Week-end Danses Partagées au Centre National de la Danse
Samedi 5 et dimanche 6 octobre 2013
Ce week-end, les amateurs investissaient le CND, et lui donnaient ce souffle de vie particulier. A chaque étage, dans chaque studio, en travers des longs couloirs, un fourmillement de danseurs en herbe étaient là pour profiter de l’enseignement des plus Grands. Petites filles en tutus, soixante huitards (en collant !), danseurs du dimanche et curieux de tous horizons ont partagé bien plus qu’une danse, lors de ce rendez-vous annuel incontournable. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur cet évènement, je vous invite à relire mon article.
Echauffement public et cours de classique avec Emilie Cozette et Nicolas Paul
Cette année, mes choix se portent « as usual » sur le classique, surtout quand on a l’honneur d’être guidé par Emilie Cozette, danseuse étoile, et Nicolas Paul, grand danseur et chorégraphe (et accessoirement, partenaires dans la vie). Ce complice duo est à l’affiche du week-end pour proposer l’échauffement inaugural (dieu sait que c’est sacré !). Le tour de chauffe est aussi doux que bref. Il ne se démarque pas par une grande originalité, mais il est d’une agréable mise en bouche.
Plus surprenant est le cours de classique qui s’en suit. Emilie et Nicolas préparent avec malice l’idée du jour. Ils nous arrêtent dès nos premiers élans vers les barres pour nous convier au milieu et nous annoncer que ce cours sera sur le thème du pas de deux. Pointe de déception (petite pensée à Jérémie Bélingard, qui l’année précédente, nous avait abondés de conseils de pros et tous mis en émoi devant sa diagonale de grands sauts). Ces deux là réussissent clairement à nous extraire de notre zone de confort. Il n’y a rien à quoi se raccrocher (un bon exercice de pliés qu’on connaît par coeur par exemple) et il va falloir surmonter sa timidité pour danser avec « l’autre ». De plus, un regard suffit pour comprendre que ce ne sont pas les deux hommes peuplant timidement le groupe qui suffiront à toutes nous assurer et qu’en tant que femme du XXIe siècle, nous allons devoir enfiler la culotte. Apparemment, cela faisait partie de leur plan, voilà une occasion d’expérimenter les deux rôles.
Le pas de deux s’offrant devant nous suffit à mettre les mauvaises pensées (et surtout les peurs) au vestiaire. Le couple irradie en grâce sur cet enchaînement paraissant si facile d’exécution. Cela commence par une marche. Et l’affaire n’est en réalité pas dans le sac. Emilie se déplace telle une déesse franchissant l’Olympe. A côté, force est de constater que nous sommes de simples mortels. Elle nous explique le rôle des hanches, du poids dans le sol, du regard. Puis arrive cette promenade, maintes fois revues dans les ballets classiques : la fille est en arabesque (une jambe en l’air à l’arrière), bien demi-pointée sur sa jambe de terre et l’homme, la tenant d’une main, tourne autour d’elle pour la faire tourner, comme les danseuses des boîtes à musique. Nos yeux de spectateurs ont pu longtemps se méprendre à considérer ce pas comme pure formalité, à la limite du pas de liaison. Car après moultes essais avec ma partenaire, c’est toujours la crise de rire. Le bras de maintien part trop souvent sans le corps (verrouiller le bras, c’est seulement facile à dire), ou l’inverse. Il suffit d’essayer pour comprendre la difficulté.
A la fin du cours, nous sommes loin de paraître grands danseurs, mais nous avons le pas de deux bien dans les jambes. Et sincèrement, nous avons passé un délicieux moment. En tant qu’amateur, on a beau cumuler des années de classique, jamais le travail du pas de deux n’a osé pointer le bout de son chausson. Pouvoir l’aborder avec d’aussi talentueuses personnes, et profiter de leurs conseils, c’est un magnifique cadeau.
