Lettre ouverte au Français moyen, salarié du privé
Publié le 7/10/2013
Parmi les premières victimes du système actuel, il est un personnage archétypique, le Français moyen, salarié du secteur privé. Je lui dédie cette lettre ouverte.
Par Francis Richard.
Il ne faut pas rêver. La libération de la France de ses chaînes étatiques n'est pas pour demain, ni même après-demain. Pour les hommes politiques, les médias et une grande partie de la population de ce beau pays qui coule, l’État est LA solution.
Ernest Renan disait : "Ce sont les idées qui mènent le monde." S'il a raison et que l'on veut changer les choses, la priorité est donc de mener le combat contre les idées fausses et de montrer, entre autres, que, justement, l’État est LE problème, à l'origine de bien des maux français. Aucune réforme ne sera jamais possible si ceux qui en sont les victimes, c'est-à-dire presque tout le monde, n'en est pas convaincu et se complaît dans la servitude volontaire. Parmi les premières victimes, il est un personnage archétypique, qui n'existe donc pas, mais en qui un nombre non négligeable de Français se reconnaîtront, le Français moyen, salarié du secteur privé.
Il y a quelques semaines, parce que j'étais de bonne humeur, qu'il faut bien commencer par un bout et que je lui veux du bien, j'ai écrit une lettre à ce candidat potentiel à Pôle Emploi. Dans cette lettre, je lui fais toucher le fond, afin qu'il puisse peut-être remonter...
La voici :
Cher contribuable,
Tu constates que la croissance du pays est nulle et que le nombre de chômeurs ne cesse de croître depuis des mois et des mois. Sois heureux. Ton tour de vivre aux crochets de l’État finira bien par venir et tu pourras enfin trouver le repos de l’assisté malgré lui.
En % du PIB, la dette de l’État ne représente encore que 92%. Elle ne peut qu’augmenter sans mollir puisque que ses recettes, 52% du PIB, sont inférieures à ses dépenses, 57% du PIB, et que celles-ci ne sont pas près d’être réduites. L’horizon des 100% est bientôt en vue. Alléluia !
Je ne t’apprends donc rien en te disant que l’État vit largement au-dessus de tes moyens, parce que, souviens-toi, l’État, c’est toi. Tu contribueras donc toujours plus. Ce qui devrait te réjouir puisque tu seras davantage solidaire, certes bien involontairement, mais pour le bien d’une multitude de moins riches que toi.
Rapporté au total de ses dépenses, le déficit du budget général de l’État n’est, après tout, que de 20%. Certes, tu n’irais pas bien loin si, comme lui, chaque année, tu dépensais 25% de plus que tes revenus. Mais ce n’est pas de ta petite personne qu’il s’agit, c’est de l’État avec un E majuscule. Grâce à toi, il peut se permettre cette minuscule fantaisie. Sois en fier.
Tu sais que, sur 28 millions d’actifs potentiels en France, plus de la moitié d’entre eux est d’une manière ou d’une autre payée par l’État. C’est l’ineffable exception économique française. Une minorité de Français travaille en fait pour une majorité. Et tu as le grand honneur de faire partie de la minorité laborieuse. Ce qui fait de toi, comme tes semblables, un contribuable émérite et irremplaçable.
Pour tes déplacements, pour ton approvisionnement en énergie, pour l’éducation de tes enfants, tu es à la merci de syndicalistes du secteur public qui décident où et quand ils feront grève. Ils te rendent le sacré service public d’attirer ton attention sur leur sort peu enviable. Aie de la compassion pour eux.
Tes biens et ta personne ne sont pas en sécurité. Les prisons sont certes surpeuplées, mais un grand nombre de délinquants et de criminels sont en liberté. Ce qui te permet de vivre dangereusement, sans l’avoir vraiment voulu, mais avec tous les mérites qui s’attachent à ce mode de vie, recommandé par le regretté Friedrich Nietzsche.
Bref, l’État s’occupe de presque tout, sauf bien sûr de ce qui te permettrait de vivre libre et prospère. Ce qui serait tout de même dommage et injuste, socialement parlant.
Comme les hommes et les femmes politiques, de gauche comme de droite, n’ont aucun intérêt à combattre l’obésité de l’État, qui leur donne de l’importance et sans laquelle ils ne pourraient pas entretenir de clientèle électorale, il n’y a aucune malchance pour que les choses changent.
Le statu quo, c’est-à-dire le pire, est le plus sûr. Ne désespère donc pas que quiconque ait le courage de la réforme.
Les temps sont révolus où une femme, Margaret Thatcher, s’avérait l’avenir de « l’homme malade de l’Europe » qu’était alors la Grande-Bretagne.
En effet, imagine, il faudrait que quelqu’un de son genre surgisse d’un parti capable de l’emporter aux élections. Il faudrait que cette personne tienne tête aux membres de son parti qui voudraient aller plus vite ou plus lentement que la musique. Il faudrait que cette personne ne fasse pas risette à ses adversaires pour leur complaire et que, de surcroît, elle coupe les vivres, d’origine publique, aux syndicats.
Autant te dire que ce n’est pas demain la veille que les mots d’assistanat, de subvention, de grève seront bannis du vocabulaire de ton pays et remplacés par des mots violents comme esprit d’entreprise, droits de propriété, professionnalisme.
Tu peux dormir tranquille. Tu ne trouveras personne de courageux, à la tête d’une quelconque équipe, pour garder le cap dans les tempêtes, que soulève toute réforme qui touche à des privilèges.
Il te faut te résigner à courber l’échine davantage, ce qui est bon pour son assouplissement.
Je te souhaite donc une bonne servitude, qui n’en sera que plus méritoire si tu la subis sans maugréer et en bonne intelligence.
Que tes contributions ne te soient pas rendues !
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