Sachez qu'il s'agit d'une BD qui se déroule de nos jours et revisite le mythe de Monte-Cristo à travers son héros, Dantès. Le héros est un jeune trader sacrifié par plus fort que lui et revenant se venger des années plus tard sous un autre nom et un autre visage. Pour éviter la énième déclinaison du roman de Dumas, les auteurs ont situé l'action sur fond d'intrigue économique basée sur des faits réels. Vous pensiez qu'avec la fin du tome six, notre héros allait continuer sa vie loin des librairies et que ses créateurs allaient passer à d'autres projets ? Que nenni, les trois auteurs ont remis le couvert pour une nouvelle aventure de Dantès, le tome sept, intitulé « le poison d'ébène » ! J'entends déjà les grognons: « Oh non, les gars, y vont tirer à l'infini leur série et le Dantès y va se venger pendant 47 tomes, pffff ! » Et bien rassurez-vous, ce n'est pas le cas. Lors d'une rencontre avec Pierre Boisserie, Philippe Guillaume et Erik Juszezak organisée par Dargaud, ce trio de choc nous a expliqué sa démarche, ses motivations, son envie. Après avoir bouclé le premier cycle de Dantès, la question s'est posée: Arrêter, continuer ? Les trois auteurs ont décidé de prolonger, mais pas à n'importe quelle condition. Il fallait d'abord marquer la rupture avec le premier cycle, ensuite, trouver une histoire forte et ancrée dans l'univers de la série et pour finir, ne pas faire de Dantès un nouveau Largo Winch. Tel était le challenge. Pierre Boisserie nous explique qu'il ne fallait pas reprendre la vengeance mais partir ailleurs. C'est là que Phillipe Guillaume a apporté sa science de l'actualité et de l'histoire économique. Cette nouvelle aventure se base sur trois faits réels: - La disparition mystérieuse et non encore élucidée du journaliste Guy André Kieffer en Afrique lors d'une investigation mettant à jour la corruptions au plus haut niveau, - L'histoire de déchets abandonnés en Côte d'Ivoire ayant provoqué au moins dix-sept morts et des milliers de blessés, - Les sombres magouilles d'un personnage devenu un pilier des relations France Afrique. Ces trois éléments, mixés avec les problèmes de Dantès, ont permis de construire un scénario solide. Pierre Boisserie et Philippe Guillaume ont rencontré des gens connaissant bien leur sujet, recueillis des avis, ce qui les a même poussé à réécrire le tome huit au vu de nouvelles informations. Ainsi, Dantès quitte les bureaux de la Défense pour aller sur le terrain, en Afrique. Erik Juszezak a vécu là-bas. Sachant quels résultats atteindre, Juszezak a vraiment travaillé à rendre cette ambiance particulière qu'il avait bien connu tout en effectuant un travail de recherche précis. Mais s'agit-il là d'un nouveau cycle ? Dantès repartirait-il à nouveau pour six tomes d'investigations ? Le trio nous a rassuré. Ils veulent trouver un équilibre. D'abord, "le poison d'ébène" sera un diptyque et pourra être suivi d'autres aventures en une ou deux tomes, mais racontant d'autres récits. Cela se décidera si le public est au rendez-vous. Et Dantès dans tout cela ? Et bien, il devient un héros à dimension humaine. Un des moyens de se démarquer des autres BD traitant aussi d'intrigues financières ou économiques consiste à faire de Dantès un homme, pas un aventurier. Un homme qui a ses motivations, parfois saines, parfois moins. Un homme qui a ses faiblesses, Dantès se révèle incapable de gérer la jalousie et la rivalité qui oppose Sarah et Lucie, les deux femmes qui gravitent autour de lui. Et Dantès se révèle surtout comme n'étant pas, mais pas du tout, un homme d'action. Le trait est peut-être parfois poussé. J'ai été par exemple surpris de la naïveté du héros. Son étonnement devant l'incroyable magouille qu'il met à jour reste assez surprenant. Mais gageons que Dantès va prendre de la bouteille au fur