Mégabarre avec Thierry Malandain (Directeur du Malandain Ballet de Biarritz)
Le nom « Mégabarre » suffit à se laisser séduire par l’exercice. L’idée initiée par Thierry Malandain a déjà fait ses preuves (à la Maison de la Danse de Lyon, à Chaillot, au festival le Temps d’Aimer à Biarritz, …) et c’est une chance de pouvoir l’expérimenter aujourd’hui. Le principe ? Investir un espace public pour convier un plus grand nombre d’amateurs à s’échauffer à l’unisson sur une barre classique. Long de plusieurs dizaine de mètres, le couloir du 3e étage du CND est tout trouvé, et sa rembarde en béton brute a du enfin sourire de se voir prêter le rôle de barre.
Thierry Malandain, accompagné d’un pianiste virtuose, nous donne le « la » sur le contrebas. Quelques soucis de visibilité mis à part, ses exercices à la barre sont d’une efficacité comme on les aime. Certes, il faut avoir un petit background en classique pour apprécier, car nous ne sommes pas là pour nous initier, mais bien pour expérimenter cette nouvelle mise en forme. Et c’est la sensation de faire partie d’un ensemble esthétique qui nous invite à d’autant plus soigner nos mouvements. Thierry Malandain est d’une gentillesse pleine d’humanité et tâche tant qu’il peut de satisfaire nos différences de niveau. Ses en dehors ne respectent pas les règles de l’absolu, tout comme le maintien de son bras, mais rien que par son échauffement, nous pouvons ressentir les vibrations de sa danse. C’est une façon différente d’aborder la danse classique, une respiration pour nos corps imparfaits d’amateurs. Nous finissons par une déambulation sous forme de pas de valse, qui redonne définitivement vie à ce 3e étage.
Danse de couple, avec Michel Koenig et Lydie Folletti
Dernier tour de piste avec ce couple d’excellents danseurs, grands compétiteurs de danses sportives et directeurs du Feeling Dance Factory (studios de danses de couple à deux pas du CND). La leçon du jour : samba et tango. Michel commence par nous échauffer sur le pas de base de la samba. Brésilienne à souhait, cette danse est festive et toute en déhanchés. Il nous explique avec précision les secrets de ce mouvement : un plié qui part des hanches, un poids du corps davantage sur l’avant du pied, … Visuellement, nous sommes très loin de nous mouvoir avec son aisance, mais tout, dans son corps et dans sa voix, nous indique qu’il est là pour nous faire progresser. Lydie prend le relai pour compléter l’exercice de ses bons conseils, et lancer, alors que nous sommes en plein combat intérieur avec notre coordination : « ça, c’est la version lente, sans musique ». Quelques notes de musique endiablées plus tard, tout le monde maîtrise le petit enchaînement. Nous nous mettons en couple pour la mise en pratique.
S’en suit le tango. Lydie nous replonge dans le contexte de l’époque, où la danse était un rendez-vous régulier, et un pretexte à la séduction. Le tango inscrit dans les danses sportives est différent du tango argentin. Il puise ses racines de notre chère Europe. Il est moins sensuel, plus intellectualisé. Nous sommes repartis pour un petit apprentissage des pas de base : une marche respectant temps lents et rapides. En couple, la tenue et le contact des corps sont importants. Regards complices entre partenaires éphémères s’installent, la magie de la danse opère : c’est une vraie rencontre. Avec les autres et avec nous-mêmes.
Nous nous régalons de la danse de Michel et Lydie, dont les corps ondulent harmonieusement. Mais cela va plus loin. Il émane d’eux une vraie humanité teintée de beaucoup d’humour et taquineries bienveillantes.
Une énergie à fond dirigée vers nous, qui nous a porté tout le cours, et qui a su créer cette alchimie pétillante entre tous les participants. Une conclusion très bien venue à ce week-end, où la danse et l’humain se sont croisés, souris, aimés.
Et pour vraiment finir cet article, un petit bonus, un moment pris à la dérobée (chut) !
Un grand merci au CND et à tous les artistes pour nous avoir ouvert leur monde.
Estelle