Ravensbrück fut le seul grand camp de concentration réservé aux femmes. Une des principales caractéristiques du camp de Ravensbrück était le fait que des centaines d'enfants y étaient prisonniers. La barbarie nazie fut sans limite vis-à-vis de ces enfants et leur sort fut absolument épouvantable. Les enfants étaient condamnés à mort avant même leur naissance. Les nouveaux nés étaient immédiatement arrachés des bras de leur mère et noyés ou tout simplement jetés dans un seau pour y mourir. Dans la majorité des cas, cela se faisait en présence de la mère. Les nombreux témoignages enregistrés après la guerre font état d'enfants jeté au feu, enterrés vivants, empoisonnés, étranglés, noyés. Les médecins SS les utilisèrent également pour des expériences médicales ou stérilisaient des jeunes filles, quelquefois à peine âgée de 8 ans, par exposition directe des organes génitaux aux rayons X (Dr. Clauberg).
Valentine Goby imagine la vie de Suzanne Langlois, résistante, trahie et transportée à Ravensbrück, le 18 avril 1944. La jeune femme, 20 ans, découvre qu’elle est enceinte. Son quotidien insoutenable nous est décrit, au présent et dans les moindres détails, jusqu’à sa sortie, le 24 avril 1945.
P 87 : « un chien nazi qui ne te mord pas quand tu le défies sur la Lagerplatz déserte est une entorse à la fatalité. Une distorsion de la logique après quoi nul raisonnement ne peut plus épuiser, disqualifier la possibilité de miracle… Je parie que. »
Le chien ne l’a pas mordue.
P 108 (le roman compte 218 pages) : Je pensais avoir lu toutes les atrocités qu’une femme peut subir dans un camp nazi. On ne peut pas gravir plus haut l’échelle de la barbarie et du sadisme. Je pose le livre pour la énième fois, la respiration bloquée, songeuse.
Pourtant quand je reprends le roman, je découvre que le pire était à venir et que d’autres malheurs surviennent parce que l’enfant est né. Et que des centaines de femmes arrivent dans le camp.
Mais le verbe « tenir » devient, envers et contre tout, le fil rouge du roman. « Tenir, se rappeler du chien », sont les mots que je retiendrai, le livre refermé, alors que la narratrice affirme également, 40 ans plus tard, qu’ « elle n’a pas oublié que le chien ne l’a pas mordu, que sa vie a tenu à cela, la vie tient à si peu de chose, à un pari. »
Je suis assommée mais admirative de l’écriture de cette écrivaine. Quel talent !
mjo