et à mesure de ses péripéties. Elles sont complexes, ces aventures. Il s'agit d'un vrai travail de recherche, de réflexion, de narration, pour exploiter la vérité de ces faits économiques et leur intégrer les ressorts de la dramaturgie fictionnelle. Pierre Boisserie explique son incompétence notoire à comprendre les rouages de la finance. Son travail consiste donc aussi à les rendre clairs pour le lecteur. En effet, si Philippe Guillaume apporte les faits et sa connaissance précise de ce domaine, Pierre Boisserie apporte sa maîtrise de la dramaturgie et de la narration pour agréger et « fictionner » ces éléments en une histoire stable. Erik Juszezak, lui, effectue la mise en images, et doit trouver le fragile équilibre entre les textes parfois explicatifs et les dessins. Les trois complices ont réussi leur coup, car en feuilletant l'album, vous constaterez que les dessins s'expriment dans de grandes cases tout en laissant un espace suffisant au texte. Loin des lourdes cases remplies par une énorme bulle et une paire d'yeux, Juszezak parvient à nous faire voyager des bureaux parisiens aux forêts de Côte d'Ivoire à travers son crayon. Les dessins réalistes sont très vivants et l'Afrique est bien là. Le graphisme clair permet toujours de bien suivre l'action, même si parfois il manque légèrement de dynamisme. Sur cet album, Juszezak a été rejoint par Florence Spiteri qui a magnifiquement assuré la mise en couleur. Boisserie et Guillaume ont apprécié de parler de sujets qui leur tiennent à cœur. Il s trouvent plus de liberté dans l'espace de la BD d'aventure que dans le reportage, où ils estiment qu'ils n'auraient pu aller aussi loin. De plus, le public de la BD reportage n'est pas le même que celui de la BD fiction. Ainsi, ils touchent des gens qui ne sont pas forcément des adeptes des scandales économiques et leur distillent quelques éléments de réflexion. Pour eux, Dantès reste d'abord une BD d'aventure. Et l'aventure est bien là, même si parfois, les rebondissements jouent sur des ficelles un peu trop visibles. A titre d'exemple, j'évoquerai la scène de l'appareil photo dans les forêts Ivoiriennes, sans en dire plus. Le tome suivant est déjà en cours et paraîtra l'année prochaine. Les trois auteurs tiennent à cette régularité de parution afin de ne pas frustrer le lecteur. Cela ne les empêche pas de travailler à côté sur d'autres projets. Boisserie et Guillaume avancent sur le scénario d'une nouvelle série, La Banque, qui raconte la banque à travers la vie d'une famille, de générations en générations. Le premier cycle démarre en 1815 et durera deux tomes. Ils savent tous deux qu'en ces périodes difficiles, la sortie d'un premier volume est un pari risqué mais le sujet est tellement fort qu'ils ne peuvent renoncer. Le cycle en deux volumes permet de faire des histoires courtes pour le public. L'idée consiste à sortir les deux tomes dans la même année. Juszezak travaille lui aussi sur d'autres projets, en cours de discussion pour l'instant. Pour moi, Dantès est une BD qui démarre de manière classique et finit de manière surprenante, suffisamment captivante pour avoir envie de lire le tome huit. Ce qui m'a le plus marqué, ému, c'est la dédicace en introduction à Guy-André Kieffer. Philippe Guillaume l'a connu dans les coursives de La Tribune et pour lui, il s'agissait de rendre un hommage à ce collègue. Cet hommage nous rappelle que, pour que l'on s'endorme moins bête le soir, des gens risquent leur vie aux quatre coins du monde. Et parfois, malheureusement, ils la perdent. La vérité peut coûter cher, et Guy-André Kieffer a payé le prix fort. Grâce à Dantès, une pensée s'élève vers lui, pour ne pas oublier que le mystère autour de sa disparition dure depuis plus de 3448 jours (source: site « Vérité pourGuy-André Kieffer »). David
