De 4,8 millions de voix en 1969 avec Jacques Duclos, soit 21,27 %, ou encore 4,5 millions avec Georges Marchais en 1981, soit encore 15,5 % de l'électorat, le PCF est passé à un peu plus de 700 000 voix en 2007 avec Marie-Georges Buffet, soit moins de 2 % des électeurs. Un raccourci journalistique fort répandu sous-entend généralement qu'une part importante de ces électeurs se retrouve aujourd'hui au Front National. Une certaine similitude dans la sociologie électorale amène à penser cela, d'une qu'une paresse intellectuelle évidente chez certains. Il se pourrait que les choses ne soient pas si simples et que sous les apparences se cachent une discrimination envers les classes populaires en général et le monde ouvrier en particulier.
La première chose à faire, si les deux électorats se recoupent, est de regarder les cartes électorales. En principe, elles devraient se ressembler. Or, ce n'est pas le cas. On constate évidemment des zones de ressemblances, notamment le pourtour méditerranéen et le Nord-Pas de Calais et la Picardie, où les électorats de Marchais en 1981 et Marine Le Pen en 2012 étaient sur-représentés, ainsi que toute la côte Atlantique allant de la Basse-Normandie à l'Aquitaine où les deux électorats sont plus faibles qu'ailleurs. Cependant, les zones de divergences sont flagrantes et l'emportent sur le reste. Georges Marchais réalisait ses scores les plus importants dans le centre de la France (Limousin, Berry, Allier, Dordogne) et dans la banlieue parisienne, là où justement Marine Le Pen avait en 2012 encore du mal à percer. A l'inverse, Marine Le Pen réalisait des scores ahurissant dans tout le nord-est (Alsace, Lorraine, Champagne, nord de la Franche-Comté), là où le Parti Communiste en 1981 était inexistant.
Ceci indique donc que s'il y a eu basculement d'un électorat à un autre, c'est au niveau régional que cela se joue et qu'on ne peut donc généraliser cette règle pour la France entière.
Autre évidence apparente qu'il convient d'analyser de plus près. Marchais en 1981, comme Marine Le Pen en 2012 ont réalisé leurs meilleurs scores, chez les ouvriers (Lire ici et là). Mais il existe pourtant une différence de taille que personne ne souligne jamais, elle concerne l'abstention. En 2012, Marine Le Pen a donc réalisé ses meilleurs scores dans la catégorie de population qui s'est le plus abstenue (ici), alors même qu'auparavant en 1981 cette catégorie ne s'est pas plus abstenue que la moyenne des Français (là) qui de toute façon s'abstenait moins qu'en 2012.
Ces données indiquent donc que s'il y a eu passage d'un électorat à un autre, cela n'a pu être que limité régionalement, et surtout, tout porte à croire qu'une part non négligeable des anciens électeurs communistes s'est surtout réfugiée dans l'abstention.
Cependant, la reprise systématique de cette contre-vérité assimilant d'une certaine manière vote communiste d'autrefois et vote d'extrême-droite (oui, le vote FN est un vote d'extrême-droite, il faut le marteler) ne doit rien au hasard. Elle est promulguée en grande partie par des médias aux mains du grand capital, qui perpétuent cette méfiance envers les classes populaires qu'ont les classes dirigeantes. Ne pas oublier que les classes laborieuses et les classes dangereuses sont souvent assimilées (lire ici), et qu'on retrouve ce phénomène en politique : il convient donc de ramener les classes populaires dans la marginalité ou dans l'extrêmisme, au parti communisme hier, au Front National aujourd'hui. C'est un racisme de classe qui s'exprime surtout ici.