théâtre et Yves Hunstad le confirme, nous faisant voyager, durant près de deux heures, dans un monde entre fiction, réalité et imaginaire, vers le cœur et le mystère de la création théâtrale. Réflexion faite, cette performance méritait bien une standing ovation (clin d’œil à Bou) et je ne regrette pas de m’être levé de mon strapontin.
Voici plus de vingt ans qu’Yves Hustand et Eve Bonfanti ont créé la Tragédie comique à Bruxelles et la pièce, devenue culte, tourne avec succès depuis lors. S'ils passent par chez vous avec leur spectacle, la tragédie serait de ne pas aller ou pouvoir y assister. A bon entendeur.
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