Sachez qu'il s'agit d'une BD qui se déroule de nos jours et revisite le mythe de Monte-Cristo à travers son héros, Dantès. Le héros est un jeune trader sacrifié par plus fort que lui et revenant se venger des années plus tard sous un autre nom et un autre visage. Pour éviter la énième déclinaison du roman de Dumas, les auteurs ont situé l'action sur fond d'intrigue économique basée sur des faits réels. Vous pensiez qu'avec la fin du tome six, notre héros allait continuer sa vie loin des librairies et que ses créateurs allaient passer à d'autres projets ? Que nenni, les trois auteurs ont remis le couvert pour une nouvelle aventure de Dantès, le tome sept, intitulé « le poison d'ébène » ! J'entends déjà les grognons: « Oh non, les gars, y vont tirer à l'infini leur série et le Dantès y va se venger pendant 47 tomes, pffff ! » Et bien rassurez-vous, ce n'est pas le cas. Lors d'une rencontre avec Pierre Boisserie, Philippe Guillaume et Erik Juszezak organisée par Dargaud, ce trio de choc nous a expliqué sa démarche, ses motivations, son envie. Après avoir bouclé le premier cycle de Dantès, la question s'est posée: Arrêter, continuer ? Les trois auteurs ont décidé de prolonger, mais pas à n'importe quelle condition. Il fallait d'abord marquer la rupture avec le premier cycle, ensuite, trouver une histoire forte et ancrée dans l'univers de la série et pour finir, ne pas faire de Dantès un nouveau Largo Winch. Tel était le challenge. Pierre Boisserie nous explique qu'il ne fallait pas reprendre la vengeance mais partir ailleurs. C'est là que Phillipe Guillaume a apporté sa science de l'actualité et de l'histoire économique. Cette nouvelle aventure se base sur trois faits réels: - La disparition mystérieuse et non encore élucidée du journaliste Guy André Kieffer en Afrique lors d'une investigation mettant à jour la corruptions au plus haut niveau, - L'histoire de déchets abandonnés en Côte d'Ivoire ayant provoqué au moins dix-sept morts et des milliers de blessés, - Les sombres magouilles d'un personnage devenu un pilier des relations France Afrique. Ces trois éléments, mixés avec les problèmes de Dantès, ont permis de construire un scénario solide. Pierre Boisserie et Philippe Guillaume ont rencontré des gens connaissant bien leur sujet, recueillis des avis, ce qui les a même poussé à réécrire le tome huit au vu de nouvelles informations. Ainsi, Dantès quitte les bureaux de la Défense pour aller sur le terrain, en Afrique. Erik Juszezak a vécu là-bas. Sachant quels résultats atteindre, Juszezak a vraiment travaillé à rendre cette ambiance particulière qu'il avait bien connu tout en effectuant un travail de recherche précis. Mais s'agit-il là d'un nouveau cycle ? Dantès repartirait-il à nouveau pour six tomes d'investigations ? Le trio nous a rassuré. Ils veulent trouver un équilibre. D'abord, "le poison d'ébène" sera un diptyque et pourra être suivi d'autres aventures en une ou deux tomes, mais racontant d'autres récits. Cela se décidera si le public est au rendez-vous. Et Dantès dans tout cela ? Et bien, il devient un héros à dimension humaine. Un des moyens de se démarquer des autres BD traitant aussi d'intrigues financières ou économiques consiste à faire de Dantès un homme, pas un aventurier. Un homme qui a ses motivations, parfois saines, parfois moins. Un homme qui a ses faiblesses, Dantès se révèle incapable de gérer la jalousie et la rivalité qui oppose Sarah et Lucie, les deux femmes qui gravitent autour de lui. Et Dantès se révèle surtout comme n'étant pas, mais pas du tout, un homme d'action. Le trait est peut-être parfois poussé. J'ai été par exemple surpris de la naïveté du héros. Son étonnement devant l'incroyable magouille qu'il met à jour reste assez surprenant. Mais gageons que Dantès va prendre de la bouteille au fur et à mesure de ses péripéties. Elles sont complexes, ces aventures. Il s'agit d'un vrai travail de recherche, de réflexion, de narration, pour exploiter la vérité de ces faits économiques et leur intégrer les ressorts de la dramaturgie fictionnelle. Pierre Boisserie explique son incompétence notoire à comprendre les rouages de la finance. Son travail consiste donc aussi à les rendre clairs pour le lecteur. En effet, si Philippe Guillaume apporte les faits et sa connaissance précise de ce domaine, Pierre Boisserie apporte sa maîtrise de la dramaturgie et de la narration pour agréger et « fictionner » ces éléments en une histoire stable. Erik Juszezak, lui, effectue la mise en images, et doit trouver le fragile équilibre entre les textes parfois explicatifs et les dessins. Les trois complices ont réussi leur coup, car en feuilletant l'album, vous constaterez que les dessins s'expriment dans de grandes cases tout en laissant un espace suffisant au texte. Loin des lourdes cases remplies par une énorme bulle et une paire d'yeux, Juszezak parvient à nous faire voyager des bureaux parisiens aux forêts de Côte d'Ivoire à travers son crayon. Les dessins réalistes sont très vivants et l'Afrique est bien là. Le graphisme clair permet toujours de bien suivre l'action, même si parfois il manque légèrement de dynamisme. Sur cet album, Juszezak a été rejoint par Florence Spiteri qui a magnifiquement assuré la mise en couleur. Boisserie et Guillaume ont apprécié de parler de sujets qui leur tiennent à cœur. Il s trouvent plus de liberté dans l'espace de la BD d'aventure que dans le reportage, où ils estiment qu'ils n'auraient pu aller aussi loin. De plus, le public de la BD reportage n'est pas le même que celui de la BD fiction. Ainsi, ils touchent des gens qui ne sont pas forcément des adeptes des scandales économiques et leur distillent quelques éléments de réflexion. Pour eux, Dantès reste d'abord une BD d'aventure. Et l'aventure est bien là, même si parfois, les rebondissements jouent sur des ficelles un peu trop visibles. A titre d'exemple, j'évoquerai la scène de l'appareil photo dans les forêts Ivoiriennes, sans en dire plus. Le tome suivant est déjà en cours et paraîtra l'année prochaine. Les trois auteurs tiennent à cette régularité de parution afin de ne pas frustrer le lecteur. Cela ne les empêche pas de travailler à côté sur d'autres projets. Boisserie et Guillaume avancent sur le scénario d'une nouvelle série, La Banque, qui raconte la banque à travers la vie d'une famille, de générations en générations. Le premier cycle démarre en 1815 et durera deux tomes. Ils savent tous deux qu'en ces périodes difficiles, la sortie d'un premier volume est un pari risqué mais le sujet est tellement fort qu'ils ne peuvent renoncer. Le cycle en deux volumes permet de faire des histoires courtes pour le public. L'idée consiste à sortir les deux tomes dans la même année. Juszezak travaille lui aussi sur d'autres projets, en cours de discussion pour l'instant. Pour moi, Dantès est une BD qui démarre de manière classique et finit de manière surprenante, suffisamment captivante pour avoir envie de lire le tome huit. Ce qui m'a le plus marqué, ému, c'est la dédicace en introduction à Guy-André Kieffer. Philippe Guillaume l'a connu dans les coursives de La Tribune et pour lui, il s'agissait de rendre un hommage à ce collègue. Cet hommage nous rappelle que, pour que l'on s'endorme moins bête le soir, des gens risquent leur vie aux quatre coins du monde. Et parfois, malheureusement, ils la perdent. La vérité peut coûter cher, et Guy-André Kieffer a payé le prix fort. Grâce à Dantès, une pensée s'élève vers lui, pour ne pas oublier que le mystère autour de sa disparition dure depuis plus de 3448 jours (source: site « Vérité pourGuy-André Kieffer »). David